TRIBUNE. « Les Outre-mer ont tous les atouts pour se connecter au monde» par Danielle Dubrac et Pierre Marie-Joseph

©  DR/ Serge Marizy

TRIBUNE. « Les Outre-mer ont tous les atouts pour se connecter au monde» par Danielle Dubrac et Pierre Marie-Joseph

Dans un contexte d'échanges mondialisés, d'économie numérique incontournable et des nombreux enjeux de décarbonation, les onze territoires, à majorité insulaires, sont très dépendants de l'Hexagone. Face à ces enjeux variés et spécifiques à chacun des territoires, Le CESE a entrepris un long travail de réflexion sur une meilleure connexion des Outre-mer. Pierre Marie-Joseph, président du groupe des Outre-mer, représentant de la Martinique, et Mme Danielle Dubrac du groupe des entreprises, présidente de la Chambre de commerce et d’industrie de Seine-Saint-Denis, présenteront l’avis du CESE « Mieux connecter les Outre-mer », ce mardi  22 octobre au Palais d’Iéna. Après plusieurs mois de consultations et d'auditions, les rapporteurs détaillent dans cette tribune ci-dessous, les différents « atouts» pour favoriser une meilleure intégration régionale, nationale ou mondiale. des territoires ultramarins. 

 

La délégation aux Outre-mer du CESE a rencontré une cinquantaine d’acteurs des secteurs de l’aérien, du maritime et du numérique, avec une ambition : Mieux connecter les Outre-mer.

Le constat est que nos territoires disposent de très nombreux atouts. Nous avons des infrastructures de grande qualité au regard des standards internationaux : des aéroports modernes et bien équipés, à l’image de la nouvelle aérogare bioclimatique de La Réunion Roland-Garros ; des grands ports maritimes aptes à rivaliser avec les plus grands de la région, tel le grand « Hub des Antilles » ; des connexions aux autoroutes du numérique avec bientôt un câble sous-marin qui reliera l’Amérique du Sud et l’Asie Pacifique via la Polynésie française. Une décision doit être prise rapidement pour doter l’aéroport de Mayotte d’une piste longue permettant ainsi le développement de l’île. Des crédits européens et issus des Contrats de convergence et de transformation sont disponibles et soutiennent déjà de nombreux projets d’investissement.

La première priorité est d’utiliser les potentiels de connexion comme levier de développement économique et social des territoires. Ces équipements peuvent devenir des atouts décisifs pour favoriser les échanges à condition d’adopter de véritables stratégies de « hub » qui permettent de renforcer leur place dans les réseaux internationaux. De nombreuses études montrent que la connectivité est un facteur clé de croissance économique durable. Nous appelons à la création de zones franches portuaires afin de constituer des plateformes de transbordement, de logistique et de stockage à l’échelle régionale, pourvoyeuses d’emplois et de retombées économiques.

Grâce au développement de lignes maritimes et aériennes régionales, nous pourrons intégrer davantage d’échanges commerciaux avec les pays environnants, alors que les importations de biens en Outre-mer proviennent pour l’essentiel de la France hexagonale. Des stratégies commerciales doivent être définies, territoire par territoire, et partagées au niveau des bassins (Atlantique, Océan Indien et Pacifique), avec le soutien de financements publics, pour être suivies à moyen terme et produire leurs effets. A l’instar de l’intégration récente de la Martinique dans la Communauté des Caraïbes (CARICOM), il faut que les collectivités territoriales puissent devenir membres associés des organisations internationales régionales afin d’être présentes dans les négociations commerciales et accéder aux marchés régionaux.

La deuxième priorité est de permettre aux habitants, aux usagers et aux acteurs économiques de bénéficier d’une continuité de services à des tarifs abordables. Une grande partie de la population n’a pas accès aux connexions principalement à cause de leur coût excessif. Et ces coûts de transport se répercutent sur les prix des produits dans tous les domaines de la vie. Pour les faire baisser, il faut maintenir une dynamique concurrentielle avec au moins deux à trois opérateurs sur chaque desserte aérienne, ouvrir de nouvelles connexions, et que l’Etat s’engage à financer une aide à la continuité territoriale plus ambitieuse, à l’instar de ce qui existe pour la Corse.

Le CESE se prononce ainsi résolument en faveur d’une extension du champ couvert par la continuité territoriale et une ouverture à un public plus large. Il faut définir juridiquement un véritable « droit à la continuité territoriale » pour les Outre-mer et poser un cadre législatif adapté. Des aides de l’Etat plus importantes pour le fret maritime et une péréquation tarifaire sur la base d’engagements des compagnies permettraient de faire baisser le coût de transport des marchandises. Nous sommes aussi favorables au principe d’une coopération entre compagnies aériennes sur les dessertes des Outre-mer pour favoriser les mutualisations et regroupements de moyens, qui existent déjà en partie entre compagnies régionales, afin que celles-ci soient plus efficientes sans que cela ne porte atteinte à la libre concurrence.

Le numérique represente un atout pour nos territoires à condition là aussi d’être accompagné. Les petites entreprises sont encore peu digitalisées en Outre-mer et les inégalités sociales risquent d’entrainer de véritables « fractures numériques ». Il peut aussi être utilisé pour faciliter l’accès aux services publics à distance : éducation, formation et santé notamment. Des formations aux outils numériques doivent être largement proposées par France travail et dans les centres de formation professionnelle. Il faut soutenir le réseau des « Communautés French Tech » Outre-mer. Il s’agit de donner de la visibilité à ce secteur porteur d’avenir, d’attirer des jeunes talents formés à l’esprit d’innovation, et leur permettre de se développer sur place. Nous avons de remarquables exemples de réussite de start up à La Réunion et en Martinique.

Enfin, la décarbonation est un défi essentiel à relever pour les connectivités. La neutralité carbone du transport maritime est un objectif à atteindre en 2050. Il faut que les compagnies et les ports s’y préparent dès à présent. Ils doivent moderniser leurs installations électriques pour fournir une énergie verte aux navires amarrés à quai, en s’approvisionnant en énergie photovoltaïque ou éolienne. Cette transition représente un important gisement d’emplois locaux. Le développement de la filière vélique française est aussi une belle opportunité : la fusée Ariane 6 a récemment traversé l’Atlantique sur le « Canopée », un navire roulier doté de quatre ailes verticales pour la propulsion éolienne. Un modèle à suivre pour le transport maritime de demain.

Nous avons tout particulièrement associé les CESER des différents territoires à nos travaux car les connexions doivent être abordées à la fois de manière globale, pour les Outre-mer dans leur ensemble, et à l’échelle de chaque territoire.

C’est comme cela qu’une meilleure connexion de l’« Archipel France » se fera au bénéfice de la France dans son ensemble.