INTERVIEW. Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage, à La Réunion pour la Fet Kaf

INTERVIEW. Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage, à La Réunion pour la Fet Kaf

Jean-Marc Ayrault, président de la FME et une partie de l’équipe de la Fondation seront à La Réunion cette année à l’occasion de la Fet Kaf du 20 décembre (20 Désanm en créole réunionnais). Chaque année, La Réunion célèbre l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage, le 20 décembre 1848, en application du décret du 27 avril 1848 adopté par le gouvernement provisoire de la 2ème République, à l’initiative de Victor Schœlcher.

Pourquoi ce déplacement à La Réunion ?

Pour répondre à l’invitation de nos collectivités fondatrices. En effet, trois collectivités réunionnaises ont participé à la création de la Fondation : la ville de Saint-Denis, le département et la région. J’attache une grande importance à leur présence à nos côtés ; c’est la raison pour laquelle, après deux années perturbées par l’épidémie de COVID-19, j’avais à cœur de les retrouver pour ce premier 20 décembre sans restriction sanitaire dans l’hexagone ni à La Réunion.

La dernière fois que je me suis rendu à La Réunion, c’était en décembre 2018, à l’occasion du 170ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage, et la Fondation n’était pas encore créée. Elle existe depuis novembre 2019, et après trois ans d’existence le moment est bon pour revenir ici et échanger autour de ce qui a été fait et des priorités à lancer dans les prochaines années.

Quelles sont les relations entre la Fondation et La Réunion ?

Ces relations passent tout d’abord par nos instances de direction. Les institutions et personnalités de La Réunion y sont bien présentes. Du côté des élus, Ericka Bareigts a été la première présidente de notre conseil des territoires, entre 2020 et 2022. Depuis cette année, la région de La Réunion siège dans notre conseil d’administration, et même dans notre bureau comme vice-présidente. Chez les associations mémorielles, c’est l’association Kartyé Lib qui avec l’association Les Anneaux de la Mémoire représente les associations mémorielles dans le conseil d’administration de la FME.

Nous bénéficions également de l’expertise de plusieurs personnalités réunionnaises qui participent à nos différents conseils : Memona Hintermann-Afféjee, qui a été renouvelée cette année comme personnalité qualifiée dans notre conseil d’administration, Sonia Chane-Kune, Christine Salem et Gilles Gauvin dans notre conseil d’orientation, Prosper Eve, Bruno Maillard et Françoise Vergès dans notre conseil scientifique.

Dans nos contenus, nous mettons en valeur les événements, les lieux de mémoire et les personnages de l’histoire réunionnaise de l’esclavage et de son abolition. Nous avons ainsi mis en avant des personnages comme Edmond Albius ou Auguste Lacaussade, ainsi que des artistes d’aujourd’hui issus du territoire comme Danyèl Waro. En 2020, alors que le COVID empêchait les grands événements physiques, nous avons réalisé avec l’aide de Sébastien Folin un grand Live autour de l’histoire et de la culture réunionnaise.

Le musée de Villèle où Jean-Marc Ayrault se rendra durant sa visite

Cette histoire est également bien présente dans nos supports de référence : nous avons ainsi fait une place au maloya, à Furcy, à l’engagisme dans l’exposition itinérante « #CESTNOTREHISTOIRE – Esclavage et Abolitions : une histoire de France » que nous avons élaborée et qui circule aujourd’hui dans près de 100 villes en France. Avec les archives départementales, nous travaillons par ailleurs à élaborer un panneau spécifique à La Réunion qui sera disponible l’année prochaine.

La Réunion est également dans le dossier d’accompagnement que nous avons réalisé pour le concours de la Flamme de l’Égalité cette année, autour du thème « Travailler en esclavage », et elle est aussi en bonne place dans l’exposition sur l’archéologie de l’esclavage de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) que nous diffusons et dont nous avons réalisé le livret pédagogique.

Enfin, dans nos programmes, nous soutenons les acteurs réunionnais grâce à nos appels à projets : l’appel à projets Citoyenneté pour accompagner les commémorations de la Fet Kaf, l’appel à projets Culture pour les créateurs et institutions culturelles, l’appel à projets Éducation pour les projets pédagogiques, l’appel à projets Recherche pour les chercheurs et laboratoires.

Je me réjouis de la qualité de la collaboration que nous avons avec les acteurs locaux. J’en veux pour preuve le très intéressant séminaire sur l’histoire et les héritages de l’esclavage à La Réunion que la Fondation a organisé avec l’académie pour les enseignants du territoire au début de ce mois.

Quel est votre programme pour cette visite ?

Commémorer, visiter, dialoguer.

Je participerai tout d’abord à trois commémorations, le 19 décembre au Musée Villèle avec le président du conseil départemental Cyrille Melchior, le 20 décembre à Saint-Paul avec la présidente de la région Huguette Bello, et le même jour l’après-midi à Saint-Denis avec la maire de la ville Ericka Bareigts.

J’ai également prévu de visiter plusieurs institutions de l’île qui ont un rôle majeur pour conserver et transmettre son histoire au grand public : le Musée Villèle, je l’ai dit, où le département fait un travail remarquable pour restituer toute la complexité du temps de l’esclavage, le musée Stella Matutina, qui à travers l’histoire de l’industrie sucrière rend aussi hommage aux travailleuses et aux travailleurs de La Réunion qui ont fait les succès de cette industrie, et je tiens également à me rendre au Lazaret de la Grande Chaloupe, pour évoquer le sort des engagés, dont le destin est si important pour comprendre la diversité réunionnaise d’aujourd’hui.

Enfin, j’ai souhaité ménager dans ce programme déjà très chargé des temps d’échanges avec les élus ainsi qu’avec les acteurs de la société civile. A La Réunion comme ailleurs, le rôle des associations, des artistes, des militants a été et reste essentiel pour transmettre la mémoire de l’esclavage et des combattants de l’émancipation. C’est la raison pour laquelle j’ai également prévu un moment de discussion avec des représentants de cette société réunionnaise qui m’impressionne toujours par sa vitalité et sa diversité.