Les dirigeants du Front de libération kanak (FLNKS), qui contestent la légitimité de la troisième consultation d'autodétermination en Nouvelle-Calédonie, veulent construire un accord « gagnant-gagnant » avec l'État, et militent pour une indépendance négociée.
En vertu de l'accord de Nouméa signé en 1998, trois référendums d'autodétermination ayant rejeté l'indépendance, il faut prévoir le modèle institutionnel et changer la constitution. Mais le dernier référendum, en décembre 2021, est contesté par le FLNKS qui l'avait boycotté après avoir vu une demande de report refusée.
Les discussions entre l'État et les indépendantistes ont difficilement repris depuis et pour l'instant il n'y a pas eu de réunions tripartites rassemblant État, loyalistes et indépendantistes. A l'heure de discussions techniques en bilatérale sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie avec le préfet Rémi Bastille au haut-commissariat à Nouméa, les indépendantistes du FLNKS plaident pour une solution négociée, sur la base de l'accord de Nouméa, un processus inédit de décolonisation.
Ces échanges, également engagés entre les partisans du maintien de l'archipel dans la France et le haut fonctionnaire, sont censés préparer les négociations politiques avec le plus haut sommet de l'État sur le futur statut institutionnel du territoire. Le président de la République, Emmanuel Macron, est d'ailleurs attendu sur le Caillou fin juillet, même si la visite n'est pas encore confirmée par les autorités.
« Nous sommes sur des voies parallèles » regrette Gilbert Tyuienon, premier vice-président de l'Union calédonienne, un des partis moteurs du FLNKS. « L'État affirme avec force la validité de la troisième consultation d'autodétermination » tenue en décembre 2021 et contestée par les indépendantistes, « alors que nous, nous défendons la légitimité d'un peuple colonisé ».
L'UC s'est ainsi présentée à la table des discussions avec « l'idée d'une négociation pour une indépendance au terme d'une période à déterminer, durant laquelle nous préparerons ensemble la sortie gagnant-gagnant ». Ce temps de transition s'inscrirait dans le prolongement de l'accord de Nouméa. « Un accord en dessous duquel on ne peut pas descendre » ajoute Charles Washetine, porte-parole du Palika, autre force du FLNKS.
L'un des sujets sensibles du moment s'avère être le corps électoral pour les élections provinciales, un scrutin devant être organisé en 2024. « Nous n'avons pas donné notre accord pour l'ouverture du corps électoral. Nous sommes favorables à l'ouverture de la discussion, nuance », précise Gilbert Tyuienon, en dépit de déclarations dans ce sens de Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, en visite en Nouvelle-Calédonie début juin.
« Nous n'avons pas encore travaillé ! »
Les élus partisans d'une Nouvelle-Calédonie française, dits loyalistes, militent pour une ouverture totale du corps électoral ou, dans d'autres groupes, pour un temps de résidence minimum de trois ans sur le territoire. L'État a proposé sept ans. Le FLNKS dit n'accepter qu'une durée d'au moins dix ans.
Et pour le Front de libération, cette question du corps électoral doit s'intégrer dans un accord global sur une trajectoire, « sur un projet d'avenir », aux côtés de bien d'autres sujets à traiter tels que le transfert des compétences à la Nouvelle-Calédonie ou encore la réhabilitation de l'identité kanak. Tant qu'il n'y a pas d'accord global, selon les indépendantistes, il ne peut y avoir d'aménagements de la loi organique ou une révision constitutionnelle.
Devant le Sénat, le 21 juin, la Première ministre Élisabeth Borne s'est dite convaincue d'arriver à une « solution consensuelle » sur la question du corps électoral provincial, avant d'inviter les partenaires politiques fin août à Paris pour conclure l'accord. Mais « nous n'avons pas encore travaillé ! », rétorque le premier vice-président de l'Union calédonienne Gilbert Tyuienon, qui « la trouve très optimiste ». Les dirigeants du FLNKS attendent des signes forts lors de la probable visite d'Emmanuel Macron fin juillet.
Par ailleurs, « la stratégie indopacifique de la France, imposée, ne doit pas venir contrecarrer notre volonté de nous insérer dans la région », insiste Charles Washetine, du Palika. Tandis que pour Gilbert Tyuienon, de l'UC, « Emmanuel Macron arrivera soit en colonisateur, soit en libérateur ».
Avec AFP.