Biodiversité : Les acanthasters, un équilibre fragile entre espèce envahissante et rôle important

©Yann Hubert / Biosphoto

Biodiversité : Les acanthasters, un équilibre fragile entre espèce envahissante et rôle important

À la suite de trois ans et demi de recherches en Nouvelle-Calédonie, le docteur en biologie des populations et écologie, Thomas Hue, a récemment présenté une thèse sur l’impact des changements climatiques sur les acanthasters. Une étude qui a permis de mieux comprendre ces étoiles de mer mangeuses de corail. Explications de notre partenaire Actu.nc. 

Les fortes houles, les dépressions cycloniques, la pollution, les pics de chaleurs ou encore la surpêche : parmi les nombreuses perturbations qui pèsent sur les écosystèmes coralliens de Nouvelle-Calédonie, l’étoile de mer acanthaster est une cause importante de destruction de nos récifs. En effet, un individu adulte peut consommer jusqu’à 12 m² de corail par an. 

« La couverture corallienne de nos voisins australiens aurait été réduite de moitié ces 30 dernières années et les acanthasters seraient à elles seules responsables de près de la moitié de ce déclin », explique Thomas Hue, docteur en biologie des populations et écologie, qui a soutenu une thèse traitant de l’impact des changements climatiques sur les acanthasters et leur reproduction le 22 avril dernier, à l’Université de la Nouvelle-Calédonie.

Pour des raisons qui ne sont pas encore bien déterminées, des phénomènes dits d’infestations peuvent se produire. Sur le Caillou, une étude réalisée en 2012 sur 18 sites a montré des pullulations d’acanthaster sporadiques dans le lagon sud-ouest de la Grande Terre avec des densités allant jusqu’à 500 individus par hectare. 

L’Institut de Recherche et de Développement (IRD) avait alors mis en place en 2015 le programme OREANET qui permet aux usagers du lagon de géolocaliser leurs observations de la dévoreuse de corail via une application internet ou mobile. Basées sur les résultats, des opérations expérimentales de contrôles des densités avaient été mises en place sur demande de la Province Sud entre 2017 et 2019. Près de 10 000 étoiles de mer épineuses avaient été éliminées sur les récifs des îlots Vua, Montravel, Casy et Redika.

Une influence humaine

« La question que tout le monde se pose, c’est qu’est-ce qui déclenche ces infestations ? Parmi les différentes hypothèses, il y a par exemple la diminution des prédateurs (comme le triton charonia tritonis, appelé ici « toutoute », ou encore les becs de canne, NDLR) à cause de la surpêche et la présence d’une plus grande concentration de nutriments dans l’eau, dus aux engrais agricoles qui ruissellent jusqu’à la mer, et qui permettrait aux micro-algues, nourriture des larves d’acanthasters, de se développer plus vite », précise Thomas Hue. 

Afin de déterminer si les changements climatiques, induisant notamment un réchauffement de la température de l’eau ou encore l’acidification de l’Océan, pouvaient impacter la reproduction des acanthasters, le biologiste de 29 ans a étudié leur reproduction dans les laboratoires de l’Aquarium des Lagons à la suite d’une phase d’acclimatation de plusieurs mois dans des conditions qui pourraient ressembler à celles de la fin du siècle. 

« La majorité de nos résultats contredit la littérature scientifique, puisqu’à ce jour, les autres études s’étaient contentées de faire la reproduction avec des animaux fraîchement récupérés », raconte-t-il. « On a montré que les changements climatiques ne sont pas si favorables que laissaient notamment à penser les Australiens et que si les acanthasters ont pu s’acclimater aussi rapidement, il en sera très certainement de même en 80 ans ».

En plus de minimiser l’impact des changements climatiques sur l’augmentation des infestations, Thomas Hue et son équipe ont pu préciser la période de reproduction des acanthasters sur le Caillou. Celle-ci correspondrait au moment où la température de la mer dépasserait 26°C, soit approximativement en décembre. « De ce fait, si la température augmente, il est possible que la période de reproduction s’allonge ». Et donc que le nombre de ces étoiles de mer puisse lui aussi augmenter…

Un rôle écologique important 

Si l’acanthaster peut être considérée comme une espèce envahissante, elle joue tout de même un rôle important dans la préservation de la biodiversité. En effet, elle se nourrit préférentiellement des coraux à croissance rapide, laissant ainsi une chance aux coraux grandissant plus lentement de se développer sur nos récifs. 

Pour Sandrine Job, biologiste marine qui coordonne les actions du Réseau d’observation du récif corallien (Rorc), l’impact des étoiles de mer épineuses est à tempérer : « Elles ont un rôle à jouer dans l’équilibre naturel. Elles peuvent effectivement faire disparaître des récifs, et à notre échelle humaine on trouve cela terrible, mais c’est un cycle qui se déroule sur plusieurs centaines d’années. Pour moi, les acanthasters sont avant tout victimes d’un délit de sale gueule. On rejette la faute sur elles quant à la destruction des coraux sans que l’on prenne la peine de se remettre en cause. Il faudrait surtout réexaminer la place de l’homme dans l’écosystème mondial ». 

Grâce au Rorc, crée en 1997, qui surveille aujourd’hui 88 espaces naturels à l’aide de différentes stations d’observation placées tout autour de la Grande Terre et des îles Loyautés, Sandrine Job a effectivement constaté une légère augmentation du nombre d’acanthasters ces dernières années et la destruction de quelques récifs. Mais pour le moment, le manque de données sur le sujet empêche la mise en place d’un plan d’action précis.

Titouan Moal pour Actu.nc