Lors de leur visite en août dernier à Mayotte, les ministres de l’intérieur Gérald Darmanin et des Outre-mer Sébastien Lecornu, s’étaient engagés à fournir une feuille de route précise quant à la lutte contre l’insécurité et l’immigration illégale. Celle-ci vient d’être adressée au préfet délégué du gouvernement qui va avoir du pain sur la planche avec une sérieuse redistribution des cartes... Explications de notre partenaire France Mayotte Matin.
Le préfet délégué du gouvernement Thierry Suquet vient de recevoir une feuille de route que les ministres de l’Outre-Mer et de l’Intérieur s’étaient engagés à lui confier lors de leur voyage officiel à Mayotte en août dernier. La rédaction est à ce titre parvenue à se la procurer. Or, la lettre de mission est très dense dans la mesure où le préfet doit à la fois assurer la sécurité des mahorais, lutter contre la délinquance, renforcer la lutte contre l’immigration clandestine ainsi que contre toutes les fraudes et trafics qui l’accompagnent, lutter contre les bandes qui sévissent sur le territoire...
Ainsi, sur le volet prévention et lutte contre la délinquance de droit commun, le préfet a ordre de valoriser les effectifs en place et de mieux les coordonner afin de lutter contre les actes commis et de les réduire en nombre. Quant à la délinquance des mineurs, il doit prévenir le ralliement des jeunes en errance en bandes violentes et éviter leur basculement dans la délinquance. Pour ce faire, il renforce les expérimentations menées dans certaines communes autour des associations et des élus locaux dont la présence au cœur des quartiers à problèmes est renforcée. Cela avait été mis en place dans le centre pour Combani et Miréréni, l’efficacité reste à prouver ...
A Kawéni, en revanche, les efforts semblent porter leurs fruits. Le préfet doit donc renforcer ces dispositifs. Concernant la LIC, Thierry Suquet devra encore renforcer le dispositif de détection, de dissuasion et d’interpellation des personnes qui entrent illégalement sur le territoire. Il pourra à ce titre s’appuyer sur l’arrivée de deux nouveaux intercepteurs. Pour les marins pêcheurs qui faciliteraient l’entrée de clandestins, la suspension du droit d’exercer la profession de marin ou de pêcheur sera ordonnée automatiquement selon l’article L55-21.4 du code des transports.
Le refus ou retrait de titre de séjour pour les étrangers ayant commis des infractions graves et représentant une menace pour l’ordre public sera aussi mis en place avec une application stricte de la loi. Une mesure qui vaut également pour les demandeurs d’asile. En matière de reconduites ou mesures d’éloignement, les ministres demandent au préfet de renforcer le travail, notamment sur les recours et d’appliquer strictement la loi de manière à éviter que ceux-ci ne deviennent des prétextes pour éviter les expulsions. Le fondement du droit serait trop souvent contourné, aujourd’hui le TA est englué sous le nombre de recours.
Le représentant de l’État a encore consigne d’intensifier la lutte contre l’ensemble des infractions liées à l’exploitation de l’immigration et ce, en lien avec le Codaf via le renforcement des contrôles et en travaillant avec le Gelic, les services d’enquête de la police nationale pour démanteler les réseaux d’aide au séjour, à l’arrivée et à l’aide au travail... Tous les marchands de sommeil sont aussi visés, à l’instar des trafiquants de faux documents d’identité, ou de ceux effectuant des reconnaissances frauduleuses de paternité.
Mais encore, un suivi rigoureux des flux financiers entre Mayotte et les Comores doit faire l’objet d’une analyse approfondie avec l’aide du dispositif Tracfin pour éviter le blanchiment d’argent, la fraude fiscale, le financement du terrorisme. Les opérateurs bancaires et financiers seront ainsi sommés de participer à ce travail. Les services de police et les douanes seront pour leur part mobilisés pour lutter contre les trafics d’argent liquide entre Mayotte et les Comores à l’aéroport mais aussi au STM. La lutte contre les fraudes aux prestations sociales sera encore renforcée. L’objectif annoncé par le Sébastien Lecornu en août était de faire en sorte que Mayotte soit le moins attractif possible pour les clandestins.
Par opposition, Thierry Suquet doit faire en sorte que les étrangers méritants et souhaitant s’intégrer dans le cadre du pacte républicain puissent y accéder. Sébastien Lecornu et Gérald Darmanin l’avaient promis en août dernier et cela tombe à l’heure où les élus doivent se prononcer sur le projet de loi Mayotte quand on sait qu’ils sont déçus par le texte. Faut-il y voir une étrange coïncidence ? En attendant, la lettre de mission n’est pas associée à une enveloppe budgétaire supplémentaire que ce soit en moyens techniques ou humains. Le préfet devra donc faire vite et bien avec ce qu’il a...
Samuel Boscher pour France Mayotte Matin