Trois morts par balle, au moins cinq blessés et des touristes attaqués: collectivité du nord des Antilles, Saint-Martin a été touchée en début d'année par une accélération de la délinquance qui préoccupe les autorités. Des renforts de gendarmerie ont été annoncés.
Deux morts et un blessé le jeudi, un mort et deux blessés le vendredi: les 9 et 10 janvier, la petite collectivité d'Outre-mer de 31.000 habitants était endeuillée par deux fusillades en moins de 48 heures, réveillant de vieilles inquiétudes."Il y a, à Saint-Martin, un usage des armes à feu qui est sans rapport avec ce qu'on connaît en Hexagone ou en Guadeloupe", alerte auprès de l'AFP Xavier Sicot, procureur de la République de Basse-Terre (Guadeloupe), qui a compétence sur les collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
Bon connaisseur du territoire, celui-ci alerte de longue date sur la prolifération des armes à feu sur l'île, partagée entre une partie française au nord et une partie néerlandaise au sud, Sint Maarten. Selon lui, Saint-Martin se situe à un "tournant". "Si on n'arrête pas les choses, ça peut rapidement devenir très compliqué", assène-t-il.
Ces deux affaires coup sur coup ne sont pas les seules à avoir frappé l'île. Dans la nuit du 5 au 6 janvier, un touriste américain a été grièvement blessé d'une balle au thorax à la sortie d'un restaurant d'un quartier touristique de l'île. Le lendemain, un Canadien a été braqué et frappé en pleine rue, paroxysme d'une succession d'attaques à main armée.
En 2024, 123 vols avec arme ont été recensés sur l'île - territoires néerlandais et français réunis - par le parquet de Basse-Terre, soit le double de 2023.
La jeunesse des délinquants inquiète: 60% des auteurs interpellés ont moins de 22 ans et 13% sont mineurs, avec des cibles en évolution. "Les braquages ne visent plus seulement les petits commerces, on s'en prend désormais à des individus isolés", dit Xavier Sicot, qui s'alarme aussi de la prolifération d'armes de guerre comme des pistolets-mitrailleurs.
Renforts de gendarmerie
Depuis ce début d'année sanglant, la tension est un peu retombée à Saint-Martin. Mais un couple d'Espagnols circulant à scooter a été braqué le 25 janvier et le 28, un adolescent de quinze ans a été blessé par balle à la jambe par un homme avec qui il avait rendez-vous pour lui vendre 3.000 euros de chaînes en or, selon une source proche du dossier.
Face à l'urgence, le préfet de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, Vincent Berton, a annoncé lors d'une conférence de presse avoir demandé "des renforts d'enquêteurs de la police judiciaire afin d'être le plus rapide possible dans la réponse pénale".
La gendarmerie, pour sa part, compte renforcer ses capacités avec l'appui d'une "unité d'intervention spécialisée" basée en Guadeloupe qui pourra être déployée à Saint-Martin, distant de 250 km. "Nous sommes en train de voir pour pré-positionner du matériel ici. Nous réfléchissons également à des moyens plus lourds pour protéger nos militaires lorsqu'ils interviennent sur des fusillades", a affirmé à la presse le général Pierre Poty, nommé en janvier commandant de la gendarmerie outre-mer et venu dans la foulée à Saint-Martin.
Mi-janvier, les habitants ont tenté de reprendre la main à travers une marche blanche à l'initiative du président de la collectivité, Louis Mussington, qui a réuni quelques centaines de personnes."J'appelle à un sursaut démocratique et moral", déclarait-il en marge d'une conférence de presse avant la marche blanche, se disant "très inquiet par rapport à la situation que vit notre territoire en ce moment".
Auprès de l'AFP, il préfère affirmer que "ces actes isolés ne sont pas représentatifs de notre île et de notre identité", assurant que "la réaction immédiate des pouvoirs publics a permis de retrouver le calme très rapidement".
Car l'inquiétude est grande que ces successions d'agressions impactent le tourisme, moteur principal de la croissance à Saint-Martin, qui commence à peine à repartir après les ravages de l'ouragan Irma en 2017.
Le calme est fragile. Le 31 janvier, un nouveau braquage a eu lieu, rappelant que la menace est loin d'être écartée.
Avec AFP