Plus de 40 hectares de forêt sont partis en fumée depuis le début du mois d'août à Mayotte, dans l'océan Indien. En cause: les cultures sur brûlis, une pratique interdite qui favorise aussi l'érosion au prix d'un désastre écologique.
A proximité d'un terrain où se mêlent ylang-ylang et ananas, dans la forêt de Mayotte, une parcelle est encore noire, consumée par les flammes. "Les agriculteurs mettent volontairement le feu à leurs terrains. C'est une pratique ancestrale qui leur permet de se séparer des mauvaises herbes et de nettoyer leur parcelle", explique Soumaïla Moeva, qui organise des visites de son exploitation à Combani, dans le centre de l'île.
Problème: en période de saison sèche, la technique provoque régulièrement des feux de forêt. Chaque année, l'Office national des forêts (ONF) estime ainsi que la déforestation atteint 60 ha, soit environ 80 terrains de football à Mayotte, un archipel d'environ 37.000 ha. "Dans le sud de Grande-Terre, environ 30 hectares de réserves naturelles ont brûlé (début août) dans des zones trop difficiles d'accès pour nos engins. Nous sommes souvent obligés de grimper sur trois kilomètres, sans eau, pour disperser les flammes", confie Ambdoulatuf Abdallah, le commandant des opérations de secours dans cette partie de l'archipel.
Quelques jours plus tôt, c'est à Petite-Terre, l'autre île de l'archipel, que 10 hectares avaient été ravagés. "La quasi-totalité du temps, les brûlis sont à l'origine de ces incendies. Les agriculteurs mettent le feu à leurs terres puis s'en vont. Les flammes échappent donc totalement à leur vigilance", s'agace le sapeur-pompier.
La pratique est pourtant strictement interdite sans dérogation, selon la direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Daaf) de Mayotte.
22.000 tonnes de boue
Outre l'intérêt de "nettoyer" leurs parcelles avant de replanter des bananes ou du manioc pour la saison des pluies, nombre d'agriculteurs considèrent que le brûlis améliore les rendements de leurs terrains. "Les brûlis permettent de libérer les minéraux contenus dans le sol. Les premiers mois, cela rend le terrain très fertile", abonde Houlam Chamssidine, le président de France nature environnement (FNE) à Mayotte.
Les années qui suivent, toutefois, la terre perd la totalité de ses minéraux et devient stérile. "Les terres se transforment ensuite en +padza+: des zones déforestées où plus rien ne pousse", poursuit Houlam Chamssidine.
Une catastrophe alors que le massif forestier de Mayotte est déjà mal en point. Parsemé de plantations illégales, sa superficie a diminué de 27% entre 1990 et 2020, selon les données de l'agence des Nations unies pour l'agriculture (FAO).
Résultat: avec seulement 38% de son territoire couvert de forêt, Mayotte est aujourd'hui le moins boisé des cinq départements et régions d'outre-mer (Drom).
L'autre conséquence est que ces sols appauvris et débarrassés de leurs végétations favorisent l'érosion. "Les réseaux racinaires et les plantes retiennent la terre. Mais lorsqu'il n'y a plus rien, l'eau ruisselle et la boue s'écoule dans le lagon, ce qui entraîne l'envasement des coraux", détaille Michel Charpentier, président de l'association Les Naturalistes de Mayotte.
Selon le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), 22.000 tonnes de terre se déversent ainsi chaque année dans le lagon de l'archipel, joyau de biodiversité très menacé.
Pour tenter d'endiguer le problème, les associations environnementales sensibilisent la population. Sans résultat probant, regrette Houlam Chamssidine. "Nos actions sur le terrain sont très peu efficaces. Sur les parcelles agricoles, on trouve de nombreuses personnes en situation irrégulière. Leur objectif est de cultiver vite et de partir vite. Ils n'ont aucun intérêt à opter pour des pratiques durables, c'est un problème insoluble."
Avec AFP