La première promotion d’orthoptistes « Made in Mayotte » opérationnelle dans trois ans

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La première promotion d’orthoptistes « Made in Mayotte » opérationnelle dans trois ans

Le 10 février dernier, la Délégation de Mayotte à Paris a accueilli dans ses locaux les premiers étudiants orthoptistes mahorais, les professeurs de la formation en question, mais également le Vice-président du Conseil Départemental chargé de la solidarité, de l'action sociale, de la santé et de la formation, Madi Moussa Vélou. L’objectif de la rencontre : créer un environnement propice aux échanges afin de faciliter les futures collaborations interdisciplinaires. Il s’agit aussi de maintenir le lien avec ces élèves envoyés dans l’Hexagone pour y être formés. La délégation du Département de Mayotte à Paris a pu  jouer ainsi son rôle de mise en réseau et de promotion.

 

Ils s’appellent Sabrina Boura, Bibi-Mawa Saif, Aminatta Ahmadi ou encore Chahik Lioustoi. Ils ont entre 18 et 25 ans et font partie de la première promotion de cette formation en orthoptie, lancée en 2023 par le Conseil départemental, l’ARS, l’Université de Paris Cité, le CUFR ou encore l’Agence d’Outre-Mer pour la Mobilité. « C’est extrêmement important d’accompagner ces jeunes étudiants », indique Jean-Bernard Rottier, ophtalmologue et Président de l’association Unono Wa Matso (la santé des yeux), qui a déjà ouvert deux centres de santé oculaire à Mayotte. « Comme les pathologies oculaires ne sont pas traitées, elles vont souvent à un stade très avancé. Beaucoup de patients deviennent aveugles à cause du diabète, du glaucome ou de la cataracte. C'est un vrai scandale ! Il nous faut plus de dépistages visuels ».

Dr Jean-Bernard Rotier, Ophtalmologue et Président Unono Wa Maton © Outremers 360
Dr Jean-Bernard Rotier, Ophtalmologue et Président Unono Wa Maton et Pr Dominique Bremond-Gignac, cheffe de service d'ophtalmologie pédiatrique à l'hôpital Necker et en charge de la formation en Orthoptie à Mayotte © Outremers 360

Une jeunesse attendue

« Dans le paysage médical et paramédical de Mayotte, les défis en matière de santé sont criants. Alors que la moyenne nationale compte 8,6 ophtalmologues pour 100 000 habitants contre 0,4 pour 100 000 habitants à Mayotte. L’île souffre d'une pénurie significative de professionnels de la santé ». C’est ce qu’on peut lire sur une note de la Délégation de Mayotte à Paris. « Le dépistage précoce des troubles visuels devient crucial, en particulier chez les enfants. Avec des statistiques indiquant que sur 10 000 enfants, 2 000 pourraient avoir besoin de lunettes de vue, il devient impératif d'instaurer un projet de dépistage en milieu scolaire. Parallèlement, la profession d'orthoptiste émerge comme une solution complémentaire et préventive. » C’est ainsi que Chakik Lioustoi est ses camarades ont été sélectionnés.

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Les élèves en orthoptie © Outremers 360

« Personnellement, j’ai découvert ce métier à La Réunion parce que j’ai dû faire des séances de rééducation », explique-t-il. « Quand j’ai découvert que cette formation existait, je me suis dit qu’il me fallait le faire : pour Mayotte ». Sabrina Boura, elle, était déjà dans le milieu de l’optique et connaissait donc le métier. Ce n’était pas le cas de Bibi-Mawa Saif et de Aminatta Ahmadi, alors étudiantes au Cufr en Science de la Vie. « Nous n’avions jamais entendu parler de l’orthoptie», se rappellent les deux jeunes filles. « On est venu à notre université nous présenter la formation. Nous avons compris que nous devrions nous occuper des dépistages oculaires, de la rééducation des yeux, parfois… » Ces jeunes étudiants, totalement pris en charge dans le cadre de cette formation de trois ans, devront à la fin de leur cursus consacrer au moins trois ans à Mayotte, en exerçant sur le territoire. « C’est une clause que nous avons rajoutée pour tous les étudiants avec qui nous sommes liés dans le cadre d’une convention », précise Madi Moussa Vélou. « Je ne suis pas inquiet. J’ai discuté avec ces jeunes. Ils ont grandi à Mayotte. Ils sont attachés à leur territoire. Leur famille est là-bas. Ils connaissent les difficultés et cela ne les décourage pas, au contraire ».

Trouver des solutions au désert médical

Ce sont près de 16 millions d’euros qui sont consacrés à accompagner les jeunes qui désirent suivre ces formations. « Nous sommes prêts à les accompagner en Allemagne, en Belgique, en Roumanie », poursuit le Vice-président qui indique également qu’en plus de cette formation en orthoptie lancée l’année dernière, le Département a également signé il y a quelques mois une convention avec la Croix-Rouge pour former plus d’infirmiers à Mayotte. « Et nous continuerons de rencontrer les personnes issues du milieu médical. Cette année sera la 3ème rencontre des jeunes médecins en formation ou en activité. Nous avons également rendez-vous sur tous les forums professionnels pour rencontrer les acteurs du médical et du paramédical ». Le Département se veut donc sur tous les fronts en misant sur sa jeunesse. D’autres acteurs misent, eux, sur la technologie. « Mayotte est en déficit de professionnels de santé dans toutes les spécialités », souligne le président de l’association Ounono wa Matso, Jean-Bernard Rottier. « Il n’y avait pas un seul ophtalmologiste, à temps plein, en permanence sur l'île alors qu’il en aurait fallu à peu près une trentaine, comme tenu de la population. Nous n’allions pas trouver 30 ophtalmologistes. L’une des solutions, c’était de faire des postes de premier recours avec des infirmières formées, avec du matériel de qualité et de travailler en télémédecine. Nous fonctionnons comme ça depuis deux ans, avec 2 centres de premier recours tenus par des infirmières et 6 médecins ophtalmo hexagonaux qui sont derrière pour analyser les dossiers pour les conduire pour leur dire ce qu'il faut faire ». Cette année, l’association compte commencer le dépistage des troubles visuels des enfants à l'école. D’autres actions ponctuelles doivent également être menées, en attendant que les étudiants orthoptistes puissent finir leur formation et revenir exercer sur leur territoire.

Madi Moussa Velou, Vice-président du Conseil départemental de Mayotte en charge de la solidarité, de l'action sociale et la santé © Outremers 360
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Abby Said Adinani