Comment sortir de l'impasse politique et institutionnelle issue du référendum sur l'autodétermination de 2021 ? La question, qui déchire partisans et opposants à l'indépendance, sera au coeur de la visite d'Emmanuel Macron en Nouvelle-Calédonie, de lundi à mercredi.
Programmés par l'accord de Nouméa sur l'autonomie signé en 1998, trois référendums successifs ont rejeté l'indépendance du territoire français du Pacifique. Mais la dernière de ces consultations organisée en décembre 2021 au sortir de la pandémie de Covid, est vivement contestée par les indépendantistes du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), qui l'avaient boycottée faute d'avoir obtenu son report.
Le gouvernement a depuis réussi à relancer le dialogue sur l'avenir institutionnel de l'archipel mais n'a pas encore réussi à asseoir à la même table loyalistes et indépendantistes.
Dans ce contexte fragile, le séjour du chef de l'Etat est très attendu par les deux parties.
"La balle est dans le camp de l'Etat", souligne auprès de l'AFP Virginie Ruffenach, la vice-présidente du Rassemblement-Les Républicains. "L'Etat doit jouer sa partie et proposer aux Calédoniens une ligne d'avenir et dire quel rôle la Nouvelle-Calédonie joue pour la France".
"On attend du président la confirmation de l'ouverture de trilatérales à Paris au mois d'août mais aussi que soit confirmée sa volonté d'obtenir un accord sur un nouveau statut", poursuit Gil Brial, deuxième vice-président de la province Sud et porte-parole de l'intergroupe Les Loyalistes au Congrès de la Nouvelle-Calédonie. "Une réforme constitutionnelle simplement pour ouvrir le corps électoral, ce n'est pas suffisant. Ce que l'on demande, c'est de sortir de l'accord de Nouméa", plaide-t-il.
Les indépendantistes, qui ont donné quelques gages d'ouverture en acceptant de discuter de l'ouverture des listes électorales en vue du scrutin provincial de mai 2024, lient ces questions institutionnelles à la reconnaissance des impacts négatifs de la colonisation sur la population kanak. "Nous attendons beaucoup de la venue du président pour enfin aborder la question de l'identité kanak et les problématiques du contentieux colonial et des réparations", détaille Roch Wamytan, un des responsables de l'Union calédonienne.
Questions économiques
"On attend des déclarations mais aussi des actions et des initiatives en termes de réparations", ajoute le président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. "Tant que l'on n'a pas réglé la question de l'identité kanak, du contentieux colonial et des réparations, on va aller faire quoi dans des trilatérales ?"
Outre ces questions politiques, la parole présidentielle sera également scrutée sur le front économique. En juin dernier, Louis Mapou, le président de la Nouvelle-Calédonie (un des responsables du Palika, parti membre du FLNKS), s'est inquiété du modèle économique "à bout de souffle" de la Nouvelle-Calédonie, dans un contexte de finances publiques extrêmement contraintes, de fortes inégalités et de progression de la pauvreté.
Avec un taux d'endettement dépassant les 200%, le territoire est "sur la voie d'une cessation de paiements", a insisté récemment Yannick Slamet, le membre du gouvernement en charge du budget, le 3 juillet.
"L'enjeu, dans cette vision de la Nouvelle-Calédonie française dans le Pacifique, est de savoir comment l'Etat nous accompagne dans une relance économique pour rendre la Nouvelle-Calédonie plus attirante et pour sortir de la noyade dans laquelle on est aujourd'hui", abonde le loyaliste Gil Brial.
La visite du chef de l'Etat, qui se rendra également au Vanuatu et en Papouasie-Nouvelle-Guinée voisines, prendra également une dimension géopolitique, dans une vaste zone dite "Indopacifique" allant des côtes est-africaines aux côtes ouest-américaines, où Emmanuel Macron entend faire de la France une "puissance d'équilibre" entre Chine et Etats-Unis.
"L'axe Indopacifique, c'est un concept qui n'a pas concrètement été décliné", estime Gil Brial. "Nous avons le discours du Théâtre de l'Ile (lors de la première visite du président en mai 2018) mais cela ne va pas beaucoup plus loin", poursuit le loyaliste. "Comment sommes-nous intégrés dans ce développement ? Comment la Nouvelle-Calédonie peut devenir le porte-avion de la politique française dans le Pacifique ?"
Avec AFP