Avec 1 350 départs « nets » chaque année, la Polynésie connaît toujours un solde migratoire largement déficitaire, comme l’a confirmé l’ISPF dans une étude publiée ce jeudi. Si la proportion de natifs est beaucoup plus faible chez les arrivants (15%) que chez ceux qui quittent le territoire (60%), l’institut relève que le nombre de personnes nées en Polynésie et qui y reviennent a fait un bond de près d’un tiers en cinq ans. Détails de notre partenaire Radio 1 Tahiti.
20 900 départs, 14 050 arrivés en cinq ans en Polynésie : le solde migratoire est toujours déficitaire, comme le relève l’ISPF dans une étude basée sur la comparaison des deux derniers recensements. C’est le cas depuis près de 20 ans, et avec 1 350 départs nets chaque année entre 2017 et 2022, ce solde, qui reste pour l’instant compensé par le rythme des naissances, a même tendance à se creuser. Mais plus que les mouvements, c’est aux caractéristiques des « migrants » que l’Institut de la statistique s’est intéressé.
Des natifs qui reviennent accompagnés
Côté départs, le manque d’information est « frustrant » pour les démographes, mais on sait tout de même que 60% de ceux qui quittent le territoire sont des natifs, et que les plus concernés sont les 21-24 ans. À l’heure des études, des stages ou de l’armée, c’est près d’un quart (24%) de la classe d’âge qui quitte la Polynésie, 17 % si on étend au 18-30 ans, et avec des taux encore plus élevés aux Marquises ou aux Australes. On observe aussi un pic, certes moins évident, de départs entre 40 et 49 ans, qui pourrait s’expliquer par des trajectoires de carrières des fonctionnaires, bien que l’ISPF n’ait pas les moyens de le confirmer.
L’institut en sait en revanche beaucoup plus sur les arrivants de cette période 2017-2022, pour la bonne raison qu’elle a pu les interroger lors du dernier recensement. Premier enseignement : ils arrivent en famille. « On peut avoir dans l’inconscient des personnes qui arrivent seules sur le territoire. C’est beaucoup plus complexe que ça », note Julie Pasquier, démographe à l’ISPF. 85% des arrivants vivent et arrivent en famille sur le territoire, ce qui correspond peu ou prou à la structure de la population locale.
Parmi elles, des arrivant « nouveaux » sur le territoire, principalement des hexagonaux même si les statistiques ne définissent ni l’ethnie ni l’origine autre que la Polynésie, mais aussi des natifs de retour. Ils représentent 15% des arrivées sur la période et c’est une proportion en augmentation. Sur les 14 000 arrivées, 2 150 personnes reviennent en fait au pays, un chiffre en augmentation de 32 % par rapport aux cinq ans précédents. Et ces natifs reviennent parfois avec des conjoints ou des enfants qui ne sont pas nés en Polynésie : 1 600, en tout, ce qui porte à plus de 26% la part des arrivants ayant un lien avec le pays.
Natifs, diplômé et retour au pays : le combo gagnant
L’ISPF s’est aussi intéressé aux caractéristiques sociales de ces arrivants, mesurées lors du recensement de 2022. Sans surprise, ces « migrants », qui se déplacent pour beaucoup pour des raisons professionnelles ou des mutations dans l’administration, sont plus diplômés que le reste de la population. 85 % des arrivants non-natifs ont un diplôme équivalent ou supérieur au bac contre 45% des résidents à la même date. Les arrivants natifs pointent à 74% de diplômés, et pourtant, ils sont, sur le plan de l’insertion professionnelle, les plus favorisés.
Quand le taux d’emploi général en Polynésie pointait à 47% en 2022, 68% des arrivants de plus de 15 ans avaient un emploi à la même date. Et si on ne retient que les personnes diplômées le taux d’emploi des natifs revenus au pays dans les cinq années précédentes le recensement s’établit à 82%, contre 79% pour les arrivants non natifs et 75% des résidents n’ayant pas bougé.
En clair, partir se former à l’extérieur a tendance à payer. À noter enfin que la zone Arue-Punaauia regroupe 60% des arrivants des cinq dernières années, alors qu’elles ne représentent que 39% de la population du pays. Une attractivité de la zone urbaine qui, malgré les discours sur la décentralisation, ne faiblit pas de recensement en recensement.
Charlie René pour Radio 1 Tahiti