Illustration ©Ministère de l’Intérieur / DICOM / J. Rocha
Dans une « démarche volontairement coordonnée et collective », le président du Conseil départemental, les parlementaires et le président de l’association des maires de Mayotte demandent au Premier ministre Jean Castex que l’île « soit déclarée en état d’urgence sécuritaire ». Leur communiqué ci-dessous.
C’est une démarche volontairement coordonnée et collective. Dans un courrier commun en date du 26 janvier 2020, le président du Conseil départemental Soibahadine Ibrahim Ramadani, les parlementaires Ramlati Ali, Mansour Kamardine, Abdallah Hassani et Thani Mohamed Soilihi ainsi que le président de l’association des Maires Madi Madi Souf s’adressent directement au Premier ministre Jean Castex. Ils avaient déjà co-signé un premier communiqué commun deux jours plus tôt au lendemain des assassinats survenus le week-end précédent en petite-terre.
« Nous nous adressons à vous, Monsieur le Premier Ministre, conscient que les reports successifs des visites ministérielles annoncées ne donnent pas le sentiment que le cas de Mayotte soit pris en compte à sa juste valeur au sommet de l’État. La situation appelle à l’évidence une prise en compte d’une plus grande ampleur » soulignent les signataires à propos de leur démarche.
« Depuis maintenant 18 mois, la violence a atteint à Mayotte son niveau de paroxysme, avec, récemment, l’assassinat d’un mahorais de 43 ans le 18 décembre 2020 à Koungou, des attaques de lycées par des bandes armées comme à Kahani le 15 janvier, l’assassinat à l’arme blanche d’un homme il y a quelques jours et ce week-end, celui de 3 autres personnes en Petite-terre, dans le quartier dit de la Vigie, dont 2 mineurs de 15 et 14 ans horriblement massacrés » rappellent en préambule les élus, évoquant une « situation prévisible, pourtant trop longtemps marginalisée par les gouvernements successifs, malgré les alertes de la société civile et des élus. Aujourd’hui, la population, lassée, réclame de l’État, une réponse forte à la hauteur de cette crise inédite ».
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Les élus ajoutent « ressentir un net sentiment d’abandon quand le lynchage d’un jeune francilien à Paris provoque, de façon justifiée d’ailleurs, une émotion unanime et que ce triple décès le même week-end à Mayotte suscite une indifférence polie que rien ne pourrait justifier ».
« Au regard de la profondeur du malaise ressenti et de l’émoi que ces évènements suscitent au sein de la population », les six élus réclament « que soit reconnu sans délai, l’état d’urgence sécuritaire appliqué sur l’ensemble du Département. A l’instar de l’état d’urgence sanitaire, appliqué au regard de la pandémie de la Covid-19, nous réclamons donc cette mesure qui, pour une période donnée, permettrait à l’Etat de concentrer plus de moyens humains, logistiques et financiers ».
Soulignant que « cette violence inouïe est intrinsèquement liée à l’immigration clandestine, notamment celle venant des Comores, il est aussi urgent que l’État pose enfin les bases d’une véritable coopération avec l’Union des Comores, reposant sur les problématiques de sécurité, de justice, de santé, d’éducation et d’économie » indiquent-ils dans cette lettre. Ils indiquent au passage que l’objectif recherché « est de chercher à fixer durablement les populations chez elles et de rendre opposable les décisions de justice de la République à l’État comorien ».
« Spécifiquement pour Mayotte, nous appelons à mobiliser des moyens judiciaires conséquents pour la mise en œuvre de la réforme en cours de l’ordonnance de 1945 visant à créer un code de la justice pénale des mineurs, afin de prendre en compte les spécificités du territoire. Un effort particulier devra, en outre, concerner la mise en place dans le Département de structures d’accueil spécialisées en réponse à la flambée de cette délinquance juvénile ».
Avec l’augmentation des mineurs isolés, notamment issue de l’immigration, les élus réclament « l’extension à Mayotte de la circulaire Taubira afin de désengorger le Département. Il est à noter que cette politique, malgré les nouveaux moyens obtenus en 2017, demeure bien en deçà des préconisations de l’IGAS, est encore au stade de structuration sur le territoire ». Si le nombre de mineurs placés sur le territoire est porté à 800 (il était pour mémoire de 292 en 2015), les élus notent « qu’il est impossible sur un territoire de 374km² de pouvoir être efficace pour faire face à l’ampleur du phénomène des mineurs non accompagnés et de jeunes majeurs désocialisés estimés de 12 000 à 15 000 personnes selon les forces de l’ordre à Mayotte ».
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En matière de surveillance et de sécurisation des traversées entre Petite et Grande Terre, « lieu de passage des bandes organisées », les élus souhaitent « le déploiement au sein des gares maritimes et des barges, d’agents de sureté assermentés officiant en qualité de force de maintien de l’ordre et de renseignement. Cette mesure qui émane des élus locaux eux-mêmes nous semble de bon sens et simple à mettre en œuvre, contribuant à sécuriser les usagers » déclarent-ils.
En résumé, outre une visite officielle urgente des ministres de l’Intérieur, de la Justice, des Affaires étrangères et de l’Outre-Mer, « déjà trop différée », les élus souhaitent en particulier l’instauration d’un état d’urgence sécuritaire, « un dimensionnement pérenne des moyens en adéquation avec la démographie réelle de l’ile et le niveau de violence inédit », la mise en place effective d’une véritable coopération avec les Comores, des moyens judicaires conséquents, la mise en place d’une police maritime des barges, un recensement collectif des terrains squattés pour poursuivre « les nécessaires expulsions déjà entreprises ».
Des propositions qui ont été formulées et présentées de vive voix au Préfet, délégué du gouvernement à Mayotte ce lundi 25 janvier, par les signataires dans les locaux du Conseil départemental.
Soulignons enfin que, parmi les pistes détaillées dans ce courrier, figurent « la dotation de notre territoire en moyens nécessaires pour assurer la sécurité et la tranquillité publique ainsi que la lutte contre l’immigration clandestine », des investissements dans les centres éducatifs fermés ou encore un plan massif de résorption de l’habitat insalubre et illégal.