TRIBUNE. Le service public fait partie du patrimoine de nos concitoyens d’Outre-mer, par Stéphanie Atger

TRIBUNE. Le service public fait partie du patrimoine de nos concitoyens d’Outre-mer, par Stéphanie Atger

Maison des Services au public à La Réunion

Dans une tribune, la députée polynésienne de l’Essonne et membre de la délégation aux Outre-mer, Stéphanie Atger, défend une meilleure accessibilité des services publics en Outre-mer. Pour se faire, elle appelle notamment à augmenter le nombre de Maisons de services aux publics et estime que le projet de loi 4D « peut-être une rame de lancement » pour leur renforcement en Outre-mer. 

Ces dernières années, plusieurs travaux ont pointé l’inégal accès aux services publics et aux droits que subissent nos concitoyens nés ou résidant Outre-mer. Le projet de loi « 4D » (pour déconcentration, décentralisation, différenciation et dé-complexification) peut-être la rame de lancement pour un renforcement des initiatives et stratégies locales encore trop peu connues du législateur, pour pallier ces inégalités.

En tant que parlementaires, la période que nous connaissons nous appelle à l’humilité quand nous abordons des notions qui ont un poids aussi fort et symbolique que celle de “Service Public” dans les représentations de nos concitoyens. Pour pouvoir penser l’objet, il est nécessaire de s’arrêter sur la sémantique. Les services publics, mes premiers interlocuteurs au cours de mes mandats d’élue locale puis de députée, m’évoquent le lien indéfectible sur lequel la relation entre la République et ses administrés est assise. Ils sont la courroie de transmission entre la volonté politique et sa concrétisation au plus proche de nos concitoyens. Le service public, c’est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas.

Selon Jacques Chevallier, éminent professeur de droit public, il faut « dépasser la querelle sémantique autour du terme service public. Ce vocable est sans doute surchargé d’un ensemble de significations (institutionnelle, juridique, idéologique) qui lui donnent une coloration très spécifique. Il évoque cependant une réalité plus banale et plus simple, à savoir l’existence dans toute société́ d’un ensemble d’activités considérées comme étant d’intérêt commun et devant être à ce titre prises en charge par la collectivité ».

Toutefois, dans nos départements et régions d’Outre-mer, nos citoyens sont entravés dans l’accès à certains services publics parfois primaires, en raison des particularités liées à leur insularité ou à leur démographie. Par exemple, une étude du défenseur des droits a montré les conséquences de la dématérialisation des services publics, entravant leurs accès à une population âgée, précaire et en proie à un illettrisme et à un illectronisme très prégnants, notamment en Martinique et en Guadeloupe. Le Conseil Économique, social et environnemental, dans son rapport accès aux services publics Outre-mer, rappelle le rôle indispensable, concrète et différenciée que jouent les Maisons de services aux Publics pour les personnes les plus fragiles dans ces territoires : elles les accompagnent dans leurs démarches sociales, de santé ou encore de logement, souvent numériques, en s’adaptant aux spécificités linguistiques dans des territoires où le multilinguisme, qui va de pair avec la richesse culturelle, est intrinsèque. Cette aide est particulièrement importante pour nos concitoyens « en retrait des services publics et en marge de l’accès aux droits car ils n’arrivent pas à se déplacer, à demander de l’aide ou ne connaissent pas les administrations », ainsi que pour les personnes âgées « qui ont des difficultés de lecture ou d’écriture et perdent des droits parce que ceux-ci ne sont pas mis à jour ou réclamés ».

Ces situations doivent être abordées de façon différenciée.

Toutefois, le nombre de maisons de services aux publics reste infiniment plus faible en Outre-mer que dans l’Hexagone, toute proportion gardée. Ainsi, il est primordial d’augmenter leur nombre en prenant en compte les caractéristiques particulières des territoires ultramarins, largement décrits dans les travaux susmentionnés. Cette nécessité répondrait au changement de paradigme attendu entre une logique de crise et l’entrée dans une logique d’accompagnement. Le projet de loi 4D doit en être la première pierre.

Stéphanie Atger

NDLR : Le projet de loi « 4D » (anciennement « 3D »), devrait être présenté en conseil des ministres fin janvier ou début février 2021, par la ministre de la Cohésion des Territoires Jacqueline Gourault. Avant cette étape, une présentation de ses grandes lignes aux associations d’élus est prévue « dans les prochains jours » précise Le Monde. L’examen parlementaire du projet de loi devrait intervenir au premier semestre prochain.