Mayotte : Une enquête d’envergure pour une reconnaissance du secteur culturel

Mayotte : Une enquête d’envergure pour une reconnaissance du secteur culturel

Plusieurs structures sont représentées au sein du collectif ( © collectif Les Arts Confondus)

Las d’attendre que l’on entende son cri d’alarme sur la situation plus que fragile du secteur de la Culture, le collectif des Arts Confondus à Mayotte se lance dans une enquête d’envergure pour un recensement jamais réalisé jusqu’à présent. Celle-ci s’intitule « Comptons-nous » et se déclinera en plusieurs volets. Elle devra permettre de répondre aux questions suivantes : quelle est réellement la situation de l’Art et de la Culture à Mayotte? Combien de personnes sont concernées par ce secteur ? Quel est son poids économique ?

Alors que la crise Covid prend une ampleur inquiétante à Mayotte, et que le territoire est de nouveau confiné depuis quelques jours, les professionnels du spectacle vivant multiplient les initiatives pour se faire entendre auprès des institutions locales et nationales.
Après avoir tiré la sonnette sur la réalité économique et sociale dans laquelle se trouve le secteur, l’année dernière, c’est à travers une étude lancée sur internet que le collectif des Arts Confondus continue de donner de la voix. L’étude “ Comptons-nous” invite toute personne qui se sent concernée à se manifester. L’objectif est simple : démontrer l’importance de ce secteur sur le territoire qui ne demande qu’à se développer et à se structurer.

« Ce manque de visibilité et d’existence nous met en marge de toutes les aides mises en place pour aider ce secteur, au niveau national ou sur les autres territoires ultramarins», explique la porte-parole du collectif, Sophie Huvet, également directrice de l’association Hip Hop Évolution. « Nous ne sommes pas une priorité. Et après la crise, il y aura trop de choses à gérer. Personne ne pensera à Mayotte. Il nous faut nous faire entendre maintenant. Et cela passe par cette étude en trois volets».

La première étape de l’étude, disponible jusqu’au 28 février, invite tout «jeune» qui habite Mayotte et qui pratique chaque semaine, chez soi, en groupe, dans une association ou à l’école, une activité artistique (musique, danse, théâtre, hip-hop, cirque, écriture, conte, vidéo, photo, dessin, son…) à répondre au questionnaire en ligne concernant les pratiques artistiques, la formation, les métiers de la culture, afin de montrer les opportunités que représente le secteur pour la jeunesse de Mayotte.

« Nous commençons par recenser les jeunes, car nous devons penser à l’avenir immédiatement», poursuit la porte-parole du collectif, qui explique également que seront destinés aux associations artistiques et culturelles de Mayotte, puis aux professionnels du secteur. «Nous ne sommes pas une génération sacrifiée, mais presque. Nous nous débrouillons avec les moyens du bord, sans cadre juridique et social régissant l’emploi des artistes et professionnels du spectacle qui semble devoir attendre l’application du Code de la sécurité sociale et l’alignement progressif du Code du travail de droit commun.»

L'association Hip Hop Évolution a mis en place de nombreux ateliers à destination des jeunes ( © Hip Hop Évolution)

L’association Hip Hop Évolution a mis en place de nombreux ateliers à destination des jeunes ( © Hip Hop Évolution)

Des revendications fédératrices

En effet, à l’heure actuelle, le régime général ne permet pas un cadre juridique et une protection sociale adaptés aux professionnels du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel à Mayotte. C’est d’ailleurs dans ce contexte que le collectif des Arts Confondus a vu le jour, en 2018, fédérant 24 structures et artistes pour faire face à cet énorme chantier. Parmi les revendications portées par le collectif, on peut retrouver : la mise en place d’un régime social adapté aux métiers du spectacle, du cinéma, de l’édition et de l’audiovisuel à Mayotte ; des lieux artistiques et culturels à développer ; un pôle ressource et d’expérimentation à créer, ou encore des formations à mettre en place préparant l’accès à l’enseignement supérieur pour les jeunes souhaitant s’orienter vers les métiers du spectacle vivant.

Ces revendications concernent de nombreux acteurs du secteur tel que la chaînes publique et privée Mayotte La Première et Kwezi Télévision, sans oublier les boîtes de production de l’île, les compagnies de théâtre ou de danse, ou encore les acteurs du milieu de la Musique…

Les spectacles se font souvent dans les écoles ( ©  Cie Stratagème)

Les spectacles se font souvent dans les écoles ( ©  Cie Stratagème)

Une situation tendue

Le collectif Les Arts Confondus continue donc de se battre pour la reconnaissance du secteur de la Culture (traditionnelle, contemporaine, urbaine) et pour les intérêts des professionnels du spectacle. Mais force est de constater que depuis le début de l’épidémie, les acteurs culturels à Mayotte sont touchés par l’annulation de leurs activités, ayant des conséquences économiques et sociales pour ce secteur encore en pleine construction.

L’année dernière déjà, une enquête d’impact sur l’activité des acteurs culturels avait été réalisée auprès de 21 structures du secteur privé et public et avait révélé l’annulation ou le report de 78 spectacles ou événements (à Mayotte, dans l’Hexagone et à l’étranger). On apprenait également que le budget estimé pour ces activités artistiques non réalisées (incluant les recettes ou chiffres d’affaires) entre mars et août 2020 était de 314 412 €. Venait s’ajouter à cela une perte indirecte pour l’économie mahoraise, correspondant aux prestations extérieures prévues pour des entreprises (hors champ culturel) estimée au minimum à 94 800 €.

À travers cette nouvelle enquête, le collectif a donc décidé de prendre à bras le corps le combat de la reconnaissance du secteur de la Culture et des Arts à Mayotte. Celle-ci, à destination de la jeunesse, est à retrouver ici :  Questionnaire « Comptons-nous» Jeunesse.

Par Abby Said Adinani