En Polynésie, un projet ambitieux pour démanteler et recycler les navires hors d’usage

En Polynésie, un projet ambitieux pour démanteler et recycler les navires hors d’usage

Sur l’île de Tahiti, la filière de déconstruction et de recyclage des vieux bateaux semble se mettre en place. C’est en tout cas la promesse du projet Ekopol, investissement de 850 millions de Fcfp, mené par la société Enviropol. Mais des questions demeurent quant au financement et à l’avenir de la filière en Polynésie. Un sujet de notre partenaire Radio 1 Tahiti.

Est-ce la fin des épaves, des vieux bateaux de pêche et des anciens navires de plaisance qui polluent le port de Papeete ? Difficile d’avoir des chiffres précis ; selon les derniers recensements, le Port autonome abrite une cinquantaine de navires abandonnés ou en fin de vie. Mais selon Stéphane Perez, président du Cluster maritime de Polynésie et PDG du Chantier naval du Pacifique « la filière de démantèlement se met en place et se structure via le Port autonome de Papeete et avec le tissu industriel local existant ». 

Au début d’année, sa société, en partenariat avec Enviropol, a remporté l’appel d’offre du Port autonome pour démanteler et recycler l’Oiseau des îles. « C’était une belle réussite. On a pu recycler 85% de la masse du bateau », souligne Benoît Sylvestre, directeur général d’Enviropol. 

Fortes de cette expérience, les deux sociétés, toujours en groupement, ont répondu à un nouvel avis d’appel à la concurrence du port publié en septembre et portant sur la décomposition de cinq lots de bateaux et de déchets des pontons. Elles espèrent être retenues pour deux lots, dont celui avec des navires hauturiers. Face au manque de concurrence, le groupement a de grandes chances de l’emporter. D’autant qu’Enviropol compte aller plus loin.

Un projet à 850 millions de FCFP

Cette société spécialisée dans le tri, le transfert, l’enfouissement et la valorisation des déchets monte Ekopol, « un centre de démantèlement métallique, dédié plus particulièrement à des navires hors d’usagedont l’investissement s’élève à 850 millions de Francs », précise Stéphane Perez.

« On est prêt à déposer le permis de construire dès le premier janvier, mais on attend la signature d’affectation du terrain. Il s’agit d’un site de 5 hectares à Taravao où on a déjà dépensé 10 millions pour les études ICPE (les installations classées pour la protection de l’environnement, ndlr) », explique Benoît Sylvestre. Ekopol pourrait débuter l’exploitation fin 2026 et créer une trentaine d’emplois. Ce projet ambitieux s’inscrit dans une démarche de développement durable et pourrait bien redéfinir les pratiques locales en matière de gestion des déchets marins. « On recycle tout ce qui peut être recyclé et réutilisé. L’enfouissement reste notre solution ultime », ajoute le directeur d’Enviropol.

D’autres sociétés privées pourraient-elles suivre ce projet ambitieux ? « La société Recypol est en sommeil et pour l’instant, nous n’avons pas de projet en vue », précise Samuel Matton, directeur du groupe Tuatea, propriétaire de la société. Quant au chantier Technimarine, la question semble à l’étude. À noter que l’une des entreprises calédoniennes de la filière s’est également penchée sur la question.

Reste à savoir qui va payer l’addition. Si le budget a été prévu par le Port autonome pour la destruction des lots affichés dans l’appel d’offre, quid du reste de bateaux ? Face au coût exorbitant du démantèlement, des solutions existent. « La TEAP (taxe pour l’environnement, l’agriculture et la pêche, NDLR) est fixée à 2 % de la valeur en douane des marchandises importées, mais elle n’est pas affectée. On pourrait la faire évoluer et, comme en Nouvelle-Calédonie, créer un éco-organisme à but non-lucratif pour permettre aux producteurs concernés de satisfaire aux obligations de la responsabilité élargie des producteurs, propose Benoit Sylvestre. Il faut adapter la fiscalité aux enjeux environnementaux. »

D’autres problématiques restent également à résoudre, notamment la question du foncier et de la lenteur des procédures. Hors des zones du Port autonome, l’enlèvement des épaves et leur traitement revient au Pays et se fait sous l’autorité de la Direction polynésienne des affaires maritimes. Le Port autonome et le ministère de l’Agriculture, des Ressources marines et de l’Environnement n’ont pas répondu à nos sollicitations.

Darianna Myszka pour Radio 1 Tahiti