Dans une tribune publiée dans les colonnes du Monde, sept élus des territoires de l’Océan Indien et du Pacifique appellent à faire des Outre-mer de l’Indopacifique « une priorité du prochain quinquennat ». « Les ancrages français dans l’espace Indo-Pacifique sont des atouts stratégiques » estiment-ils, « s’ils ont vocation à le rester, il faudrait nourrir l’ambition de les muer en plates-formes du rayonnement économique et culturel français ».
Signée par la présidente de la province Sud calédonienne, Sonia Backès, et les sénateurs Michel Dennemont (La Réunion), Abdallah Hassani (Mayotte), Thani Mohamed Soilihi (Mayotte), Mikaele Kulimoetoke (Wallis et Futuna) et Teva Rohfritsch (Polynésie) ainsi que par le représentant au CESE, Éric Leung (La Réunion), cette tribune rappelle que « ces territoires offrent à la France une attache pour assurer sa souveraineté dans des zones éloignées de l’Hexagone et un poste d’observation indispensable dans des zones où des frictions entre États pourraient dégénérer en conflits internationaux ».
Elle cite notamment « la situation sécuritaire en Asie de l’Est et du Sud-Est » et « le cas des territoires du canal du Mozambique dans l’océan Indien, dont les importantes ressources énergétiques en pétrole et en gaz génèrent de fortes luttes d’influence ». « La France doit investir lors du prochain quinquennat pour renforcer ses capacités d’action dans la région. Seule une présence militaire pérenne et dissuasive protège la souveraineté de ses collectivités et lui permet de perpétuer son engagement en faveur de la stabilité régionale ».
« Alors qu’une féroce guerre des métaux rares s’annonce, la maîtrise de ces ressources stratégiques est indispensable » soulignent encore les sept élus, estimant que « le XXIème siècle sera maritime et minéral ». Pour ces sept élus, l’exploitation de ces métaux rares « octroierait à la France une autonomie précieuse » et « leur préservation lui donnerait une place de premier ordre dans une approche raisonnée et durable du développement ». « L’amélioration de la connaissance de ces espaces la positionnerait en figure de proue sur le plan scientifique. La course est lancée, cette place est à prendre. Elle doit être prise avec les collectivités d’outre-mer auxquelles elle offrira de nouvelles perspectives économiques », poursuivent-ils.
« Développer une politique universitaire ambitieuse »
Sur un volet plus sécuritaire et géopolitique, à l’heure où « les signes de rivalités entre les États-Unis et la Chine se multiplient » dans la région, « les ancrages français dans l’espace Indo-Pacifique sont des atouts stratégiques ». « A ce jour, ils n’ont pas été investis du rôle d’ambassadeur de la France dans leur région. Ils pourraient influencer leur voisin au même titre que la France influence l’Europe et son voisinage grâce à l’attractivité de son modèle social, à la qualité de son système d’éducation ou à la vitalité de son économie ».
Ils estiment par ailleurs que La Réunion, la Nouvelle-Calédonie, Mayotte ou la Polynésie française « pourraient accueillir les étudiants internationaux qui souhaitent bénéficier de l’excellence de notre enseignement académique ». « Pour ce faire, il conviendrait de développer, les cinq prochaines années, une politique universitaire ambitieuse. La formation d’étudiants étrangers permettra alors à la France de faire rayonner sa vision du monde. Ces étudiants étrangers partagent un bassin de vie et des cultures héritées des peuples premiers de nos îles aux visages multiples. Ce sera aussi une formidable occasion de renouer avec une histoire et une identité partagées ».
Les élus appellent aussi à un « renforcement de la recherche scientifique dans ces territoires » pour « leur résilience ». « Ils sont d’exceptionnelles sources de biodiversité » et « disposent des éléments essentiels à la croissance verte promue à l’envi par la société civile ». « En se concentrant sur un développement économique respectueux de l’environnement, nos collectivités pourront protéger leur biodiversité, développer des solutions innovantes et ralentir les effets négatifs du dérèglement climatique qui les menace dangereusement à court terme », écrivent encore les élus.
« Clairvoyance » d’Emmanuel Macron
Naturellement, les élus appellent à « une volonté politique et un accompagnement financier sérieux » pour permettre à ces Outre-mer de « réussir leur transition économique et écologique ». « Elles deviendraient alors des territoires dynamiques et attractifs. Leur dépendance aux transferts financiers hexagonaux pourrait diminuer, et les acteurs locaux auraient l’occasion d’exercer une influence économique plus grande. Cette transformation attirerait des grandes entreprises, créant de l’emploi et décuplant le « soft power » français dans la région. Les domaines des énergies et plus largement de l’économie bleue formeront les moteurs de demain ».
Les élus saluent dans leur tribune la « clairvoyance du président de la République ». Tous ont d’ailleurs affiché leur soutien à ce dernier pour la Présidentielle. « Le premier quinquennat d’Emmanuel Macron a permis de poser une vision sur un espace trop longtemps oublié », estiment-ils, « il semble dès lors évident que le prochain quinquennat devra accentuer les efforts dans cette région. Au-delà du sort du 1,6 million de Français qui vivent dans ces territoires, c’est l’avenir du pays dont il est question. La portée de sa voix sur la scène internationale, la préservation d’une autonomie économique et enfin sa capacité à anticiper et à affronter les conséquences du réchauffement climatique sont en jeu ».