Mayotte : Vers une gestion durable des ressources halieutiques ?

©France Mayotte Matin

Mayotte : Vers une gestion durable des ressources halieutiques ?

Fruit d’une coopération aux allures expérimentales entre différents partenaires, le platier de Mbouanatsa sera fermé à la pêche à pieds trois mois durant. La récolte de poulpes, mollusques et autres coquillages s’y verra interdite, mesure environnementale stricte pour lutter contre une exploitation massive, et favoriser autant le développement que la protection des ressources. Une fermeture test qui pourrait, si le succès est au rendez-vous, se voir un jour élargie dans l’ensemble de l’île au lagon... Reportage de notre partenaire France Mayotte Matin.

Une pêche durable aux résultats concrets 

Initiée par la population elle-même, plus particulièrement l’association des pêcheuses Mila Ounangou en partenariat avec la commune de Boueni, l’intercommunalité du Sud et bien sûr le Parc Marin, la fermeture temporaire du platier fait écho à une première fermeture saisonnière en 2016. Alors, comme l’explique Mouslim Abdourahaman, le maire de Boueni, les résultats étaient concluants : « En 2016, après une expérimentation faite par le Parc Marin, nous avons constaté qu’en fermant ce platier pour un certain temps, les produits de la mer qui en ressortaient étaient nettement meilleurs en quantité, en qualité et notamment en grandeur. Au début de la fermeture, nous avons été pêcher et on voyait que généralement, l’on pêchait des poulpes de l’ordre de 500 grammes voire un kilo. Alors qu’à la fin de la campagne de fermeture, la moyenne des poulpes était de 2,5 kilos ».  

Des résultats plus que bénéfiques qui témoignent de l’effectivité bien réelle de la mise en place d’une pêche durable dans la zone. « L’idée c’est de permettre à la population de poulpes pendant trois mois, de grossir et de se renouveler. Dans trois mois il devrait y avoir plus de poulpes et ils devraient être plus gros. L’idée c’est d’avoir une gestion durable de la ressource » rajoute Christophe Fontfreyde, directeur du Parc Marin. 

« Plus que jamais nous avons besoin d’une gestion durable de nos ressources naturelles » 

Cette nouvelle campagne de fermeture et de sensibilisation est née de la volonté des pêcheuses locales de protéger les précieuses ressources du littoral, et se matérialise par une mobilisation de tous les acteurs. Si le Parc Marin offre son appui technique et scientifique, la municipalité l’organisation et l’orchestration du dispositif, la surveillance du platier sera effectuée par la police environnementale de l’intercommunalité du Sud, avec un soutien de la gendarmerie. 

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Mais le rôle de la population ne sera pas négligeable. Selon Christophe Fontfreyde : « Il faut que la population, et c’est ce qu’elle est en train de faire ici, prenne en charge cette gestion-là. Ce sont eux qui connaissent le terrain ». « L’idée c’est d’associer les populations locales qui savent très bien ce qui se passe avec la science, reprend-il, ce qui permet de faire un certain nombre de progrès, sur la manière de vivre et se comporter. C’est gagnant-gagnant : la population prend en charge sa protection et son développement ». 

Une telle initiative qui, selon les mots du directeur du Parc, pourrait se résumer ainsi : « c’est développer en protégeant et protéger pour développer ». Et la légitimité de l’opération est entière. Si le Sud de Mayotte se caractérise par la grande richesse de sa biodiversité, celle-ci est extrêmement fragile. « Plus que jamais nous avons besoin d’une gestion durable de nos ressources naturelles » déclarait solennellement la deuxième adjointe au maire de Boueni. 

Les prémisses d’une démarche qui pourrait se généraliser ? 

Après la signature de la convention de partenariat, les équipes du Parc Marin prenaient le chemin du platier pour faire le suivi des captures. Mais déception, peu de pécheurs arpentaient la zone ce matin-là, et encore moins de poulpes à l’horizon. Les quelques rares amateurs de mollusques s’enfuyaient même à l’approche des agents du Parc ainsi que des journalistes, témoignage évident du manque de compréhension d’une partie de la population quant à l’application du carcan règlementaire de la pêche durable. Certains niaient d’ailleurs être à la recherche de poulpes, prétendant se contenter de coquillages, lesquels sont eux aussi interdits à la récolte à partir d’aujourd’hui. Pourtant, cette fermeture de platier qui prend des airs de test expérimental, pourrait bien tendre à se multiplier sur l’île au lagon.

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Comme l’explique le directeur du Parc Marin. « Dans la réglementation, il est prévu que dans quelques années, cela soit une obligation partout à Mayotte. Donc nous en tant que Parc Marin, avant d’en faire une obligation, on aimerait que cela soit compris, être sûr que le dispositif est intéressant, que la population se l’approprie et que tout le monde ait envie de le respecter, parce qu’on ne pourra pas avoir un gendarme sur chaque hectare du platier ».

Une mesure d’intérêt général au sujet de laquelle la sensibilisation et l’information du plus grand nombre seront fondamentaux, et qui ne pourra se révéler fructueuse que si les populations y sont associées. Le platier restera donc fermé (aux pêcheurs du moins) jusqu’à la fin du mois de juin, date à laquelle le Parc Marin pourra reprendre ses activités de suivi de capture. L’on saura alors si la campagne de fermeture aura révélé, à l’instar de celle de 2016, une réelle amélioration de l’écosystème marin. Et si les résultats sont positifs, d’autres communes pourraient bien suivre le mouvement, pour une généralisation de la protection des ressources de l’île. 

Une chose est sûre, cette lutte pour la préservation de notre environnement doit et devra passer par le plus grand nombre, pour que la biodiversité mahoraise puisse rester telle qu’elle est aujourd’hui : unique et admirable. 

Mathieu Janvier pour France Mayotte Matin