Dans un contexte où la transition énergétique est une priorité pour les territoires ultramarins, un projet ambitieux voit le jour à La Réunion. En effet, TotalEnergies et la famille Saint-Lambert, productrice historique de La Réunion en matière de vanille, s’associent pour un partenariat pionnier en matière d’agrivoltaïsme, pratique consistant à associer sur un même site une production agricole et une production d’électricité par des panneaux solaires photovoltaïques. Ce projet associe directement la culture de la vanille aux énergies renouvelables et marque une étape importante dans la recherche d’un équilibre entre production agricole et développement de ce secteur. Gaël Vallée, directeur Développement Outre-Mer chez TotalEnergies, revient sur ce chantier d’envergure, qui a débuté il y a quelques semaines et qui doit entrer en service d’ici fin 2025.
La transition énergétique dans les Outre-mer est un sujet dont on parle beaucoup depuis quelques années, mais les projets qui favorisent l’exploitation de cette nouvelle filière restent encore trop peu nombreux. À La Réunion, où l’on affiche des ambitions fortes en matière de transition énergétique, TotalEnergies s’affirme comme un acteur à ne pas négliger. Une notion qui prend de plus en plus forme avec la naissance de partenariats d’un tout nouveau genre, accentués notamment sur l’agrivoltaïsme. Pour Gaël Vallée, directeur Développement Outre-Mer chez TotalEnergies, cette approche est une véritable opportunité d’adaptation au territoire : "Nous devons composer avec un espace restreint et protégé. L’agrivoltaïsme nous permet d’allier production agricole et énergétique sans empiéter sur les terres naturelles ou urbaines." Le territoire réunionnais présente des particularités qui rendent ce modèle encore plus pertinent. "À La Réunion, nous avons une forte pression foncière. L’espace agricole est limité et la nécessité d’accroître la production énergétique est réelle. Ce modèle nous permet de répondre à ces défis en optimisant les terres disponibles", informe Gaël Vallée.
L’un des atouts majeurs de ce modèle est la synergie entre les cultures locales et la technologie photovoltaïque. "Nous travaillons en étroite collaboration avec les agriculteurs pour identifier les cultures les plus adaptées", poursuit Gaël Vallée. "Dans ce cas précis, la vanille est idéale, car elle pousse naturellement à l’ombre et bénéficie d’un microclimat stable sous les ombrières photovoltaïques. Cela améliore son rendement tout en permettant une production d’électricité renouvelable. La Réunion bénéficie d’un ensoleillement important, mais aussi de conditions météorologiques parfois extrêmes. L’agrivoltaïsme offre cet avantage, car les structures sont conçues pour protéger à la fois les cultures et les panneaux solaires."
Le projet, qui a été réfléchi depuis plusieurs années par la famille productrice, a trouvé un appui favorable auprès de TotalEnergies. "L’objectif à terme est de réduire la dépendance de La Réunion aux énergies fossiles. Ce type de projet nous permet d’accélérer la transition et de proposer une alternative durable aux sources d’énergie traditionnelles", insiste le directeur Développement Outre-Mer chez TotalEnergies.
Un projet pionnier pour la culture de la vanille
Le choix de la vanille comme culture de référence pour ce projet ne doit rien au hasard. Cette plante, traditionnellement cultivée en agroforesterie sous des arbres, s’adapte parfaitement au dispositif des ombrières photovoltaïques. La famille Saint-Lambert, exploitante depuis plus de dix ans, a déjà expérimenté ce type de culture. Le partenariat s’est fait tout naturellement. « Nous avons ici une opportunité unique d’intégrer une production agricole haut de gamme avec un modèle énergétique durable. La vanille réunionnaise est un produit d’excellence, très recherché sur les marchés internationaux. Grâce à ce projet, nous contribuons à structurer une filière agricole locale tout en participant activement à la transition énergétique. »
Le projet concerné est situé à Saint-Pierre et concerne une surface de trois hectares installés sur d’anciennes friches agricoles. Il vise à augmenter de 50 % la production de la famille Saint-Lambert, qui exploite déjà six hectares de vanille. « Avec la mise en place d’un système d’irrigation contrôlé et la récupération des eaux de pluie, nous garantissons une meilleure efficacité hydrique » garantit Gaël Vallée. « L’objectif est d’assurer une culture durable, moins vulnérable aux aléas climatiques et avec un impact environnemental réduit. »
Sur le plan économique, cette initiative permettrait à la famille Saint-Lambert d’accroître sa production sans empiéter sur d’autres espaces agricoles. « Nous avons ici un double bénéfice : nous développons une production agricole d’excellence tout en renforçant l’autonomie énergétique du territoire », précise Gaël Vallée. Le projet, à pleine puissance, pourraient impacter 3 500 habitants en termes d’énergie. L’investissement s’élève à six millions d’euros du côté de TotalEnergies.
Se déployer ailleurs
Pour la compagnie multi-énergies, ce premier projet n’est qu’une étape. La famille Saint-Lambert et TotalEnergies prévoient d’ores et déjà plusieurs autres sites de ce type à La Réunion. De plus, l’entreprise partenaire cherche à dupliquer cette approche aux Antilles, notamment en Guadeloupe autour de la filière du café. « L’agrivoltaïsme est une piste sérieuse pour les territoires ultramarins où le foncier est contraint et où certaines cultures bénéficient naturellement de l’ombrage. », indique Gaël Vallée. « Nous avons déjà identifié plusieurs partenaires aux Antilles et nous menons une réflexion plus large en Guyane et en Nouvelle-Calédonie. »
En Guadeloupe, le projet s’oriente vers le développement de la culture du café. "C’est une solution gagnant-gagnant, où l’on optimise les surfaces disponibles tout en soutenant les filières agricoles locales." En Martinique, TotalEnergies étudie également la possibilité d’associer l’agrivoltaïsme à la culture de plantes médicinales et aromatiques. "Nous avons des discussions avancées avec des acteurs de la filière pour identifier les meilleures cultures qui pourraient bénéficier de ce dispositif. Le but est de proposer un modèle adapté aux spécificités de chaque territoire."
En Guyane, le défi est d’adapter l’agrivoltaïsme à une région où l’agriculture est encore en structuration. "Nous avons signé une convention avec la Chambre d’Agriculture pour mener une étude approfondie sur les cultures les plus adaptées à ce modèle. La Guyane présente un fort potentiel, mais nous devons trouver les bons partenaires et assurer que les projets soient économiquement viables sur le long terme. Nous voulons démontrer que ce modèle n’est pas uniquement viable à La Réunion, mais qu’il peut s’adapter à diverses réalités agricoles ultramarines", indique Gaël Vallée.
De nombreux défis
Si ce projet peut être une solution à de nombreuses problématiques, il reste confronté à plusieurs défis. Le premier est de s’assurer que l’initiative reste avant tout agricole. « Il ne s’agit pas d’un prétexte pour installer des panneaux solaires sur des terres agricoles sans véritable projet agronomique derrière. Tout commence par un projet agricole solide, porté par un exploitant compétent. Sans cela, l’agrivoltaïsme n’a pas de sens », précise Gaël Vallée.
En attendant, la solution a trouvé une voie sûre à La Réunion, où le chantier, qui a débuté il y a quelques semaines, va s’étaler sur huit mois. Les travaux d’infrastructure et l’installation des panneaux solaires devraient être finalisés d’ici octobre 2025, pour une mise en service effective en novembre. Parallèlement, la mise en culture des plants de vanille débutera en fin d’année, avec une production qui atteindra son plein rendement d’ici 2030. Une première pierre donc, qui pourrait en initier beaucoup d’autres.
Abby Said Adinani