80 ans de la Libération de la France : André Vernier, maquisard tahitien du plateau du Vercors

André Vernier se tient à gauche. Suivent ses 3 frères, Albert tué à Authion le 11 avril 1945, Charlie et Henri Vernier futur Pasteur. ©Fonds Vernier via JC. Shigetomi

80 ans de la Libération de la France : André Vernier, maquisard tahitien du plateau du Vercors

Emmanuel Macron s’est rendu ce mardi dans le Vercors, haut-lieu de la résistance pendant la Seconde guerre mondiale. 80 ans après la Libération, le chef de l’État a voulu commémorer les répressions sanglantes qui ont touché les civils de la région mais surtout rendre hommage à l’héroïsme des maquisards, morts par centaines pour la France. Parmi eux, André Vernier, fils et frère de pasteurs tahitiens, né à Raiatea, et tué, lui aussi, sur le plateau du Vercors. L’historien Jean-Christophe Shigetomi retrace son parcours pour nos partenaires de Radio 1 Tahiti.

La Marseillaise jouée à Vassieux-en-Vercors ce mardi avait de quoi résonner jusqu’à l’île de Raiatea, en Polynésie française. Vassieux-en-Vercors, c’est ce petit village, perché à plus de 1 000 mètres d’altitude, sur les grands plateaux qui ont servi de « forteresse naturelle » à la Résistance, qu’Emmanuel Macron avait choisie comme étape majeure des commémorations des 80 ans de la Libération. Une première « historique » -aucun chef d’État n’avait jusque-là honoré de sa présence une cérémonie dans cette petite commune de la Drôme- et une reconnaissance pour un village martyr de la Seconde guerre mondiale.

Vassieux a en effet été le théâtre d’un de plus intenses combats entre les maquisards et l’armée allemande. Des affrontements qui feront plus de 800 morts dont beaucoup de civils, pris au piège lors de l’arrivée de la Wehrmacht. Le village, presque entièrement détruit en 1944, garde comme témoin de ce passé un rang de compagnon de la Libération, honneur accordé à seulement quatre autres communes, ainsi qu’une nécropole nationale regroupant les tombes de 187 maquisards et civils morts pour la France. Comme le rappelle l’historien Jean-Christophe Shigetomi, on y trouve celle d’un Tahitien, André Vernier. 

De Uturoa aux plateaux du Vercors 

Né à Uturoa, principale commune de Raiatea, en 1921, André, Marc, Teru, Temaevran Vernier -l’orthographe des prénoms polynésiens a pu faire l’objet d’erreur à la retranscription- grandit dans une famille de pasteur de Polynésie. Son père, Charles Vernier, connu comme un grand spécialiste du reo à son époque, a été président des églises protestantes de Tahiti, où son grand-père, Jean-Frédéric Vernier, aumônier et ami de la famille royale des Pomare, avait été envoyé dès 1867 par la Mission évangélique de Paris. Comme ses frères Albert, Henri et Charlie, André quitte sa Polynésie natale à la fin des années 30 pour poursuivre ses études en France, à Nîmes, puis à Lyon. « Ils seront pris par la guerre », note Jean-Christophe Shigetomi.

La famille Vernier en 1936. De gauche à droite Charlie, Albert, Henri et André ©Fonds Vernier via JC. Shigetomi

Les aînés ont ainsi été mobilisés dès le début du conflit. Henri Vernier passera plusieurs années dans un camp de prisonniers allemand avant de retourner, à la fin de la guerre, en Polynésie pour, lui aussi, devenir pasteur. Son frère Albert va quant à lui réussir à s’évader pour rejoindre l’Afrique du Nord et le bataillon d’infanterie de marine du Pacifique. Il mourra dans les derniers combats de la Libération. Quant à André, qui n’a pas encore 18 ans lors du début des hostilités, il « milite très rapidement dans les jeunesses protestantes contre le nazisme et se fait très vite repérer », reprend Jean-Christophe Shigetomi. « La seule échappatoire, c’était de prendre le maquis ».

André Vernier, alias « Rivière »

Direction donc le Vercors, région que le jeune homme connaît bien : il y a passé des vacances auprès de ses oncles, notamment Paul Vernier qui accompagna Paul Gauguin aux Marquises, et c’est dans cette région que sont enterrés ses grands-parents. Au sein de cette place-forte de la Résistance, André Vernier prend des responsabilités : il est chargé de l’intendance d’un camp de maquisards, à Vassieux, justement. Et sert, sous le nom de code « Rivière » aux côtés d’un des héros de cette bataille du Vercors, le capitaine Pierre Hazebrouk. 

« Il fait partie certainement de la garde rapprochée de ce chef de guerre, que l’on surnommait le Capitaine Hardy », reprend Jean-Christophe Shigetomi, qui a pu s’entretenir avec les historiens et des anciens maquisards du Vercors. « Et qui était notamment responsable de la sécurité de ce fameux terrain d’atterrissage ‘taille-crayon’ où vont arriver les planeurs allemands, chargés de parachutistesIls vont se battre jusqu’au dernier. On n’a jamais retrouvé le corps d’André Vernier, et on suppose qu’il a été brûlé comme beaucoup de ses camarades ». 

Illustration Jean-Louis Saquet. Sources Tamari’i Volontaires, les Tahitiens dans la seconde guerre mondiale via JC. Shigetomi

Mais le Tahitien a tout de même une sépulture « indicative » sur le plateau. Il s’agit de la tombe numéro 37 de la nécropole de Vassieux-en-Vercors, visitée par Emmanuel Macron, donc, ce 16 avril. « À l’heure d’aujourd’hui, celui qui monte au Vercors se souvient de ces Français, combattants, habitants, (…), tués par les troupes allemandes et leurs complices. Il se souvient de leur courage, et de leur martyre », a déclaré le chef de l’État sur ce plateau « où depuis toujours, la liberté est comme chez elle ».

Beaucoup d’autres événements, locaux ou nationaux, vont rythmer cette année anniversaire. Des cérémonies importantes sont notamment attendues sur les côtes normandes en juin prochain pour les 80 ans du débarquement, de même que dans les villes de Tulle ou Oradour-sur-Glane, théâtres d’exactions nazies. Des commémorations qui concernent aussi l’histoire de la Polynésie : plus de 200 Polynésiens ont notamment participé, en août 1944, au débarquement de Provence et aux batailles qui menèrent, voilà 80 ans, à la Libération de la France. 

L’attaque de la « citadelle » du Vercors par les troupes allemandes 

« À l’annonce du débarquement sur les ondes de la BBC, la République du Vercors est proclamée et l’ensemble des maquisards du Vercors et des maquis périphériques sont mobilisés. Le 20 juillet, les forces allemandes réagissent par l’encerclement du plateau », rappelle l’historien Jean-Christophe Shigetomi. 

« Le 21 juillet, quinze mille hommes de la 157e division alpine du Général Pflaum attaquent la citadelle montagneuse du Vercors, par les routes, par les pas, ces cols que l’on ne peut franchir qu’à pied, et par les airs. Des planeurs déposent des troupes d’élite en plein cœur du plateau à Vassieux-en-Vercors, là où étaient attendus les Alliés. Chaque planeur transportait une vingtaine de SS armés jusqu’aux dents. Au total, quelque quatre cents hommes aguerris sont aéroportés, conduits par le commandant Schäfer. Les planeurs ont atterri avec une extrême précision à proximité de leurs objectifs. Un seul des planeurs s’est écrasé à l’atterrissage. De ces armatures d’alliage léger recouvertes de toile, les SS ont bondi l’arme au poing, tirant sur tout ce qui bouge. Les maquisards sont pris au dépourvu et massacrés »

Les combats et la répression dans le Vercors, qui impliqueront aussi la milice française, dureront jusqu’au début du mois d’août. Au total, les soldats allemands tuent 201 des quelque 800 habitants du plateau comme le rappelle Franceinfos. Sur les 4 000 combattants des Forces françaises de l’intérieur (FFI), 639 perdront la vie.

Charlie René pour Radio 1 Tahiti