À Mayotte, la Chambre de commerce et d’industrie sonne l’alarme sur la situation économique de l’île

À Mayotte, la Chambre de commerce et d’industrie sonne l’alarme sur la situation économique de l’île

Les crises à répétition depuis 2020 ont fini par avoir raison des trésoreries des entreprises mahoraises, malgré une résilience des leurs dirigeants. La Chambre de commerce et d’industrie de Mayotte lance un cri d’alerte : si les pouvoirs publics n’interviennent pas très rapidement pour relancer la machine économique, le pire pourrait advenir. Un sujet de notre partenaire Mayotte Hebdo. 

La Chambre de commerce et d’industrie de Mayotte (CCI) a organisé une conférence, mercredi, consacrée aux difficultés rencontrées par les entreprises au cours de ces trois dernières années. Que ce soit celle du Covid-19 en 2020, celle de la guerre russo-ukrainienne en 2022, celle de l’eau en 2023, ou encore celle des blocages des routes en février dernier, ces différentes crises ont eu de graves répercussions sur l’économie mahoraise qui peine à s’en relever.

Le directeur-adjoint du pôle développement économique et international de la chambre consulaire organisatrice de l’évènement, Nassay Ibrahima, a dressé un état des lieux réaliste du contexte économique de notre territoire, en se basant sur les résultats d’études barométriques réalisées par la CCI dans le courant de l’année 2023. Des études basées sur l’opinion de dirigeants d’entreprises locales.

« À l’aide d’un certain nombre d’indicateurs sélectionnés, nous sommes allés sur le terrain à la rencontre de dirigeants d’entreprises afin de savoir si lesdits indicateurs étaient à la hausse ou à la baisse. S’agissant de ceux liés à la situation économique de ces entreprises, il ressort qu’en 2023, les choses ont plutôt été très compliquées », développe-t-il.

Pour mieux contextualiser les résultats de ces études, le cadre de la CCI est revenu un peu en arrière, en 2020, avec la crise sanitaire du Covid-19 : « Il y a eu une politique de relance qui a été actionnée par la puissance publique afin de redresser l’économie. Fin 2021, début 2022, différentes institutions financières telles que le Fonds monétaire international (FMI), avaient enregistré un rebond de l’activité économique ».

Mais selon lui, ce rebond n’aurait été que de très courte durée, balayé par les conséquences négatives de la guerre d’agression menée contre l’Ukraine par son voisin russe. Ses répercussions ont été ressenties à travers le monde, y compris sur l’île aux parfums. « À Mayotte, les effets de cette crise se sont caractérisés par une inflation. Il y a eu une surenchère au niveau des prix de l’énergie qui a impacté le tissu des entreprises. Il faut savoir que sur ce territoire, il y a une crise très récurrente qu’on a du mal à endiguer, à savoir l’insécurité qui frappe l’île ».

D’autres institutions plus optimistes

Bien que la CCI n’ait pas jugé bon de présenter, de façon spécifique, les indicateurs liés à ce problème pendant la conférence (faute de temps imparti), en aparté, Nassay Ibrahima a confié à notre journal que cette crise sécuritaire a un impact réel sur l’économie mahoraise. « D’après les dirigeants d’entreprises que nous avons interrogés, l’opération Wuambushu, les actes criminels de saccages ainsi que les incendies volontaires qui l’ont accompagné ont réduit en cendres les investissements d’un grand nombre d’entreprises. Cette crise sécuritaire est venue s’additionner à la crise de l’eau en 2023 et la conjonction de tous ces phénomènes fait que cette année-là fut durement ressentie par les chefs d’entreprises locales ».

Une baisse très significative du chiffre d’affaires a eu des effets sur la trésorerie des entreprises, lesquelles ont eu besoin de financements. Mais il y a un autre indicateur que la CCI a pris en compte : le moral des entrepreneurs locaux concernant l’appréciation sur l’avenir économique de l’île et des entreprises. « Quand bien même ils ont enregistré une baisse d’activité qui a manifestement impacté leurs trésoreries, les dirigeants d’entreprises restent optimistes. Se pose tout de même la question de savoir jusqu’à quand ils vont continuer d’y croire en l’absence de politique qui intervient pour relancer l’économie sur le territoire. »

Un constat que d’autres institutions de la place, tel que l’IEDOM, trouvent beaucoup trop pessimistes par rapport à la réalité. Mais la CCI défend sa position, qu’elle déclare factuelle sur la base des résultats obtenus au cours des trimestres d’études en 2023. Celle-ci clame que les pouvoirs publics doivent très rapidement intervenir pour sauver les entreprises mahoraises trop fragilisées et qui ont une très mauvaise opinion sur les aides qui ont été actionnées pour conjuguer la situation de crise.

Des aides complexes à obtenir

Au cours de cette conférence, il est ressorti de témoignages que, par exemple, l’aide hydrique (crise de l’eau) a été très sélective en raison d’un ciblage des secteurs ayant directement besoin d’eau pour travailler. Or cette crise, devenue systémique, s’est généralisée à l’ensemble des secteurs par la suite. Parmi les intervenants, des représentants des services de l’État ont reconnu qu’un dossier de demande d’aide sur trois a effectivement été rejeté pour diverses raisons de procédures. Il est donc avéré que ces aides publiques sont très peu accessibles aux entreprises locales mahoraises.

« Cerise sur le gâteau », confie un jeune entrepreneur ayant été invité à témoigner au cours de cette conférence, « c’est lorsqu’on nous a annoncé la mise en place de l’aide consécutive à la crise sociale de début 2024. Cette aide plafonnée à 4 000 euros qui ne tient pas compte de la perte réelle d’activité des entreprises ». La perspective de ce dispositif n’aurait permis au final que d’entretenir l’espoir des chefs d’entreprises mahorais, dont une grande partie est contrainte d’aller chercher des ressources financières ailleurs, tout en sachant que ces sociétés sont déjà surendettées.

Beaucoup a été dit au cours des deux tables rondes qui ont ponctué cette conférence organisée par la CCI. Il est à retenir, à propos de ces aides évoquées, que les services de l’État ont indiqué « que l’UE interdit les aides financières directes aux entreprises pour ne pas fausser les règles de la libre concurrence » et que « les aides financières ne doivent intervenir qu’à la fin d’un processus et d’obligations à remplir par l’entreprise demanderesse ».

SIAK pour Mayotte Hebdo