Dans une question écrite au gouvernement polynésien, l’élue de l’Assemblée territoriale Eliane Tevahitua, membre du groupe indépendantiste Tavini Huira’atira, demande au président de la Collectivité d’Outre-mer de « lancer dans les meilleurs délais (…) une étude sur les conséquences transgénérationnelles des essais nucléaires en Polynésie française ».
Rappelant l’hommage du président polynésien Édouard Fritch à Bruno Barrillot le 15 août dernier, à l’occasion de la commémoration du décès de ce chercheur et figure de la lutte anti-nucléaire en Polynésie, Eliane Tevahitua a interpellé le chef de l’exécutif sur les conséquences transgénérationnelles des essais nucléaires, qui furent parmi les préoccupations de Bruno Barrillot, alors qu’il œuvrait en qualité de délégué au suivi des conséquences des essais nucléaires dans notre pays.
« Une des préoccupations majeures de M. Barrillot, qui rejoignent en cela celles des descendants des populations irradiées par la bombe, est celle des conséquences génétiques des tirs nucléaires et de leurs retombées radioactives sur notre population », rappelle l’élue indépendantiste. Bruno Barrillot « s'inquiétait des effets à long terme que ces radiations occasionneraient sur le patrimoine génétique des populations irradiées il y a cinquante-quatre ans, celui de leurs enfants, de leurs petits-enfants et arrières petits-enfants » souligne l’élue qui reprend, dans sa question, des écrits du chercheur à ce sujet, publiée dans les notes de l’Observatoire des Armements en 2016.
Parmi les conséquences des « radiations sur les chromosomes des cellules germinales » relevées par Bruno Barrillot : « la mort de l’embryon dès le début de son développement » en raison de l’endommagement des chromosomes et de la mort des cellules. « Les biologistes constatent ainsi un déficit des naissances et de plus un déséquilibre des sexes à la naissance » poursuivait le chercheur, soulignant « un excès significatif de naissances de garçons chez les populations proches de Tchernobyl, chez les populations proches d’installations nucléaires et même chez les habitants du Kerala, région de l’Inde connue pour sa très forte radioactivité naturelle ».
« D’autre part, certains chromosomes endommagés laissent l’embryon arriver à terme qui, par la suite, transmettra ces anomalies génétiques à ses descendants et aux générations suivantes, sans qu’on puisse raisonnablement prédire que cette transmission d’anomalies génétiques s’arrêtera » avait également écrit Bruno Barrillot. Il rappelait également que « les anciennes mises en garde des scientifiques (…) ont contribué à faire cesser les essais atmosphériques des trois grandes puissances de l’époque : États-Unis, URSS et Royaume-Uni ». « Ces scientifiques affirmaient en effet que les retombées radioactives des essais aériens mettaient en péril l’avenir de l’humanité en diffusant sans contrôle des anomalies dans le patrimoine génétique des êtres humains ».
En Polynésie, les conséquences transgénérationnelles des essais nucléaires sont très souvent mises en avant par les associations œuvrant auprès des victimes des essais nucléaires, qui demandent la mise en place d’une étude indépendante. Bruno Barrillot fut notamment co-fondateur, avec John Doom et Roland Oldham, de la première association d’aide aux victimes en Polynésie : Moruroa e Tatou.