Covid-19 : En Polynésie, la commune de Faa’a veut accompagner les malades dans le « noyau familial »

Oscar Temaru, maire de Faa'a, a présenté la stratégie de sa commune pour accompagner les patients positifs au Covid-19 ©Charlie René / Radio 1 Tahiti

Covid-19 : En Polynésie, la commune de Faa’a veut accompagner les malades dans le « noyau familial »

Après le centre d’hébergement médicalisé de la commune de Paea, c’était au tour de Faa’a de présenter sa stratégie Covid ce vendredi. Incitation à la vaccination, pari sur les traitements précoces, prises en charge des malades à domicile plutôt qu’à l’hôpital… Le maire Oscar Temaru veut surtout cibler l’épidémie dans l’épidémie : pousser les habitants à se « prendre en main » pour éviter les maladies chroniques. Les explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.

Depuis quelques semaines, les initiatives municipales se multiplient face à la crise Covid. Après les centres d’hébergement ouverts par la commune de Pirae, administrée par le président polynésien Édouard fritch, le centre d’isolement de sa voisine Arue, le « plan de mobilisation communautaire » de l’île de Moorea, ou encore le centre médicalisé de la commune de Paea, c’est Faa’a, commune la plus peuplée de Polynésie, qui a présenté sa stratégie Covid ce vendredi.

Mais pour le maire indépendantiste Oscar Temaru, pas question de parler de l’épidémie sans parler de prévention. Le tavana a comme à son habitude, fustigé, « l’acculturation » et « l’occidentalisation à outrance », phénomènes « lancés par le CEP (Centre d’expérimentation des essais nucléaires, ndlr) » et qui ont « rendu les Polynésiens malades ». Comme l’ont plusieurs fois expliqué les médecins du CHPF, la vaste majorité des cas graves de Covid concernent des personnes non-vaccinées mais aussi en surpoids ou touchées par des maladies chroniques.

Pour le leader indépendantiste, qui entend « inciter sans contraindre » à la vaccination, et demande « d’aller plus loin » sur le port du masque, il faut surtout « faire comprendre à la population qu’elle doit se prendre en main ». Alimentation, exercice physique, restrictions sur l’alcool, la cigarette, les protéines animales ou le « steak frites – coca », pratique du « jeûne thérapeutique » … L’élu le répète à chaque sortie publique : « Soyez votre propre médecin ! ».

Si Oscar Temaru estime que les mairies « doivent jouer leur rôle » dans cette prévention, l’action locale a ses limites : malgré 38 ans de mandature à la tête de la commune, Faa’a ne peut pas afficher un meilleur bilan sanitaire que les autres communes. Ni dans l’état de santé général de la population, ni dans cette crise Covid. « Du dimanche au dimanche, il y a les veillées, les enterrements, ça n’arrête pas », reconnaît le Tavana, alors que le cimetière de Saint-Hilaire, comme tant d’autres, a dû mal à suivre le rythme des décès. 

Alors à côté de la prévention, il y a le traitement de l’urgence et des personnes atteintes par le virus. À Paea, le maire Tony Géros a fait le choix du centre d’hébergement médicalisé pour offrir aux cas graves une alternative à leur domicile, trop souvent inadapté pour un patient Covid. Le maire de Faa’a assume un choix « très différent » de celui du président du groupe indépendantiste à l’Assemblée locale. Mais les constats se rejoignent : devant les chiffres de la saturation, ou l’idée, souvent largement déformée, du « tri des patients » en cette période de crise, « beaucoup de gens ne veulent pas aller à l’hôpital », comme l’explique Ella Tokoragi. Et la mairie de Faa’a ne compte pas les y pousser, bien au contraire.

 Oxymètres, « traitements précoces » et surtout concentrateurs

« Le noyau familial, le soutien moral de la famille, c’est très important », reprend la chargée de mission auprès du maire de Faa’a, « il faut responsabiliser les proches ». Les jeunes guides sanitaires de la commune vont donc sillonner les quartiers, oxymètres en poche, pour repérer et conseiller les familles de malades. Faa’a s’est même procuré une vingtaine de concentrateurs d’oxygène qui sont attribués à des malades, normalement sous prescription d’un médecin. Le CHPF n’est présenté que comme un dernier recours : « si on voit que le malade est en train de désaturer gravement, on appelle les pompiers et l’évacuation se fera, avec l’ordre du toubib », pointe Ella Tokoragi.

Parmi les familles contactées par les équipes municipales, certains « ont leur propre médecin traitant », mais Faa’a s’est choisi un médecin référent : le Dr Jean-Paul Théron, retraité de la médecine publique et qui exerce aujourd’hui comme généraliste libéral non-conventionné depuis Arue. Cet habitué de la télémédecine qui prône les traitements précoces voire préventifs à l’hydroxychloroquine ou l’ivermectine, dont les bienfaits sont très contestés dans la communauté médicale, dit avoir observé dès la première vague, les bénéfices de la prise en charge à domicile. Et prescrit, comme beaucoup d’autres médecins, des concentrateurs d’oxygène.

Comme à Paea, c’est la mairie qui le met en relation avec certains patients, et les bénévoles ou les proches qui lui transmettent, à distance, les « constantes » vitales des malades. « J’ai une confiance totale envers lui », explique Oscar Temaru comme Ella Tokoragi, dont certains proches ont été pris en charge par « Taote Théron », qui a été, en outre, directeur de cabinet d’un ministère sous la présidence Temaru. Au plus long terme le tavana, qui répète que guérir du Covid n’est « que le début » pour les malades chroniques, parle de lancer un centre de remise en forme, « pour ceux qui veulent s’en sortir ».  « Un dialysé, ça nous coûte 11 millions de francs. Si chacun se prenait en main, cela résoudrait plusieurs choses ».

Charlie René pour Radio 1 Tahiti