Histoire d’Outre-mer : Il y a 75 ans les survivants calédoniens du Bataillon du Pacifique et des Forces françaises libres rentraient enfin chez eux

Retour des volontaires du bataillon du Pacifique à Nouméa 21-25 mai 1946 ©Musée de l’Ordre de la Libération/Photo Marcel Médard

Histoire d’Outre-mer : Il y a 75 ans les survivants calédoniens du Bataillon du Pacifique et des Forces françaises libres rentraient enfin chez eux

21 mai 1946, un an après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les volontaires calédoniens sont enfin de retour à bord du Sagittaire après plus de cinq ans d’absence pour beaucoup d’entre eux. 

A nos héros

« Il est important de rendre hommage à nos héros ultramarins » comme le rappelle la Tahitienne Titania Redon dans Raconte-moi une Histoire d'outre-mer « Le 19 septembre 2020, nous avions commémoré les 80 ans du ralliement de la Nouvelle-Calédonie à la France libre avec l'interview de Thierry Santa, président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. En 2021 nous poursuivons ces hommages en publiant l’épopée des Commandos SAS Calédoniens de la France Libre. En couverture de Raconte-moi une Histoire d’outre-mer vous pouvez ainsi découvrir la photo que Charles Frogier, volontaire dans le Bataillon du Pacifique, père de Pierre Frogier, futur président du gouvernement et sénateur de Nouvelle-Calédonie, a dédicacée le 10 avril 1942 au Caire en Egypte à son ami Paul Klein, commando SAS ».

« Il fit honneur à son île autant qu’à son pays (1) »

Le Calédonien Louis Kasni Warti nous ayant quittés le 6 décembre 2020, le dernier survivant du Bataillon du Pacifique est désormais le Polynésien Ari Wong Kim, 96 ans. 

Lire aussi : Histoire d’Outre-mer : Le Bataillon du Pacifique dans l’enfer de Bir-Hakeim

Dans son livre Il y a 80 ans ils combattaient, s’engageaient et mouraient pour défendre notre liberté (2), Philippe Leydet, directeur de l’ONAC-VG (3) de Polynésie, rappelle le parcours du Bataillon : « Le Bataillon du Pacifique arrive à Suez en Egypte le 31 décembre 1941. (…) Il est de tous les combats de la 1ère division française libre (DFL) placée sous le commandement du général Koenig. Il prend part en Libye à la bataille de Bir Hakeim » (du 27 mai au 11 juin 1942, ndlr).

« 29 mai 42 : Bir Hacheim. Un jour s’est encore écoulé. Si on peut tenir encore demain, les F.F.L (4) auront tenu la promesse faite aux alliés : garder « à tout prix » Bir Hacheim au moins quatre jours. L’armée française renaissante n’a pas le droit de flancher. Cette promesse nous y tenons plus qu’à nos vies » raconte Roger Ludeau dans ses Carnets de route d’un combattant du Bataillon du Pacifique (5). « Ce succès retentissant de notre armée avait fait dire au général de Gaulle, s’adressant au général Koenig : Sachez et dites à vos troupes que toute la France vous regarde et que vous êtes son orgueil (6) ». 

Lire aussi : Histoire d’Outre-mer : Le Martiniquais Félix Perina s’en va-t’en guerre

Rendant hommage à Louis Kasni Warti, dans leur communiqué en date du 14 décembre 2020, Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer et Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, rappellent l’engagement du Calédonien : « Dans le désert Libyen, autour de Monte Cassino en Italie puis en Provence où il participa notamment à la libération d’Hyères et jusque dans le froid des Ardennes, il fit honneur à son île autant qu’à son pays ». 

Paris, Saintes, Marseille, la Martinique, la Guadeloupe, Tahiti et enfin Nouméa ! 

Le Bataillon du Pacifique arrive à Paris en novembre 1944. Le 18 septembre 1945, les volontaires du Bataillon du Pacifique défilent sur les Champs-Elysées. Fin septembre le Bataillon quitte Paris. Le 14 mars 1946, le Sagittaire appareille du port de Marseille avec plus de 2000 personnes à son bord : volontaires du Bataillon du Pacifique mais également volontaires et engagés ayant appartenu à d’autres unités de la France libre (Forces Aériennes de la France libre, Forces Navales de la France libre, commandos SAS etc.) et pour certains leurs familles. Après deux escales techniques en Martinique et en Guadeloupe, c’est la traversée du canal de Panama puis le 5 mai Tahiti avant d’atteindre - enfin - Nouméa le 21 mai 1946.

Paris, 18 septembre 1945, Jean Tranape, porte drapeau du bataillon du Pacifique ©Musée de l’Ordre de la Libération

« Le Bataillon du Pacifique, mission accomplie, arrive enfin à Nouméa. La réception est simple, digne, sans festivité, car nous avons hâte de rentrer chez nous où d’autres impérieux devoirs nous attendent. Un ultime « Adieu » camarades SAS, écossais, anglais et polonais, héros de la Résistance, camarades de la glorieuse France Libre, chères Bretonnes et Bretons à qui je dois la vie » conclut Paul Robineau dans son livre Paras Calédoniens de la France Libre (7). 

L’Histoire des outre-mer est encore trop peu connue

Pour Titania Redon, à l’initiative de la rubrique, Raconte-moi une Histoire d’outre-mer du magazine Itinéraires d'outre-mer, un constat : « l’Histoire des outre-mer est encore peu connue alors qu’elle est riche d’engagements extraordinaires mais également de périodes plus douloureuses. Notre objectif est uniquement de transmettre les témoignages et les souvenirs des Anciens que nous rencontrons et de leurs proches, d’être des passeurs de mémoire ». Dans les prochains Itinéraires d’outre-mer, d’autres témoignages d’Anciens de la Seconde Guerre mondiale sont encore à venir : Léopold Léon, Salinière Segor† et Edmond Sainsily en Guadeloupe, Guy Brault† et Maxime Aubry† en Polynésie. 

Retour des volontaires du bataillon du Pacifique à Nouméa 21-25 mai 1946 ©Musée de l’Ordre de la Libération/Photo Marcel Médard

« Je suis moi-même descendante de six anciens combattants polynésiens dont Pouvana’a a Oopa, le « Metua », futur sénateur, engagé dans le Bataillon du Pacifique pendant la Première Guerre mondiale, son fils, Marcel Marcantoni Oopa, volontaire pendant la Seconde Guerre mondiale dans le Bataillon du Pacifique, futur député, et ses deux frères, Albert et Etienne Colombani, qui ont combattu dans les commandos parachutistes SAS aux côtés notamment des SAS calédoniens. Ils seront parmi les premiers à être parachutés en France dans le cadre de l’opération Overlord et notamment en Bretagne en juin 1944 où beaucoup participent à la Bataille de Saint-Marcel.

Lire aussi : Centenaire de l’armistice en Guyane : Cayenne et Montsinéry-Tonnegrande rendent hommage aux 1600 Poilus guyanais

Il est important de rendre hommage à nos héros ultramarins et de valoriser l’histoire de l’outre-mer en général. La Ville de Paris a ainsi notamment organisé en novembre 2019 une conférence sur « L’engagement du Bataillon du Pacifique dans les deux conflits mondiaux » ainsi qu’un hommage au soldat kanak Kalepo Wabete à l’Arc de Triomphe en novembre 2017. 

« 2020 et 2021 sont des années « d’anniversaires historiques » comme le rappellent Renaud Muselier, président de Régions de France, Hervé Gaymard, président de la Fondation Charles de Gaulle et Vladimir Trouplin, conservateur du musée de l’Ordre la Libération. Il était donc important de commémorer ces anniversaires ». 

Bibliographie : 

1. https://www.defense.gouv.fr/salle-de-presse/communiques/deces-de-monsieur-louis-kasni-warti-dernier-survivant-caledonien-du-bataillon-du-pacifique

2. Il y a 80 ans, ils combattaient, s’engageaient et mouraient pour défendre notre liberté, ©Philippe Leydet, directeur service territorial de Polynésie française, ONAC-VG, société Fast Print, juillet 2020, 31 p 

3. Office national des Anciens combattants et victimes de guerre

4. FFL : Forces Françaises libres

5. ©Les carnets de route d’un combattant du Bataillon du Pacifique, Roger Ludeau, Artypo, juillet 2010, 187 p 

6. ©Brochure Il y a 70 ans, les calédoniens à Bir Hakeim, service de l’ONAC-VG de Nouvelle-Calédonie, musée de la ville de Nouméa, vice-rectorat de la Nouvelle-Calédonie, Artypo, 2012, 16 p

7. Entretien Titania Redon avec Fanny Pascual, petite-fille du SAS Paul Robineau, Nouméa, avril 2017 ©Paul Robineau, Paras Calédoniens de la France Libre, Les Editions du Cagou, 1989, 145 p