En Nouvelle-Calédonie, la cheffe de la mission interministérielle de reconstruction Claire Durieu constate un « consensus sur la nécessité de changer »

©ACP / LNC

En Nouvelle-Calédonie, la cheffe de la mission interministérielle de reconstruction Claire Durieu constate un « consensus sur la nécessité de changer »

Constituée le 30 juin, la mission interministérielle de reconstruction menée par Claire Durrieu vient d’achever une série de rencontres avec l’ensemble des institutions, mais aussi des représentants du monde économique, social, associatif. L’objectif : apporter un soutien technique à la Nouvelle-Calédonie dans « la refonte de son modèle économique et social ». Explications avec notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.

La mission interministérielle pour la Nouvelle-Calédonie, voulue par le Premier ministre François Bayrou, a été créée le 30 juin, soit « antérieurement aux discussions de Bougival », précise Claire Durrieu, qui en a pris la direction. La mission « se déroulera de toute manière », assure donc la haut-fonctionnaire, peu importe le devenir de l’accord.

Si elle est placée sous l’autorité du Premier ministre, la mission rend également compte aux autres ministères concernés, Outre-mer, Économie et Finances, Budget, etc. Dix personnes la composent, dont cinq basées à Nouméa. L’autre moitié, à Paris, effectuera des déplacements réguliers sur l’archipel.

Deux objectifs

La mission poursuit deux objectifs principaux, explique Claire Durrieu. Le premier est « d’accompagner le territoire dans la refondation de son modèle économique et social, vers un redressement progressif sur plusieurs années ».

Un enjeu crucial au vu des difficultés rencontrées par la Nouvelle-Calédonie depuis plusieurs années, rappelle l’ancienne inspectrice des finances. D’une part, en lien avec la crise que connaît l’industrie de transformation du nickel. « Cette dernière n’est plus rentable depuis 2012 ». Et d’autre part, en raison « du ralentissement économique depuis le début des années 2010 », ce qui fait que même sans les émeutes de l’année dernière, le territoire, en août 2024, « aurait été en crise de trésorerie ».

Le deuxième objectif consiste à permettre à l’État d’avoir un « suivi coordonné de l’ensemble des sujets », c’est-à-dire une « animation interministérielle » au niveau de l’exécutif central, et localement, avec les élus et forces vives.

Un appui technique

L’État est intervenu « assez massivement ces dernières années », estime Claire Durrieu. Les transferts représentent entre 180 et 204 milliards de francs par an, y compris la défiscalisation et l’aide au secteur nickel. En 2024, le montant s’est élevé à 324 milliards de francs. « Cela correspond à peu près à un quart du PIB en 2023 ». Or, ce soutien s’inscrit « dans le cadre d’un engagement réciproque ». En contrepartie, « la Nouvelle-Calédonie s’engage à redresser progressivement son modèle ». À travers cette mission, l’État souhaite ainsi « apporter une expertise et un appui techniques » au territoire pour l’inciter à se réformer.

Un « consensus sur la nécessité de changer »

Depuis son arrivée il y a dix jours, Claire Durrieu a rencontré l’ensemble des acteurs locaux : représentants des institutions, des groupes politiques au Congrès, des maires, du Cese, de la Cafat, du monde économique, des chambres consulaires, du secteur du nickel, des banques, des syndicats de salariés, du Sénat coutumier, d’associations, etc.

De tous ces échanges, la haut-fonctionnaire retient un « consensus très fort sur la nécessité de changer ». Et si les solutions proposées peuvent varier en fonction des interlocuteurs, « l’enjeu des prochains mois est de voir s’il y a des lignes de convergence qui se dégagent sur lesquelles les Calédoniens pourraient se retrouver ». Claire Durrieu note également « la grande attention portée sur les aspects de développement humain, la vie quotidienne, les perspectives données à la jeunesse, la formation, l’insertion, l’emploi. »

Une urgence : les finances publiques

Parmi les sujets à traiter rapidement, celui concernant la situation des finances publiques. « Sans soutien de l’État, le territoire ne pourrait plus assurer le financement des comptes sociaux, des emplois publics, de l’énergie, du chômage, de la santé, des retraites…, liste la cheffe de mission. Il y a risque de cessation de paiements, donc il faudra aller vite ».

Les autres chantiers concernent l’économie, les finances, l’énergie, la formation, la santé, etc., et le nickel, secteur pour lequel il s’agit de « trouver un équilibre économique », car depuis 2016, la métallurgie ne survit que grâce au soutien de l’État (« entre 2016 et 2025 pour les trois usines, c’est 228 milliards de francs »).

Une mission dans la durée

Ce n’est pas la première initiative du genre. Emmanuel Moulin, aujourd’hui secrétaire général de l’Élysée, avait précédé Claire Durrieu en novembre, en tant que délégué interministériel déjà chargé d’accompagner la Nouvelle-Calédonie dans sa reconstruction. Il dressait alors les mêmes constats, bien connus des Calédoniens.

Ce qui différencie ces deux missions ? La durée. « Celle-ci s’inscrit dans le temps long, sur plusieurs années. Elle n’est pas dans un cabinet ministériel. Elle ne tombe pas si un gouvernement tombe ». Il s’agit également d’une « mission opérationnelle. L’idée n’est pas de faire un rapport, mais d’accompagner pour que les actions nécessaires puissent être conduites rapidement ».

Anne-Claire Pophillat pour Les Nouvelles Calédoniennes