Au milieu du chaos des émeutes en Nouvelle-Calédonie, la population se serre les coudes

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Au milieu du chaos des émeutes en Nouvelle-Calédonie, la population se serre les coudes

C'est une petite histoire de solidarité au cœur du chaos comme, les ONG l'assurent, il y en a tant depuis le début des émeutes en Nouvelle-Calédonie. Un exemple des liens qui se nouent au quotidien dans la population pour surmonter la crise.

A 75 ans, Julia souffre d'une maladie chronique qui lui impose un traitement quotidien. Barrages routiers, infrastructures et commerces pillés ou détruits, la crise causée par une réforme électorale rejetée par les indépendantistes a sérieusement perturbé le ravitaillement des habitants de Nouméa.

Pendant sept jours, la septuagénaire est restée cloîtrée chez elle. Jusqu'à l'épuisement de son stock de médicaments. « Alors j'ai pris mon courage à deux mains », raconte à l'AFP Julia, qui préfère taire son nom par discrétion. « Je suis sortie mais au bout de 20 mètres je me suis écroulée ». Des voisins accourent : des « Mélanésiens » tient à préciser cette femme d'origine européenne.

L'un d'eux enregistre alors une vidéo qu'il diffuse sur les réseaux sociaux. Et quelques minutes plus tard, une ambulance et plusieurs véhicules se présentent à son domicile. Un homme s'empare de son ordonnance et, une heure et demi plus tard, lui livre pour quatre semaines de médicaments. « J'ai reçu une centaine d'appels de toute la Nouvelle-Calédonie et même de la Martinique. C'est un mouvement de solidarité incroyable », s'émerveille encore Julia.

Ces derniers jours, les pages des réseaux sociaux regorgent d'exemples de ces coups de main spontanés. Même si la vague de violences a commencé à refluer, même si la circulation s'est améliorée sur les axes routiers secondaires, de nombreux barrages demeurent et le réapprovisionnement des commerces reste très difficile, en particulier dans les quartiers Nord de l'agglomération. Sollicitées de toutes part, les institutions se sont concentrées sur les seules urgences absolues, au point de nourrir un sentiment d'abandon parmi les habitants des quartiers populaires.

« Baume au cœur »

ONG et associations ont été vite dépassées. Sitôt passée la première nuit de barrages et de violences, la Croix-Rouge a activé sa cellule de crise. Mais, face aux difficultés, notamment de circulation, elle a vite dû suspendre ses activités. « Une organisation un peu improvisée s'est mise en place pour s'assurer que les réserves de nourriture étaient suffisantes dans les résidences pour personnes âgées que nous gérons et pour les étudiants », explique Thomas Lebreuil, son directeur pour la Nouvelle-Calédonie.

L'ONG a aussi fourni à l'hôpital des lits et des kits d'hygiène. « Nous essayons de faire ce que nous pouvons mais les problèmes d'accès limitent considérablement nos interventions », déplore Thomas Lebreuil. « La gestion et la coordination sont très compliquées, mais il y a heureusement énormément de solidarité dans les quartiers ».

Le principal bailleur social de l'archipel, la Société immobilière de la Nouvelle-Calédonie (SIC) a connu les mêmes difficultés avec ses deux maisons de retraite. « Dans ce moment très sombre, il y a eu une importante solidarité auto-gérée autour de ces établissements », se réjouit son directeur, Benoît Naturel. « Un cuisinier, une infirmière et un médecin ont été trouvés et ça met du baume au cœur ».

Sur tout le territoire, de nombreuses structures associatives se sont fédérées pour coordonner leurs actions, en lien avec les institutions. Le gouvernement local vient ainsi de mettre en place un numéro vert pour recenser les besoins des plus vulnérables en aide alimentaire d'urgence. En plus d'assurer les besoins les plus immédiats, ces efforts visent à rompre l'isolement social qui menace.

Aux Tours de Magenta, un des quartiers les plus touchés par les émeutes, des habitants ont ainsi accueilli des étudiants vanuatais, illustre le patron de la SIC. « On parle beaucoup des questions alimentaires mais c'est l'isolement qui m'inquiète le plus », confie Benoît Naturel. « Il y a des gens qui ont peur de sortir. Après la crise, cela sera dur de répondre à ce mal calédonien plus profond ».

Avec AFP