Alors que le gouvernement, et notamment le ministre délégué aux Outre-mer, a été au centre des critiques cette semaine en raison d’un amendement au Budget 2024 supprimant certaines aides fiscales, la Fedom, a indiqué à la rédaction d’Outremers360, vouloir proposer des contre-propositions.
Pour rappel, l'amendement, passé en 49-3 lors des débats sur le projet de loi de Finances 2024, prévoit entre autres la suppression de l'aide fiscale sur les meublés touristiques, la suppression de l'aide fiscale sur les véhicules de tourisme, à l'exception des véhicules destinés à l'usage des taxis et des agriculteurs ainsi que la suppression de l'aide fiscale en faveur des biens destinés à la consommation des particuliers (chauffe-eaux solaires notamment).
L’amendement en question s’appuie sur un rapport de l’Inspection générale des Finances, qui constate des abus sur ces aides fiscales. Sur ces niches fiscales, « il y a eu un dévoiement, et elles ont été mal utilisées » a défendu le ministre. Il assure également que « l'agriculteur ou l'industriel pourra continuer de bénéficier d'un véhicule défiscalisé, les équipements de tourisme (les hôtels, les villages de vacances) continueront de défiscaliser. Nous trouverons des solutions pour ceux qui ont des logements meublés qui rentraient dans le cadre de la défiscalisation où il y a eu des dérives ».
Et justement, la Fedom, à travers la voix de son président Hervé Mariton, a des solutions, des contre-propositions à proposer au gouvernement. En premier lieu, la Fedom appelle à sanctionner les fraudes mises en lumière par le rapport de l’IGF. Hervé Mariton évoque aussi, « s'agissant des meublés », un « classement » et des critères, « en exigeant que ces meublés offrent un certain nombre de prestations : l'accueil des touristes, la fourniture de linge de maison, un ménage périodique, des choses de cette nature si on veut éviter les abus, puisque ça semble être le souhait du gouvernement », a-t-il expliqué, quelques heures avant un entretien avec le Ministère.
« Nous sommes ouverts à ce que la loi fixe des critères type classement des meublés et quelques prestations qui démontrent bien qu'on n'est pas dans un logement permanent déguisé, si c'est le sujet. Et si c'est des logements permanents déguisés, en vérité, le gouvernement a d'ores et déjà les moyens de sanctionner » explique l’ancien député et ministre des Outre-mer, qui demande aussi un « chiffre » : « combien d'abus y a-t-il aujourd'hui ? ».
Sur les loueurs de véhicules, « dans certains cas, nous dit-on, ce sont des véhicules de résidents qui sont faussement qualifiés de véhicules de location touristique (…). De nouveau, combien de cas constatés, vérifiés, sanctionnés ? », s’interroge le président de la Fedom, qui propose, pour éviter un risque éventuel de détournement vers de l'acquisition de véhicules de luxe, d’intégrer « une dimension écologique, fixer un maximum de CO₂ aux véhicules mis en location ». Il rappelle également que « la loi dit d'ores et déjà que la location ne doit pas pouvoir porter sur plus de deux mois. Donc, si c'est en vérité un véhicule particulier camouflé en véhicule de tourisme, c'est que la loi existante n'est pas appliquée et donc qu'il faut mieux contrôler, vérifier ».
« Troisième élément, les chauffe-eaux solaires » poursuit Hervé Mariton, « si le gouvernement considère (…) qu'il y a des dérives dans ce dispositif d'aide à l'investissement, que le gouvernement se donne les moyens de contrôle et que l'on ne sorte pas les chauffe-eaux solaires de défiscalisation, mais qu'on exige un agrément au premier euro ». Le but : « qu'on vérifie qu'on soit bien dans une logique d'investissement productif et non pas d'équipement individuel déguisé ».
Bien que critique sur la suppression de ces trois niches fiscales, le président de la Fedom a salué le gouvernement sur sa volonté de « mieux orienter la défiscalisation et en particulier investir davantage dans la transition énergétique ». « Ça, ça nous va très bien », a-t-il assuré. « Et qu'il voulait limiter les abus et les fraudes éventuelles. Ça nous va très bien aussi mais les choses n'ont pas été précisées à ce moment-là », poursuit Hervé Mariton, critique sur le calendrier et la méthode. En effet, le rapport de l’IGF a été rendu au gouvernement début août et rendu public début octobre. Le gouvernement « aurait pu le rendre public en septembre et nous aurions discuté sur la base du rapport, par exemple », estime Hervé Mariton. « Le rapport a été rendu public dans le courant du mois d'octobre, quelques jours à peine avant que nous n'ayons l’amendement ».
« Nous partageons l'objectif de renforcer l'efficacité de la défiscalisation, en particulier dans le domaine de la transition énergétique et écologique. Nous partageons la nécessité de mieux l'évaluer, de mieux réprimer et de mieux éviter les abus. Simplement, les conclusions que le gouvernement a tirées du rapport de l'IGF n'ont fait l'objet d'aucune concertation en amont, mais simplement une information quelques heures avant le dépôt d'un amendement, lequel l'amendement n'a pas fait l'objet de débat au Parlement et a été intégré au 49-3 », a-t-il regretté.
Hervé Mariton veut souligner un exemple positif de travail avec le gouvernement : « La ministre de la Transition énergétique, depuis des mois, nous associe aux travaux préparatoires de la loi de programmation de l'énergie. Depuis des mois, il y a un travail concerté, fécond, intelligent qui est mené avec la ministre. Une partie de ce travail d'ailleurs est heureusement repris par le ministre délégué aux Outre-mer en étendant la défiscalisation aux panneaux photovoltaïques. On voit bien qu'il y a grand intérêt à mener le travail en amont. On est des gens sérieux. On respecte évidemment le gouvernement dans la capacité qu'il a et les initiatives qu'il peut prendre. Mais on demande qu'il y ait une discussion avant de découvrir sur le tard, et à quelques jours ou quelques heures du couperet, les orientations du gouvernement ».
« Ce n'est pas un cri capricieux comme ça qu'on pousse, c'est un sujet auquel on réfléchit depuis longtemps. Il y a eu des échanges extrêmement généraux avec le gouvernement sur le thème « il faut réorienter, il faut limiter les abus », mais ensuite, la grande faute du gouvernement dans cette affaire, c'est que dans les deux mois entre l'achèvement du rapport et les rencontres de la semaine dernière, il ne s'est rien passé. C'est ça le sujet », ajoute encore Hervé Mariton qui cite les « près de 200 millions d'euros » d’impôts supplémentaires aux entreprises si l’amendement devait rester dans la loi. « C'est sûrement territoire par territoire, plusieurs milliers d'emplois qui sont à la clé. La CCI de Guadeloupe a chiffré ça à plus de 3 000 emplois qui seraient menacés ».
Hervé Mariton regrette également la « vision archaïque du tourisme » du rapport de l'IGF qui « considère que les meublés de tourisme apportent peu à l'économie et n'ont pas d'impact sur l'emploi ». « La réalité est que dans la plupart des Outre-mer, les meublés jouent un rôle tout à fait considérable (…). Une bonne partie du développement du tourisme dans les Antilles, à La Réunion, s'est fait par les meublés touristiques ces dernières années. Et c'est une réalité. Cette réalité a échappé au rapport et ça, c'est tout à fait dommage ».
Malgré le ton très critique face à cet amendement, Hervé Mariton a tout de même souhaité signifier son respect au ministre chargé des Outre-mer, « compte tenu de ce que je sais de l'engagement et des qualités propres de Philippe Vigier ». « De notre part, ce n'est pas du tout une critique à l'égard du ministre ni une critique à l'égard de son budget globalement » a-t-il aussi assuré. Un budget dont la hausse de 7% a été plusieurs fois défendue par le ministre.