Economie-Mayotte : La brique mahoraise a passé le stade des labellisations et reprend position sur le marché de la construction

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Economie-Mayotte : La brique mahoraise a passé le stade des labellisations et reprend position sur le marché de la construction

La brique Mahoraise a longtemps été le principal matériau de construction dans l’île avec notamment la réalisation des logements de la SIM. Elle a ensuite été délaissée au profit du béton avant de revenir aujourd’hui en force pour ses propriétés environnementales intégrant parfaitement l’air du temps… Une interview réalisée par notre partenaire France-Mayotte Matin.

 

France Mayotte Matin : Rappelez-nous comment est fabriquée cette brique de terre comprimée ? 

Vincent Liétar : La brique se fabrique avec la terre mahoraise c'est une ressource qui se place à l'échelle de nos besoins et qui est sans limite. C'est ce qui a fait en partie son choix. Il faut dire que quand elle a été mise en place à Mayotte dans les années 80 et peut être un peu avant, les constructions se faisaient essentiellement soit en végétal soit en torchis, soit en sable de mer. Pour le développement des grands programmes aidés par l'Etat, il s'agissait de passer vers un type de production un peu plus industriel et la terre a été décelée, détecté et identifiée comme un matériau très intéressant pour la construction. Pour la produire, des tests sont réalisés avant de mélanger la terre très argileuse, cette terre rouge que l'on connaît si bien à Mayotte. Il faut souvent ajouter un peu de sable volcanique, pas de mer évidemment, c’est ce qu'on appelle la pouzzolane. On peut aussi ajouter un tout petit peu de ciment. On pourrait s'en passer en termes de solidité mais dans un pays tropical où il pleut beaucoup le ciment est parfait pour stabiliser la brique. Le mélange est ensuite comprimé sans cuisson, il s’agit de séchage ce qui constitue un véritable facteur d'économie. Il faut 4 personnes sur une machine pour produire quelques 400 briques par jour. 

FMM : Pourquoi la brique avait-elle disparu ou était moins utilisée ? 

Vincent Liétar : En 40 ans, la SIM a construit les premiers bâtiments avec cette brique, il y a eu une période de pause parce qu’il était nécessaire d’obtenir des labellisations de ce matériau pour pouvoir apporter toutes les garanties de stabilité avec le temps. Nous les avons obtenues et aujourd’hui, la brique mahoraise a refait son apparition dans les constructions. Il a ainsi fallu au préalable surmonter les difficultés liées à la réglementation dès 1997 et travailler pendant 25 ans pour obtenir ladite labellisation. 

FMM : quelles sont les perspectives de la brique de terre comprimée  aujourd’hui ? 

Vincent Liétar : Nous nous adressons à tous les maîtres d'ouvrage, qu’ils soient publics ou privés, passant par la SIM ou le rectorat…Un nouvel opérateur a fait son apparition, Al-ma qui peut réaliser où construire en briques avec des cahiers des charges adaptés. Mais ils ont besoin de références et les 25 ans de bataille nous servent aujourd’hui d’outils. 25 ans qui reposent sur un document cadre couchant une règle professionnelle et qui a été obtenue il y a quelques jours. Il aura fallu là encore 3 ans pour la mettre au point. Elle va permettre à tous les professionnels, architectes, ingénieurs, maîtres d'ouvrage, de se rassurer quant à leurs réalisations. Il ne s’agit pas d’un label mais d’un document technique unifié permettant à celles et ceux qui vont construire leur maison, leur bâtiment en briques de disposer d'une assurance comme n'importe qui. C’est le Graal pour notre brique qui est reconnue au même titre qu’un parpaing. Car il ne faut pas s’y tromper, c’est un savoir-faire mahorais qui entre dans le cercle des normes françaises. La terre occupe ainsi de plus en plus de place dans les constructions avec par exemple sur Paris la réalisation des grands métros avec des tonnes et des tonnes de terre qui doivent être réutilisées pour construire un quartier complet. C’est pourquoi nous sommes regardés avec beaucoup d'intérêt et nous avons réécrit avec les professionnels hexagonaux les normes de fabrication qui dataient de 2001. 

FMM : Quels sont les avantages environnementaux de la Brique de Terre comprimée ? 

Vincent Liétar :  La brique de terre comprimée présente un avantage environnemental certain, car c'est un matériau de construction propice à l'économie d'énergie affichant un bilan carbone très positif car très faible Elle dispose encore de propriétés isolantes en absorbant la chaleur. Les habitants de logements en béton ne pourront contredire cet état de fait. Mais encore, la brique demande une main d’œuvre qualifiée et nombreuse, elle est donc créatrice d’emplois. Ainsi, lorsqu’il faut 5 heures à un maçon pour monter un mur en briques d’un mètre carré, il faut 3 heures pour un autres avec des parpaings. Il y a donc des retombées en faveur de la main d'œuvre locale. Mais encore, la brique a besoin de moins de finitions, elle n’a en effet pas besoin d’être livrée enduite comme avec les parpaings. Il reste encore beaucoup de travail à faire, notamment pour améliorer la production. Nous sommes en capacité d’atteindre 1 million à 1,5 million de briques par an, c’est tout à fait possible et cela permettrait à ce titre de stabiliser les prix qui demeurent encore assez aléatoires. 11 artisans sont en capacité de produire à Mayotte, suivis des industriels, petits industriels ou grands groupes qui peuvent s'intéresser aux BTC. Tout passera bien évidemment par les commandes réalisées par les maîtres d’ouvrage, pour construire des collèges et des lycées, des écoles, mais aussi des logements. Les lignes bougent, les choses avancent et les briques gagnent en grade avec des cahiers des charges favorables dans les marchés publics alors qu’elles étaient oubliées il y a encore 10 ou 15 ans. Tout ceci dépend d’une combinaison d'ensemble associant enfin maître d'ouvrage et artisans ou producteurs locaux. Tous doivent travailler ensemble en se formant. A ce titre, une formation est mise en place avec la Chambre des métiers aboutissant à un titre professionnel autorisant la fabrication des briques tout en répondant à l’ensemble des questions qui peuvent être posées notamment en matière d’environnement ou de maîtrise d'énergie… 
 

Propos recueillis par Samuel Boscher pour France-Mayotte Matin