Dans le cadre d’une étude globale sur la coopération et l’intégration régionales des Outre-mer, la délégation sénatoriale aux Outre-mer vient d’élaborer un projet de rapport d’information obtenu par Outremers 360, dont le premier volet est consacré au bassin océan Indien. Sous la présidence de Micheline Jacques (Les Républicains), sénatrice de Saint-Barthélemy, les rapporteurs sont Christian Cambon (LR), sénateur du Val-de-Marne, Stéphane Demilly (Union centriste) sénateur de la Somme, et Georges Patient (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants), Sénateur de Guyane.
Le projet de rapport constate tout d’abord que « les Outre-mer français sont faiblement insérés dans leur environnement régional » et « étrangers à leur géographie ». Le texte souligne que les territoires ultramarins sont freinés dans leur développement économique et culturel par une conception dépassée qui les voit uniquement comme des relais de la puissance française. Il propose de renverser cette approche en mettant l'accent sur les intérêts propres de ces territoires dans leur région, ce qui renforcerait aussi l'influence de la France. De plus, la coopération est cruciale pour leur stabilité et leur sécurité, d'autant que ces territoires font face à des risques environnementaux, géostratégiques, et à la montée de réseaux criminels.
« Pourtant, le sentiment général reste celui d’une politique de coopération régionale qui peine à produire des résultats concrets et à enclencher des dynamiques propres. Un foisonnement d’initiatives, d’acteurs, de financements, de priorités ne suffit pas à faire une politique efficace. Sous de multiples vocables – coopération régionale/coopération décentralisée/action internationale ou extérieure des collectivités – de nombreux acteurs s’engagent sans toujours se coordonner ou se concerter », écrivent les rapporteurs.
L’étude relève que la coopération régionale, au lieu de favoriser l'insertion des Outre-mer dans leur région, est souvent utilisée comme un substitut. Malgré ce constat critique, il ne s'agit pas de décourager les efforts des territoires, de l'État, de l'Union européenne et des acteurs socio-économiques, car des progrès ont été réalisés. « En revanche, il invite à interroger la manière dont sont conduites ces politiques et les mécanismes bloquants à l’œuvre », précise le texte.
Le rapport met en garde contre l'idée de considérer l'intégration régionale comme une solution miracle pour les territoires ultramarins. Il propose plutôt une approche réaliste d'insertion régionale, différente de l'intégration européenne, qui ne serait pas un modèle pertinent pour les Outre-mer. L'intégration économique régionale pourrait poser des risques, notamment à cause de la concurrence de pays à faibles coûts et aux normes moins strictes. L'appartenance à l'Union européenne, bien qu'offrant des financements importants, est remise en question comme principal atout. La délégation privilégie également une étude par bassin océanique (ici le premier volet consacré au bassin océan Indien), tenant compte des spécificités de chaque territoire pour une coopération efficace.
Le rapport formule au total 20 propositions concrètes basées sur quatre axes. Le premier est de faire des territoires les chefs de file de leur insertion économique : « Affirmer le rôle de chef de file du département de Mayotte et de la région Réunion en matière de coopération et d’insertion économique, et faire du Schéma régional de développement économique, d’internationalisation et d’innovation (SRDEII) le document maître d’une stratégie économique à l’échelle du bassin ; Renforcer la connectivité maritime de Mayotte (…) ; et stimuler la mobilité régionale », en réexaminant notamment la politique des visas avec chaque pays de la région, et en diversifiant les pays de provenance des touristes.
Le second est de construire une politique européenne de voisinage ultrapériphérique (PEVu). Pour les rapporteurs, l’UE n’a pas tiré toutes les conséquences de la présence de ses territoires ultramarins dans l’océan Indien. Il faudrait donc, entre autres, « faire inscrire dans le prochain programme de travail de la Commission européenne l’adoption d’un « paquet RUP » pour lever les obstacles législatifs à leur insertion régionale et lutter contre la vie chère, notamment dans les secteurs de l’agroalimentaire, du traitement des déchets et de l’énergie ».
Le troisième axe est d’assumer une diplomatie française des Outre-mer. Pour cela, le rapport préconise notamment d’organiser régulièrement des « Assises de la diplomatie des Outre-mer », en présence du ministre de l’Europe et des affaires étrangères et du ministre des Outre-mer, conjointement aux Assises de la diplomatie parlementaire ; de créer une « Direction de la coopération régionale Outre-mer » regroupant les trois ambassadeurs délégués et renforcer significativement leurs équipes ; et de faire de la plateforme de coopération de la France de l’océan Indien (PCFOI) l’instance de co-construction de la politique de coopération régionale ».
Enfin, le quatrième axe recommande d’assoir la souveraineté française à Mayotte, la présence de la France y étant contestée et instrumentalisée. Les rapporteurs proposent donc d’ « affirmer l’objectif de pleine reconnaissance de l’appartenance de Mayotte à la France et déployer une stratégie pérenne : en associant systématiquement les responsables mahorais ; en faisant de l’insertion économique régionale de Mayotte son principal levier ; en s’appuyant sur le projet de « rideau de fer » autour de Mayotte pour éteindre le chantage migratoire en provenance des Comores, et de conforter le rôle de pourvoyeur de sécurité et de stabilité de la France dans la région », en concluant notamment avec les États de la région des accords de coopération judiciaire et policière et des accords de réadmission.
PM