À 42 ans, Nizar Assani Hanaffi a déjà eu plusieurs vies... Toutes tournées vers l’immobilier. Président du Comité Territorial Action Logement à Mayotte, Vice-président en charge de la commission Culture au sein du Conseil de la culture, de l'éducation et de l’environnement, membre du Conseil d'administration du MEDEF, l’homme est surtout l’un des acteurs majeurs de la structuration de la filière autour du logement et de l'habitat. Depuis plus de 14 ans, que ce soit par le biais de son entreprise ou de ses activités extra-professionnelles, le Mahorais s’est engagé en faveur de l’évolution du parc immobilier du territoire et de son accessibilité à tous.
Quand on demande à Nizar Assani Hanaffi de qualifier ce qui le caractérise, c’est d’un air très calme et déterminé qu’il nous rétorque : « Je suis porté par une philosophie de vie qui m’oblige, me condamne à réussir. Mes parents n’étaient pas riches, mais ils m’ont inculqué des valeurs très fortes : travailler, s’aider soi-même afin de pouvoir aider les autres. Si je suis là aujourd'hui, c’est grâce à mon labeur et à ma détermination. Je ne dis pas que j’ai réussi, mais on peut dire que je cherche perpétuellement la réussite. La mienne, mais surtout la nôtre. Celle de tous ceux qui font front commun pour que Mayotte se développe ».
Sur le terrain, Nizar Assani Hanaffi est à la tête de l'une des plus grosses agences immobilières de Mayotte, qui comprend près de 300 lots en gestion. « Quand je suis rentré à Mayotte en 2010, j’ai eu envie de créer ma propre boîte, d’être sur le terrain. C’est ainsi qu’est né Deltah Immo. Plus de 10 ans plus tard, un confrère et ami m’a sollicité pour reprendre son entreprise, l’Agence de l’île, puisqu’il partait à la retraite. Ce que j'ai fait avec mon associée. J’ai finalement fusionné les deux structures pour que les équipes soient plus efficaces et opérationnelles. Aujourd'hui, nous parlons d'une TPE de 7 collaborateurs forte de ses 16 années d'expérience ».
Se professionnaliser pour mieux accompagner
Cette accession ne s’est pas faite sans difficultés. En 2010, après plusieurs années en dehors du territoire, l’homme originaire du village de Sada, dans le Centre-Ouest de Mayotte, devient le premier détenteur de la carte professionnelle d'agent immobilier du territoire. « Je suis arrivé avec l'ambition d'être agent immobilier. J’ai dû faire face à la méfiance des gens. Il y avait une méconnaissance de ce métier. On traitait les agents immobiliers de voleurs, de charlatans. Comment expliquer que vous pouvez construire votre logement et que c'est moi qui dois le gérer ? Il fallait faire face à ce genre de remarques. C’était une culture nouvelle, une culture de la gestion immobilière qu’il fallait faire comprendre. Il fallait prospecter, convaincre... Cette époque est devenue tellement obsolète… Nous devons, en permanence, nous adapter. »
Il faut dire que depuis 2002, année où l’homme a obtenu son baccalauréat, la situation de Mayotte a bien changé. « Quand je suis parti pour poursuivre mes études, j’ai fait une licence de Droit. Je suis rentré une première fois à Mayotte. J’ai commencé à travailler et j’ai vite compris que je n’étais pas à ma place. À 26 ans, je suis retourné sur les bancs de l’école pour faire un BTS des Professions Immobilières. Après ces deux ans, je ne me sentais pas prêt alors j’ai payé de ma poche une autre formation au sein du réseau Laforêt immobilier. Et quand je suis rentré, je suis directement allé sur le terrain en me spécialisant dans la gestion immobilière. » Au fil des années, Nizar Assani Hanaffi voit l’évolution du territoire et ses besoins énormes en termes de logements et notamment de logements sociaux. « Plus de 70% de la population est éligible au logement social. Il nous fallait des outils adaptés à la situation. »
Un combat pour défendre les spécificités de Mayotte
En 2018, la cartographie des acteurs du logement et notamment du logement social commence à bouger sur le territoire. Une opportunité s’offre à celui qui est adhérent au Medef Mayotte depuis 2014. Il devient président du Comité Territorial Action Logement sur le territoire. « Quand on m’a demandé d’assurer cette mission, on m’avait expliqué que ce n’était que quelques actions ponctuelles ici et là. Je me suis rendu compte que c’était un véritable projet à mener sur le très long terme. C’est un investissement lourd. Parce que les enjeux sont colossaux. Beaucoup pensent que je suis rémunéré pour cela or c’est purement un travail que j'accomplis à titre gracieux. C’est du temps que je ne peux accorder ni à ma famille, ni à mon entreprise. »
C’est fort de cette ambition que le chef d’entreprise se bat aux côtés des acteurs territoriaux pour convaincre au niveau national qu’il faut doter Mayotte d’un nouvel opérateur. C’est ainsi que naît AL'MA, en 2022 (Entreprise Sociale de l'Habitat), filiale du Groupe Action Logement. Si pour le moment la structure est en train de s’implanter doucement, les projets, eux, sont bien là. À l’horizon 2050, ce sont près de 80 000 logements qui doivent être construits par le nouvel opérateur. Mais les défis à relever avant d’arriver à atteindre les objectifs sont encore nombreux, Nizar Assani Hanaffi en a bien conscience. Il est néanmoins déterminé à saisir toutes les opportunités qui permettraient à Mayotte d’avancer.
« On parle de convergence de droits, on parle de régularisation foncière, d'aménagement du territoire, d'amélioration des réseaux de transports, de désenclavement du territoire. Je pense qu'il faudra des ambassadeurs engagés pour rendre notre territoire attractif, faire de la formation des jeunes et le développement économique une priorité. Notre territoire a besoin d'être en autonomie financière par la croissance de l'activité, viser le plein emploi. Il faut arrêter d'attendre que ça vienne, tout le temps, d'ailleurs. Si notre territoire doit être développé, ça doit être selon notre vision. Il faut que l’on pense à l’avenir et adopter une stratégie d'anticipation, que l’on observe ce qui se fait ailleurs, ce qui a fonctionné ou pas pour ne pas refaire les mêmes erreurs. Il y a de grands rendez-vous à ne pas louper pour Mayotte. »
Abby Said Adinani