Mayotte : Remblais ou pilotis, quelle solution pour la piste longue de l’aéroport ?

Mayotte : Remblais ou pilotis, quelle solution pour la piste longue de l’aéroport ?

Le président de la République Emmanuel Macron l’avait promis lors de sa visite officielle à Mayotte en octobre 2019, le chantier de la piste longue de l’aéroport serait bel et bien lancé avant la fin de son mandat. Une question se pose aujourd’hui : faut-il faire la piste à l’aide d’un remblai ou faut-il mieux la réaliser sur pilotis ? Explications de notre partenaire France Mayotte Matin.

Le sujet de la construction de la piste longue ne fait quasiment plus débat, une majeure partie de la population l’appelant de ses vœux depuis fort longtemps. Le dossier suit son cours mais il a bien du mal à sortir des phases de réflexions et d’études. Or, parmi elles, une question cruciale s’est posée concernant les solutions de construction envisageables, l’identification des contraintes de conception, d’entretien, tout en mesurant leurs effets et leurs impacts. En effet, il existe plusieurs manières de la réaliser, soit à l’aide d’un remblai ou d’une construction sur pilotis. Une expertise a donc été menée afin de lever toutes les interrogations et les résultats viennent d’être présentés 

Pour mémoire, la construction de la piste longue sur un remblai (ouvrage dont la base repose sur le fond de la mer) associé à une digue, intégrant des blocs naturels ou artificiels servant de carapace de protection est la solution utilisée en 1995 pour étendre la piste de l’aéroport vers le sud sur le plateau corallien. L’idée de la construction de la piste longue sur des dalles et des poutres reposant sur des pilotis, c’est-à-dire des piles de béton enfoncées dans le fond marin est, quant à elle, nouvelle.

L’étude s’est donc attachée à examiner leur faisabilité technique ; la possibilité de maintenir l’intégralité de la desserte aérienne de Mayotte pendant toute la durée des travaux de la piste longue ; leurs impacts sur l’environnement ; le volume de matériaux nécessaires et bien évidemment les coûts.

Verdict : « à ce stade des analyses, la solution d’une piste longue construite sur pilotis s’avère difficilement réalisable et plus coûteuse à mettre en œuvre que la solution en remblai-digue ». Cela a le mérite d’être clair et s’explique de manière simple. En effet, pour résister aux séismes, cyclones ou tsunamis, le dessus de la piste longue sur pilotis devrait se trouver à 13 mètres au-dessus du niveau de la mer à l’extrémité sud et au minimum à 9,5 mètres à l’extrémité nord. Qui plus est, le fond du lagon est composé d’une juxtaposition de zones dures (le plateau corallien au sens strict) et de zones de sable, ce qui rend très défavorable la réalisation de fondations profondes (de 25 à 30 mètres) nécessaires aux piles dans la solution sur pilotis.

Mais encore, les pilotis présentent des risques pour l’environnement dans la mesure où des vibrations seront générées pendant la réalisation des travaux, avec des risques de pollution lors des coulages de béton pour réaliser les dalles... Mais encore, l’ombre générée par les dalles supportant la piste sur une très grande surface aurait vraisemblablement de très forts impacts sur la faune et la flore sous-marines. En revanche, en comparaison avec la solution en remblai-digue, celle des dalles sur pilotis nécessiterait moins de matériaux de remblai mais une quantité beaucoup plus importante de granulats, indispensables pour réaliser les éléments en béton. 

Enfin, et c’est le nerf de la guerre, la construction et l’entretien d’une dalle sur pilotis seraient plus coûteux que ceux d’une solution en remblai- digue. Un exemple est ainsi livré : « Le coût de la construction en 2010 d’une piste de 2 500 mètres de long, dont un tiers sur pilotis et deux tiers sur remblai, à l’aéroport d’Haneda à Tokyo s’est élevé à 4 milliards d’euros ». Une paille, d’autant que la durée de construction d’une dalle sur pilotis est plus longue que celle d’un remblai-digue. 

Pour ces raisons, il ressort sans surprise que la solution en remblai-digue sur l’ensemble de la longueur et ce, quel que soit le scénario d’implantation, est privilégiée à ce stade des études. Néanmoins, le choix n’est pas encore tranché puisque d’autres études sont à réaliser (environnement, hydrodynamique et sédimentologie, socio- économie...). Bref, la piste n’est pas encore prête à sortir de terre...

Samuel Boscher pour France Mayotte Matin.