L’Institut Francophone pour la Justice et la Démocratie (IFJD) et l’Institut Louis Joinet (ILJ) viennent de publier un rapport préliminaire demandant la création d’une Commission Vérité sur les « homes » (pensionnats) indiens de Guyane. Au nombre de huit, ces derniers étaient dirigés par l'Église catholique, soutenue par l’Etat français, et avaient pour but de scolariser les enfants des communautés autochtones. De nombreux abus y furent commis.
Cela semble incroyable mais le dernier home n’a fermé qu’en… 2023 ! Leur activité la plus importante s’étend à partir des années trente jusqu’aux années 80. Le passé des homes indiens a été introduit dans le débat public grâce à un ancien pensionnaire de la communauté kali’na devenu juriste, Alexis Tiouka, et au livre d’Hélène Ferrarini, Allons enfants de la Guyane (éditions Anacharsis, 2022). De là, la parole de certains pensionnaires s’est libérée.
C’est dans ce cadre qu’a été créé à Cayenne en février 2023 le Collectif pour la mémoire des homes indiens, qui rassemble d’anciens élèves et des militants. Son objectif principal est « la mise en place d’une Commission Vérité et Réconciliation pour aller vers une résilience individuelle et collective ». De son côté l’IFJD-ILJ a réalisé une enquête exploratoire, conclue par un rapport publié le 1er février 2024 et demandant également l’instauration d’une Commission Vérité. L’IFJD-ILJ veulent s’appuyer notamment sur leur expertise de ce qu’ils appellent la « justice transitionnelle », définie par les Nations unies comme « l’éventail complet des divers processus et mécanismes mis en œuvre par une société pour tenter de faire face à des exactions massives commises dans le passé, en vue d’établir les responsabilités, de rendre la justice et de permettre la réconciliation ».
Le document établit que les pensionnats formaient tout à la fois un instrument et un imaginaire de l’Etat colonial. « Les résultats de l’enquête préliminaire exposés dans le présent Rapport démontrent la nécessité : d’établir une vérité complète et partagée concernant les violences culturelles, physiques et sexuelles commises à l’endroit des pensionnaires au sein des homes indiens ; et de permettre à celles et ceux qui le souhaitent, dont notamment, mais pas seulement, les anciens pensionnaires, de témoigner sur leur vécu et d’exprimer leurs opinions à l’égard des homes indiens et de leur impact sur leur vie personnelle, familiale et communautaire », recommandent l’IFJD-ILJ.
Si le rapport est formel quant à l’existence de violences au sein des pensionnats, il lui semble indispensable que les témoignages doivent être complétés, car ils révèlent un ressenti contrasté parmi les pensionnaires. « La nature et le nombre des violences doivent donc faire l’objet d’une investigation approfondie, y compris concernant d’éventuelles violences sexuelles. Les caractéristiques des homes indiens en font en effet des institutions à risques de violences commises contre les enfants, en tant que pensionnats autochtones, inscrits dans une histoire coloniale, d’une part, et internats scolaires catholiques, d’autre part. »
Outre l’établissement nécessaire de la vérité, l’IFJD-ILJ envisage le cas échéant des mesures de réparation adaptées, dans la perspective de la restauration des droits des communautés concernées. Par ailleurs, elle préconise de « rechercher des solutions collectives permettant des conditions de scolarisation décentes et respectueuses des droits des enfants et des familles pour tous les enfants de Guyane, dont notamment les enfants issus des communautés affectées par les homes, afin de refonder les bases d’un vivre-ensemble satisfaisant pour toutes et tous ».
Concernant la formation de la Commission Vérité, le rapport recommande une composition inclusive sur les plans culturel et du genre. « La Commission inclura notamment des représentants des anciens pensionnaires, des représentants des institutions impliquées dans la création, la gestion, l’encadrement et le financement des homes indiens (préfecture, évêché, rectorat), des instances représentatives des communautés amérindiennes et bushinengué et des représentants de la société civile (associations et ONG, syndicats, partis politiques). La composition de la Commission devra également respecter la parité entre les femmes et les hommes ».
Lire le rapport ► Pour une Commission Vérité sur les homes indiens de Guyane
PM