À Addis-Abeba, les startups de Mayotte franchissent un cap au cœur de l’innovation internationale

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À Addis-Abeba, les startups de Mayotte franchissent un cap au cœur de l’innovation internationale

C’est une deuxième participation réussie pour Mayotte in Tech, qui a présenté cette année quatre startups à l’Africa Startup Ecosystem Builders (ASEB), l’un des rendez-vous panafricains majeurs consacrés à l’innovation et à l’entrepreneuriat. À Addis-Abeba, la délégation mahoraise a réaffirmé sa capacité à se connecter et à contribuer pleinement à l’écosystème africain. Du 15 au 17 novembre, les entrepreneurs, emmenés par Zamimou Ahamadi, vice-présidente du Conseil départemental, et Haouthani Massoundi, directrice de Mayotte in Tech, ont enchaîné rencontres, échanges et prises de parole dans un environnement où ils entendent désormais évoluer durablement.

À Addis-Abeba, la délégation mahoraise n’est pas passée inaperçue. En participant aux tables rondes “Bridging the gap between Academia and the Ecosystem” et “What do startups need most?” dès le premier jour, le ton était donné. Les entrepreneurs de Mayotte sont venus avec des objectifs et des ambitions très claires. « En une seule journée, j’ai rencontré deux distributeurs éthiopiens. Je suis entrée en contact avec des acteurs de Namibie, d’Afrique du Sud et du Kenya », confie le Dr Youmna Mohamad, fondatrice de Nyfasi et inventrice du premier peigne applicateur mahorais breveté à l’international. Même constat pour Azenar Massoundi, kinésithérapeute et fondateur d’AYL3D Mouv Analys, spécialisé dans la conception de poches de froid anatomiques imprimées en 3D pour le soin et la récupération sportive. « J’ai découvert ici une bienveillance rare. Les gens venaient naturellement vers moi, identifiaient la problématique et partageaient des pistes ou des solutions. Je débute à peine, mais Addis-Abeba m’a offert un réseau que je n’aurais jamais imaginé. » Pour l’entrepreneure Jane Jaquin, venue présenter son projet de revalorisation contemporaine du khanga swahili, l’impact est autant personnel que professionnel. « Je pensais être seule. En réalité, il existe une communauté, un écosystème, un réseau. Et ce déplacement l’a rendu tangible. C’est la première fois que je pitchais en dehors du monde swahili. Cela a été une vraie sortie de zone de confort, et une révélation. »

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Au cœur de cette dynamique, la directrice de Mayotte in Tech, Haouthani Massoundi, mesure l’évolution fulgurante de son territoire. « Lorsque nous sommes venus pour la première fois au Ghana l’an dernier, c’était une découverte. Nous avons réalisé que nos startups étaient isolées. L’ASEB a été un déclic. Cette année, la délégation a grandi, la vision s’est clarifiée et les connexions se multiplient. » 

L’objectif est désormais que les politiques accompagnent cette ambition. Raison pour laquelle la vice-présidente du Conseil départemental en charge du numérique, Zamimou Ahamadi, était également du voyage. « On parle de connecter Mayotte à l’Afrique, mais quand on le vit, c’est autre chose. On espère qu’avec ce premier pas vers le continent africain, la vice-présidente pourra défendre nos startups et appuyer les structures dont elles ont besoin. Nous, Mayotte in Tech, nous initions certaines actions, mais au-delà, ce sont d’autres structures qui doivent prendre la relève. Je rappelle qu’aujourd’hui, nous n’avons ni incubateur ni programme d’accompagnement. »

Trouver sa place dans l’écosystème international

Si sur le territoire les infrastructures manquent encore, cela n’empêche pas Haouthani Massoundi de voir grand. « Oui, nous devons toujours commencer par situer Mayotte. Nous expliquons que nous sommes un territoire français, européen, mais aussi africain. Cette triple identité intrigue, surprend, mais elle devient rapidement une force. Les interlocuteurs réalisent que nous sommes un pont naturel entre l’Europe et l’Afrique. » Ce pont, les entrepreneurs l’ont ressenti physiquement. « En Europe, je dois expliquer le problème des cheveux texturés », se souvient le Dr Youmna Mohamad. « Ici, tout le monde comprend immédiatement. Tout le monde voit l’opportunité. C’est un soulagement et un levier énorme. » 

Pour Azenar Massoundi, l’universalité de la douleur sportive et de la rééducation a facilité les connexions. Son dispositif séduit. Il est d’ailleurs finaliste 2025 du concours Innovation Outre-mer. « Le sport est universel. Les blessures aussi. Mon produit peut servir ici comme ailleurs. Ce que les gens ont compris très vite. J’ai senti que mon projet avait sa place au sein du continent. » Pour Jane Jaquin, les opportunités sont encore plus tangibles. « Addis-Abeba est un centre majeur de production du coton. Or le coton est la base même du khanga. La symbolique est forte. Je suis venue chercher un réseau, j’ai trouvé des perspectives stratégiques. » 

Néanmoins, des difficultés logistiques et commerciales persistent. Le Dr Youmna Mohamad en a fait l’expérience dès son retour sur le territoire. « Depuis que je suis revenue à Mayotte, même envoyer un paquet dans l’Hexagone est devenu compliqué. » Sans compter l’écosystème mahorais qui porte ses propres fragilités. « Nos startups grandissent dans un environnement où elles sont souvent livrées à elles-mêmes.  L’enjeu n’est plus seulement de connecter Mayotte au continent, mais aussi de construire, sur le territoire, les fondations nécessaires à la croissance d’entreprises ambitieuses », rappelle la directrice de Mayotte in Tech.

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Ambitions, projets et perspectives

Pour Mayotte in Tech, cette deuxième participation à l’ASEB marque un tournant. L’Africa Startup Ecosystem Builders est désormais un allié durable. « Nous sommes une petite structure donc on ne va pas s’avancer sur plusieurs événements. Nous, notre position, c’est continuer avec l’ASEB pour garantir un environnement fiable à nos startups », confirme Haouthani Massoundi. L’ASEB devient ainsi une porte d’entrée stable vers l’international, un lieu où Mayotte in Tech peut développer son réseau et inscrire le territoire dans une dynamique régionale cohérente. 

Pour la directrice de Mayotte in Tech, se connecter aux marchés africains n’est pas seulement une opportunité commerciale, c’est une manière de dépasser la taille réduite du marché local, de créer de nouvelles perspectives pour les jeunes et d’ouvrir le territoire sur des espaces où ses startups peuvent réellement se développer. « L’accès aux marchés du continent est non seulement possible, mais essentiel pour surmonter l’étroitesse du marché local. »

En attendant, dans les semaines à venir, l’agenda de Mayotte in Tech sera très dense. Dans quelques jours, l’association accompagnera les quatre finalistes mahoraises du concours Innovation Outre-Mer avant leur départ pour les Outre-Mer French Tech Days organisés en Guadeloupe et en Guyane, début décembre. Pendant ce temps, le projet SAETECH (Structuration et Animation de l'Écosystème Tech), qui vise la digitalisation et la montée en compétences des TPE et PME, se poursuit. La Web Cup, dont la finale aura lieu à Maputo, elle, mobilise déjà les acteurs de l’océan Indien. D’autres rendez-vous, comme le Startup Weekend, viendront compléter cette dynamique au début de l’année 2026.