Lors du colloque ARUM organisé au CESE, le CESER de La Réunion a plaidé pour une refonte des relations entre l’État et ses territoires ultramarins qui « ne doit pas se limiter aux seules questions statutaires », estime le CESER, par la voix de son président Dominique Vienne. « Comme nous l'avons porté dans une contribution au CIOM en 2023, nous appelons à un pacte territorial, pensé comme un cadre institutionnel renouvelé, visant à structurer une coopération entre l’État, les collectivités, et les forces vives locales ».
Ce pacte, axé sur la transparence, la co-construction et l’évaluation, a pour objectif de responsabiliser l’ensemble des parties prenantes et d’ouvrir la voie à une gouvernance modernisée et partagée.
Un socle juridique à renforcer
Pour rendre ce pacte opérationnel, nous nous appuyons sur des dispositifs juridiques existants qui mériteraient d’être réactivés et enrichis.
- L’article 42 de la loi du 2 mars 1982 permettait autrefois d’instituer la redevabilité entre l’État et les collectivités grâce à un rapport annuel du préfet de région. Ce rapport détaillait les actions menées par l’État dans le cadre de la déconcentration. Nous proposons de réintroduire ce rapport comme un outil central, permettant de suivre les engagements de l’État, d’évaluer leur impact et de garantir une coordination efficace avec les collectivités locales.
- L’article L4221-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) permet déjà aux collectivités régionales de transmettre leurs attentes en matière de différenciation territoriale au Premier ministre. Il nous semble qu'il n'est aujourd'hui pas utilisé comme levier de cette volonté de mieux responsabiliser les territoires. Ce texte prévoit également que le Premier ministre réponde chaque année à ces attentes dans un rapport formel. En activant pleinement ce dispositif, nous pourrions ainsi instaurer un dialogue exigeant et constructif entre l’État central et les collectivités, pour mieux adapter les politiques publiques aux spécificités locales.
Enfin, nous proposons que la collectivité régionale produise également un rapport annuel sur son action publique, dans le cadre de la décentralisation. Ces deux rapports – celui de l’État et celui de la collectivité régionale – pourraient être soumis aux conseils consultatifs et présentés chaque année dans le cadre de la CTAP (Conférence Territoriale de l’Action Publique). Ainsi, la CTAP deviendrait un véritable levier pour structurer une gouvernance partagée, où déconcentration et décentralisation se complètent et se renforcent mutuellement.
Une gouvernance en quête de structure et d’outils
Les Outre-mer souffrent aujourd’hui d’un manque de cadres institutionnels efficaces pour structurer la coopération entre l’État, les collectivités, et les acteurs locaux. Les espaces de dialogue, pourtant essentiels, restent sous-outillés, ce qui limite leur capacité à produire des résultats tangibles.
Nous affirmons qu’il est urgent de renforcer ces espaces en leur donnant des outils modernes, des méthodologies adaptées et une légitimité accrue. Cela passe également par l’intégration systématique de mécanismes d’évaluation des politiques publiques, qui permettent principalement de mesurer l’impact des décisions prises et de mieux répondre aux attentes des citoyens.
Faire de l’évaluation un levier de transformation
En effet, nous insistons sur le rôle central de l’évaluation dans ce pacte territorial. Évaluer les politiques publiques ne doit plus être perçu comme un jugement, mais comme un outil stratégique d’amélioration continue. Il faut sortir de l’idée préconçue qu’évaluer, c’est juger.
En mesurant l’impact des décisions publiques, l’évaluation permettrait de :
- Rendre compte des actions menées,
- Corriger les éventuelles insuffisances,
- Et assurer une meilleure adéquation entre les décisions prises et les besoins réels des habitants.
L’évaluation deviendrait ainsi un pilier central de la gouvernance territoriale, transformant les relations entre l’État et les collectivités en une dynamique de collaboration et de performance partagée.
Une méthode applicable à toute la République
Au-delà des Outre-mer, ce pacte territorial propose une méthode renouvelée pour l’ensemble des territoires de la République. Nous imaginons une République du lien, où les territoires -qu’ils soient ultramarins ou hexagonaux- ne sont plus de simples échelons administratifs, mais de véritables partenaires stratégiques.
Ce modèle repose sur trois piliers fondamentaux :
1. Une gouvernance partagée, où chaque territoire est pleinement associé aux décisions qui le concernent.
2. Une transparence renforcée, avec des indicateurs de suivi clairs et accessibles à tous.
3. Une participation accrue de la société civile, pour valoriser les forces vives locales et renforcer la confiance dans l’action publique.
Les Outre-mer : laboratoires de la démocratie territoriale
Les Outre-mer, que nous appelons France Océanique, peuvent devenir des laboratoires d’innovation démocratique. Par leur diversité culturelle, leurs spécificités économiques et leur position géographique, ils offrent un terrain privilégié pour expérimenter de nouveaux modèles de gouvernance.
Lors du colloque ARUM, nous avons insisté sur une vision ambitieuse : faire des Outre-mer des moteurs d’innovation institutionnelle, où la transparence et la participation citoyenne redonnent tout leur sens à l’action publique.
Un défi à la hauteur des Outre-mer et de la République
Dans une France en quête de renouveau démocratique, le modèle proposé par le CESER de La Réunion pourrait bien ouvrir la voie à une gouvernance où l’humain et la société civile reprennent enfin toute leur place. Un défi à la hauteur des Outre-mer, mais aussi de la République.