Dans un communiqué attendu depuis de longues semaines, la jeune compagnie, dont l’avenir était jusque-là très incertain, « garantit » la poursuite de son activité « sur le long terme ». Une annonce qui intervient après la mobilisation de 3 milliards de francs de fonds privés, et la participation du Pays à hauteur d’un milliard de francs. Le concurrent d’Air Tahiti assure donc être en mesure « d’avancer » dans sa commande de trois nouveaux ATR. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.
Fermera, fermera pas ? Le doute planait autour d’Air Moana (compagnie privée domestique) qui, de semaine en semaine et même de mois en mois, promettait des « annonces » aux médias. Le brouillard autour de l’avenir de la compagnie s’était encore épaissi quand son président Olivier-Jean Bréaud avait menacé, dans une lettre en forme d’ultimatum au gouvernement polynésien, d’arrêter les activités le 30 septembre… Avant de se raviser sans aucune forme de communication au public ou aux passagers.
Après la réunion de son conseil d’administration en milieu de semaine dernière, un courrier interne quelques jours plus tard, et plusieurs jours de « validation » de la communication -déjà évoquée par TNTV lundi-, la direction a fini par sortir de son silence, ce mardi.
Dans un communiqué -très attendu, donc- Natireva, la société d’exploitation d’Air Moana « garantit la poursuite sur le long terme » de ses opérations dont elle affirme, malgré des perturbations inexpliquées la semaine passée, qu’elles se « déroulent normalement jusqu’à ce jour ». « Nous continuerons à offrir un service de qualité, dans des conditions de sécurité optimales, comme nous le faisons depuis notre lancement », poursuit le communiqué.
Trois milliards d’investissements privés, et un milliard supplémentaire du Pays
Si la compagnie lancée en février 2023, peut enfin être affirmative sur la poursuite de son activité, c’est grâce à une recapitalisation travaillée – visiblement avec beaucoup de difficultés – depuis de longs mois. « Les investisseurs privés ont réaffirmé leur confiance en nous et souhaitent lancer rapidement des projets structurants », explique la direction, qui ne souhaite pas à ce stade répondre à nos questions. « Cette confiance se traduit par la mobilisation de 3 milliards de francs de fonds privés, qui viendront augmenter le capital de la compagnie ».
Mais c’est aussi le Pays, et donc les deniers publics qui ont été mis à contribution. « Le Président du Pays a confirmé la mise en place d’un dispositif d’accompagnement solide en faveur d’Air Moana », explique Natireva, dont un audit avait révélé un besoin de financement de 4 milliards de francs pour tenir jusqu’en 2026 et l’arrivée programmée de la nouvelle flotte.
Quand la compagnie avait demandé à la collectivité de monter au capital à hauteur d’un milliard de francs, le Pays avait donc demandé des garanties sur de nouveaux investissements privés et sur la poursuite de l’activité. Elles ont visiblement été apportées : le Pays « avance vers une intégration au capital d’Air Moana à hauteur d’un milliard de francs, confirmant le rôle clé d’Air Moana dans le développement économique de la Polynésie », confirme le communiqué.
Tenir jusqu’à la livraison de trois ATR neufs
Le gouvernement n’a pas encore confirmé cette prise de participation, qui s’ajoute à d’autres mesures du Pays en faveur de cette jeune société, rappelées par Moetai Brotherson dans sa lettre de réponse à Jean-Olivier Bréaud, fin septembre. La réouverture de la défiscalisation sur les ATR, actée en tout début de mandature, était déjà un gage de soutien à la « concurrence dans le ciel polynésien », face à la compagnie historique Air Tahiti.
Les plafonds d’intervention de la Sofidep avaient aussi été spécialement relevés pour permettre à la société de financement public d’injecter 500 millions dans la compagnie, dont la première tranche avait été versée dès le mois d’avril. Le président du Pays avait toutefois tracé des lignes rouges, par exemple en écartant -pour le moment- une remise en jeu de la DSP accordée à Air Tahiti sur les aéroports de désenclavement.
Dans sa lettre au président d’Air Moana il mettait en garde contre un « soutien abusif » qui pourrait revêtir des « aspects légaux » et qui romprait le traitement « équitable » des entreprises par les institutions publiques. Reste à savoir si Air Tahiti -ou, plus tard, les tribunaux- jugent ces nouvelles aides « abusives » ou non.
Quoiqu’il en soit, cette bouffée financière doit permettre à Air Moana « d’aborder les projets structurants avec sérénité ». « Une étape clé consistera à avancer vers la commande et le calendrier de livraison de trois ATR 72-600 XT neufs, qui feront monter en gamme notre compagnie tout en réalisant des économies de charges ».
Des nouveaux avions dont l’arrivée était jusqu’à présent espérée pour 2026. Air Moana dispose aujourd’hui de deux ATR, contre 12 pour Air Tahiti, voire même 13 en décembre avec l’arrivée d’un nouvel ATR 72-600 loué à Air Calédonie. Une envergure qui permet à l’opérateur historique de rivaliser avec son jeune concurrent sur le prix des billets, à un niveau qui ne permet aujourd’hui ni à l’un ni à l’autre d’être rentable.
Natireva ne précise pas comment elle compte sortir de cette ornière. Mais explique compter, pour tenir jusqu’au renforcement de sa flotte, sur « le soutien des communautés locales, des autorités, des élus, des maires et de nos partenaires touristiques » et sur « l’ensemble des collaborateurs et partenaires pour leur persévérance ». « Ils sont les véritables moteurs de notre réussite collective ».
Charlie René pour Radio 1 Tahiti