Aquaculture, numérique, emploi local, santé : Qu’y a-t-il dans l’accord-cadre de partenariat entre la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie ?

©Présidence de la Polynésie française

Aquaculture, numérique, emploi local, santé : Qu’y a-t-il dans l’accord-cadre de partenariat entre la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie ?

Moetai Brotherson et Alcide Ponga ont signé ce lundi midi l’accord-cadre de partenariat entre les deux pays, discuté depuis 2019. Un document encore peu concret mais auquel les deux responsables veulent donner du corps « dès les prochains mois » au travers de conventions ciblées. Plus que les échanges commerciaux -la viande et le taro sont tout de même cités- c’est la coopération technique qui est privilégiée : sur le numérique, l’aquaculture, la santé, les questions budgétaires ou même l’emploi local. Les discussions devraient aussi s’intensifier en matière de « connectivité aérienne ». Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.

C’est un travail politique « de continuité » qui a abouti ce lundi à la présidence et Alcide Ponga tient à le souligner. « Souvent les élus arrivent et mettent les dossiers à la poubelle » note l’élu non indépendantiste calédonien, devenu président du gouvernement collégial de l’archipel en janvier dernier.

Ses deux prédécesseurs, Thierry Santa et Louis Mapou, de bords opposés, avaient mené des discussions sur cet accord de coopération avec l’équipe d’Édouard Fritch, puis avec celle -là aussi malgré une alternance politique- de Moetai Brotherson. « Quand on s’est vu au Fip en Papouasie, on s’est dit qu’il fallait signer vite avant que le gouvernement change encore chez eux », sourit le chef du gouvernement polynésien. L’accord-cadre de partenariat entre la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie a donc été signé, six ans après le protocole d’entente qui était censé le précéder de quelques mois.

Commerce agricole et partenariat de santé 

Comme prévu, l’accord cite, en plus de considérations générales comme l’alignement des positions à l’international, une vingtaine de domaines de coopération potentiels, qui devront faire l’objet de conventions d’application spécifiques. Pas d’obligations réciproques, à ce stade, donc, encore peu de concret, mais les discours se veulent enthousiastes. Le travail pour donner du corps à cette coopération a déjà commencé assure Moetai Brotherson, qui cite en priorité les questions commerciales, sur lesquelles l’accord-cadre préfigure un marché commun entre les collectivités françaises du Pacifique.

« Ça peut avoir un intérêt réel, et on en voit les premières manifestations : on a déjà reçu les premières livraisons de la très bonne viande de Nouvelle-Calédonie, qui dispose de beaucoup plus de surface que nous », explique le président du Pays qui rappelle avoir acté une baisse des droits de douanes pour les produits en provenance de la région, dont bénéficient à ce jour principalement les producteurs néo-zélandais. « De notre côté on a des choses qu’on pourrait exporter, comme le taro, mais il y a d’autres coopérations sur d’autres secteurs qui sont aussi bien avancés ».

Ainsi un projet de convention d’application au secteur de la santé est déjà discuté entre Nouméa et Papeete. Il pourrait permettre des formations en commun de soignants qui manquent régulièrement d’un côté et de l’autre du Pacifique. Ou des choix d’équipements « en synergie » qui pourraient aboutir à des transferts de patients à 4 500 kilomètres de distance plutôt qu’à plus de 16 000 vers l’Hexagone. « La Polynésie est par exemple plus avancée en matière d’oncologie », assure Moetai Brotherson. « Plutôt que de développer en doublon, on peut envisager des partenariats ». 

« Apprentissages réciproques » en aquaculture, numérique, ou en matière de finances

Mais plus que des produits, ce sont des échanges de compétences techniques, des retours d’expérience, de « l’apprentissage réciproque », comme l’explique Alcide Ponga qui pourraient naître rapidement de cet accord. Les deux responsables citent l’aquaculture, un domaine dans lequel le Caillou a depuis longtemps une expertise, notamment pour ses crevettes élevées en bassin. Ou le tourisme, secteur florissant en Polynésie, et meurtri, malgré de grandes ambitions, sur le Caillou. Le président calédonien semble aussi intéressé par les projets numériques polynésiens, avec, entre autres outils, le télé-service Escale développé par la DPAM pour gérer les flux maritimes. « Vous avez aussi avancé sur la question du câble avec Google, ce que nous on a quelque part loupé de notre côté », ajoute-t-il.

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Des discussions ont aussi été lancées en matière financière et budgétaire : les deux collectivités font face, dans des termes et des proportions différentes, à des défis dans ce domaine. Et les réformes fiscales envisagées d’un côté et de l’autre font depuis peu l’objet d’importants échanges. La ministre polynésienne du Travail Vannina Crolas devrait aussi se déplacer à Nouméa dans les jours à venir pour parler de réforme de la fonction publique. Et d’emploi local, la loi calédonienne en la matière, beaucoup plus protectrice et aussi beaucoup plus débattue, étant regardée avec intérêt par l’exécutif polynésien.

Enfin, pas d’échanges sans connectivité, et Alcide Ponga a déjà eu un rendez-vous chez Air Tahiti nui pour étudier des voies de rapprochement avec Aircalin. « Je ne dis pas qu’on va créer une seule compagnie, mais la question de la connectivité aérienne est très importante et il faut qu’on puisse travailler ensemble pour voir comment on s’organise mieux entre nous les frères du Pacifique », insiste l’élu loyaliste. « On a toujours tendance à aller en Nouvelle-Zélande ou en Australie, mais quand on compte toute la population mélanésienne et polynésienne, on est un bon petit marché économique ».

Alcide Ponga, qui repartira vers la Nouvelle-Calédonie en fin de semaine, en est sûr : ces premiers « plans d’actions », plus concrets, pourront être signés dans les « prochains mois ». C’était aussi la promesse après la signature du protocole d’entente de 2019, avant les innombrables soubresauts politiques et sanitaires des dernières années.

Charlie René pour Radio 1 Tahiti