Un nouveau round de discussions sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie s'ouvre mercredi dans l'archipel, avec comme enjeu principal le maintien du droit à l'autodétermination, qui crispe aussi bien les non-indépendantistes que les indépendantistes.
C'était la grande inconnue de cette troisième séance de pourparlers : le FLNKS, principale alliance indépendantiste de Nouvelle-Calédonie, sera bien présent à la table des discussions autour du ministre des Outre-mer Manuel Valls, attendu sur l’archipel dans la nuit de mardi à mercredi. La décision a été prise samedi, lors d'une convention à Yaté, dans le sud de Grande Terre, par les membres du Front de libération nationale kanak et socialiste appelés à trancher cette question restée en suspens.
Mais avec une nuance de taille : si la délégation conduite par le député (Gauche démocrate et républicaine) Emmanuel Tjibaou fera le déplacement, c'est parce que le ministre devrait présenter une nouvelle mouture du projet d'accord soumis début avril aux partenaires politiques calédoniens, et qui fait depuis l'objet de discussions en visioconférence avec Manuel Valls et son équipe.
En fonction du contenu du document, le bureau politique du FLNKS, qui tiendra une réunion extraordinaire sur le sujet jeudi 1er mai, décidera de la suite à donner. Car en l'état, le projet d'accord est jugé insatisfaisant. Principal point de mécontentement, le droit à l'autodétermination, sur lequel le FLNKS veut que le ministre revoie sa copie.
Entre 2018 et 2021, trois référendums ont vu le « non » à l'indépendance l'emporter. Mais le dernier référendum, tenu en pleine épidémie de Covid, a été boycotté par les indépendantistes qui souhaitaient le repousser. Avec un taux de participation de seulement 43,87% (contre 81,01% en 2018 et 85,69% en 2020), cette consultation est contestée par les indépendantistes, qui considèrent par ailleurs que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ne s'éteint jamais.
Droit « virtuel »
Ils souhaitent donc que l'accord fixe un horizon pour l'exercice de ce droit. Car « à ce stade, le droit à l'autodétermination reste virtuel », peut-on lire dans une note de l'Union calédonienne, principale composante du FLNKS, consultée par l'AFP.
Si le projet d'accord prévoit bien la possibilité d'organiser un nouveau référendum « au terme d'une période de stabilisation », il faudrait pour le déclencher l'accord de 3/5e des élus (33 sur 54) du congrès, l'assemblée délibérante du territoire. Un nombre d'élus dont ne disposent pas les indépendantistes.
La frange radicale des non-indépendantistes, regroupés au sein d'une coalition baptisée Les Loyalistes, refuse, elle, toute évolution sur ce point. « Un nouveau référendum, c'est la guerre civile et nous on ne veut pas fixer la date de la guerre civile donc on refuse de fixer une date pour un nouveau référendum », lançait ainsi mercredi la cheffe de file des Loyalistes Sonia Backès, à l'occasion d'un meeting à Nouméa.
L'autodétermination, « ce sera certainement le débat le plus rude », considère Philippe Gomès, président du parti non-indépendantiste de centre-droit Calédonie ensemble, qui réunissait également ses militants et sympathisants cette semaine.
« Oui collectif »
Le mouvement accueille lui favorablement la proposition de l'État, qui prévoit la possibilité non plus d'une consultation « binaire pour ou contre l'indépendance », mais d'un « référendum de projet », définissant un nouveau statut et les liens avec la France. La majorité des 3/5e requise ouvre la possibilité à une « construction d'un oui collectif », estime Calédonie ensemble qui veut croire qu' « il est encore temps de bâtir une solution politique novatrice et viable ».
Manuel Valls espère lui parvenir à signer un accord « dans les prochains jours » ou « prochaines semaines ». Cet accord est « indispensable », a-t-il insisté dimanche sur le plateau du Grand Jury RTL/M6/Le Figaro/Public Sénat, appelant « l'ensemble des protagonistes politiques » calédoniens à « assumer ses responsabilités ».
« S'il n'y a pas d'accord, et bien alors l'incertitude économique et politique peut conduire à un nouveau désastre, à la confrontation et à la guerre civile », a déclaré le ministre. Le territoire se relève difficilement des émeutes déclenchées il y a près d'un an, en mai 2024, par le projet gouvernemental de réforme du corps électoral calédonien, qui ont fait 14 morts et plus de deux milliards d'euros de dégâts.
Avec AFP