Avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie : Paris tente une nouvelle fois de réunir les partenaires politiques calédoniens en trilatérale

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Avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie : Paris tente une nouvelle fois de réunir les partenaires politiques calédoniens en trilatérale

Pour le gouvernement d’Élisabeth Borne, l'enjeu sera de mettre indépendantistes et non-indépendantistes autour d'une même table : les élus de Nouvelle-Calédonie doivent participer à partir de lundi à Paris à de nouvelles discussions, avant une réforme constitutionnelle prévue en 2024.

Près de deux ans après le référendum du 12 décembre 2021, contesté par les indépendantistes qui n'y ont pas participé, jamais les partisans de l'indépendance et ceux du maintien dans la République française n'ont échangé sur l'avenir de l'archipel du Pacifique sud. Depuis un an, le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin s'est déplacé à trois reprises en Nouvelle-Calédonie. Les Calédoniens ont été invités par deux fois, en octobre 2022 et avril 2023, à Paris, sans pour autant que tous les acteurs ne se réunissent autour de la même table.

Réuni mardi dernier en bureau politique, le Front de libération kanak socialiste (FLNKS) a réaffirmé la ligne arrêtée lors d'un congrès populaire tenu en août 2022 : son refus de participer à des réunions trilatérales, au profit de négociations bilatérales avec l'État. Mais une partie de la délégation indépendantiste devrait cette fois s'affranchir de ce mot d'ordre en prenant part aux discussions au nom de l'institution qu'ils représentent.

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Le président du gouvernement calédonien Louis Mapou participera aux travaux du « groupe technique » sur le nickel, pilier économique fragilisé de l'archipel, de lundi à samedi, selon l'agenda de l'exécutif de l’archipel. Trois autres membres de ce dernier, Adolphe Digoué, Gilbert Tyuienon et Mickaël Forrest, « participeront également aux discussions sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie à Paris », selon le même document.

Si les deux premiers sont membres du Palika, composante du FLNKS qui a laissé entendre qu'elle pourrait accepter de participer à des trilatérales, la présence de Gilbert Tyuienon et Mickaël Forrest est plus surprenante : ils sont en effet cadres du principal parti indépendantiste, l'Union calédonienne, officiellement contre des discussions à trois. Est-ce à dire que des délégations partisanes mandatées pour discuter du statut du territoire s'assiéront autour de la même table la semaine prochaine ? A ce stade, rien n'est acté.

« Atermoiements »

Les opposants à l'indépendance, qui revendiquent avoir remporté les trois référendums de 2018, 2020 et 2021 prévus par l'accord de Nouméa, ont exprimé récemment par écrit leur exaspération à la Première ministre Élisabeth Borne. Dans ce courrier, les représentants des Loyalistes (affiliés au mouvement Renaissance) et du Rassemblement-Les Républicains (LR) demandent, en cas d'absence de trilatérales, que l'État communique d'ici au 9 septembre sur le calendrier d'adoption de la réforme constitutionnelle annoncée pour début 2024 et sur le texte qui serait soumis au Parlement.

« Les Calédoniens, qui ont voté par trois fois non à l'indépendance, ne supportent plus les atermoiements des indépendantistes (...). Il est temps d'avancer avec ceux qui le souhaitent vraiment et qui ont le courage d'assumer leur décision devant les électeurs », écrivent la secrétaire d'État à la Citoyenneté et présidente de la province Sud Sonia Backès (Renaissance), le député Nicolas Metzdorf (Renaissance) et Virginie Ruffenach, représentante LR.

Lors de sa visite en Nouvelle-Calédonie fin juillet, le président Emmanuel Macron avait confirmé le souhait de l'État de procéder à une réforme constitutionnelle début 2024. Soit sur un « grand accord », c'est-à-dire un nouveau statut pour le territoire, le cycle de trois référendums sur l'indépendance prévu par l'accord de Nouméa signé en 1998 étant désormais achevé. Soit, faute de consensus, sur un « petit accord », qui permettrait de régler la question du corps électoral en vue des élections provinciales qui doivent se tenir l'année prochaine, le droit de vote à ce scrutin étant aujourd'hui limité aux natifs et aux résidents arrivés sur le territoire avant 1998 et leurs descendants.

Soutien du Fer de Lance Mélanésien

Lors de leur dernière rencontre avec Gérald Darmanin début juin, les indépendantistes se sont dits favorables à l'ouverture de discussions sur l'ouverture du corps électoral. Mais leur vision du calendrier diffère, de même que leur perception du référendum de 2021, qu'ils contestent devant la Cour internationale de Justice (CIJ). Seuls 47% des électeurs s'étaient rendus aux urnes, contre respectivement 81% et 85% lors des scrutins de 2018 et 2020. 

Cette semaine, le mouvement indépendantiste calédonien a reçu le soutien diplomatique du Fer de Lance Mélanésien, groupe régional composé des îles Fidji, du Vanuatu, des îles Salomon, de Papouasie-Nouvelle-Guinée et du FLNKS. Créé en 1988 pour « regrouper leurs forces afin de peser lourd dans la balance régionale et internationale en faveur de l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie », le groupe entend exprimer au président de la République Emmanuel Macron leur « forte opposition » au dernier référendum d’autodétermination, et demander aux Nations unies le maintien de l’archipel sur la liste des territoires à décoloniser de l’ONU.

Les dirigeants du Fer de Lance ont également demandé au représentant permanent de l'ONU « d'examiner et de fournir des conseils » pour demander un avis à la CIJ « sur les résultats du troisième référendum organisé en décembre 2021 ». Ils souhaitent enfin un rapport, toujours de l’ONU, sur la « crédibilité du processus électoral », et ont mandaté les représentants permanents du Fer de Lance à l'ONU, « pour étudier les options sur la légalité du 3ème référendum ».

Avec AFP.