Violence à Mayotte : Le préfet, le recteur et le procureur rencontrent des habitants de Mtsamboro

© France Mayotte Matin

Violence à Mayotte : Le préfet, le recteur et le procureur rencontrent des habitants de Mtsamboro

Hier matin, le préfet, le recteur et le procureur de la République ont rencontré des habitants de Mtsamboro, commune dans laquelle le jeune Miki a été assassiné il y a de cela deux semaines. Durant de longues heures, les échanges ont été francs,parfois musclés mais toujours courtois. Les représentants de la population ont pu faire part de leurs nombreuses doléances. À la mi-juin, une nouvelle rencontre doit se tenir pour faire le point sur l’avancée des engagements pris par les autorités. Compte rendu  avec notre partenaire France Mayotte Matin.


Il était aux alentours de 9h30 hier matin lorsque le recteur, le préfet et le procureur de la République ont débuté leur échange avec des représentants de la population de Mtsamboro. Dans la maison des jeunes de la commune, se trouvait des représentants d’associations, des parents d’élèves comme des membres du comité des habitants de Mtsamboro. Le président de l’association des maires était également sur place. Tous avaient quelque chose à dire et attendaient avec impatience ce moment d’échange.

Censé ne pas s’éterniser, le préfet qui a pris la parole en premier, a été interpellé par un habitant qui ne voulait pas d’un passage en coup de vent pour marquer le coup. Jean- François Colombet est donc resté, bouleversant son programme du jour pour continuer d’échanger avec les habitants. « Je suis venu à Mtsamboro pour porter les paroles de compassion du ministre des Outre-mer et de l’ensemble du Gouvernement à l’ensemble des familles qui ont vécu le drame absolu que nous avons connu au cours des derniers jours. Nous sommes venus ici pour entendre la population. », confiait le représentant à l’issue de longues heures de discussions.

« Cette situation nous en sommes tous responsable »


Un échange qu’il juge riche, constructif mais qui n’est que le début d’un grand chantier qui devra être mené par l’ensemble de la société mahoraise : « J’ai entendu des phrases très responsables du style, ‘cette situation nous en sommes tous responsables’.
L’état, les collectivités locales, les familles, la société toute entière. Et c’est donc une réponse globale qu’il faut apporter à cette violence juvénile », a poursuivi Jean-François Colombet qui s’est vu confier la mission d’ouvrir la concertation en vue de l’élaboration de la loi de programme pour Mayotte. Et le préfet de poursuivre : « Il faut que les propositions puissent émerger des mahorais eux-mêmes pour nourrir le futur projet de loi. Au cours de cette concertation, nous allons approfondir les échanges que nous avons eu aujourd’hui à Mtsamboro et tenter de cerner les mesures durables, efficaces, qu’il nous faut mettre en oeuvre pour que cette violence commence à s’effacer. C’est un travail de longue haleine qui ne se fera pas en claquant des doigts. »

Une feuille de route a été rédigée et signée

Le préfet s’est dit déterminé et prêt à écouter vraiment la population. Et au sortir de la réunion, le représentant de l’État a semblé convaincre l’auditoire. Selon Yasmina Aouny, membre du comitdes habitants de Mtsamboro, cette réunion s’est faite dans la douleur mais a été productive : « On était en colère, et les autorités ont fait preuve d’empathie, de é compréhension, c’est ce qu’on attendait. On aurait aimé que cette réunion se fasse plus tôt. On a exposé nos doléances pour que sur le court, le moyen et le long terme, un drame comme celui-là ne se reproduise plus du tout. Le contexte est difficile mais nos doléances ont été acceptées. On va signer une feuille de route et on s’est donné rendez-vous à la mi-juin pour faire le point sur les avancées de nos revendications. » Et le moins que l’on puisse dire c’est que les revendications sont nombreuses.

Hier matin, aucun sujet n’a été éludé. La population réclame la sécurisation du lycée du Nord, la construction d’un lycée à Mtsamboro, plus de personnels d’éducation ou encore des cantines pour les élèves. En effet, les agressions se déroulent souvent lorsque les jeunes sortent pour se nourrir en dehors de l’établissement. Les parents souhaitent ainsi que des commerçants s’installent dans l’établissement ou sur le parking.

Le recteur ne s’y est pas montré hostile, expliquant que cela se faisait déjà à Chirongui mais que ce travail devait être mené avec différents acteurs à commencer par les collectivités. La population réclame aussi et surtout davantage de considération de la part du gouvernement. En effet, même si le préfet était absent ces derniers jours, cela ne justifiait pas le silence de Paris.

D’autres sujets extérieurs à l’éducation et à la violence ont d’ailleurs été abordées à commencer par la lutte contre l’immigration clandestine. Des habitants ont notamment demandé au procureur si les meurtriers de Miki pouvaient purger leur peine hors de Mayotte, aux Comores ou à Madagascar, dans des conditions carcérales jugées moins favorables.

Yann Le Bris a expliqué que ce travail devait faire l’objet de conventions entre les États. Le préfet a lui rappelé qu’une mission interministérielle sur les violences à Mayotte allait être lancée prochainement afin de trouver des réponses à toutes les problématiques, y compris celle du rôle de l’immigration dans la délinquance et les violences.

Construire le Mayotte de demain

De son côté, le recteur a confirmé les engagements pris en matière de sécurisation des établissements scolaires notamment ceux du Nord. Un travail au cas par cas, en fonction des besoins, dans un contexte difficile. « Ces problèmes de violence ne naissent pas dans les établissements. On va mettre des barbelés, des forces de sécurité supplémentaires, des caméras de vidéo-protection. Dès qu’on fait ça on nous dit vous allez transformer les établissements scolaires en prison. Mais c’est quand même la première réponse et il faut le faire. » a martelé Gilles Halbout avant d’aborder les autres réponses qui doivent impérativement être apportées dans les prochains mois.

« Il y a la réponse éducative avec plus de personnels d’encadrement, mieux former les élèves sur les nouveaux risques qu’ils encourent notamment avec les réseaux sociaux. Il faut continuer à travailler sur les dispositifs des élèves pairs, former les élèves pour qu’ils puissent devenir des référents, être aussi dans la médiation. Sur le plus long terme, on nous a interpellés sur nos projets de construction. Nous allons continuer évidemment nos constructions scolaires. Aujourd’hui on a des établissements trop petits pour accueillir tous les élèves qu’ils accueillent. Tout ça avance et nous allons tenir nos engagements. ».

Pour conclure, le chef de file de l’éducation est allé dans le sens du préfet et de tout ceux présents hier matin : « Il faut une mobilisation de tous pour que ces questions de vengeance, de querelles villageoises s’estompent et qu’on passe à une nouvelle étape. Celle de construire tous ensemble le Mayotte de demain.»

Pierre Bellusci