Spatial : En Guyane, le départ des Russes est un coup dur pour l'économie locale

Spatial : En Guyane, le départ des Russes est un coup dur pour l'économie locale

Sans le personnel spatial russe depuis une semaine, la Guyane accuse le coup et surtout s'inquiète du vide économique laissé par la suspension des lancements depuis le cosmodrome de Kourou.

Le 26 février, en réaction aux sanctions de l'Union européenne à l'encontre de la Russie après l'invasion de l'Ukraine, l'agence spatiale russe Roscosmos a suspendu ses lancements Soyouz depuis la Guyane et rappelé ses techniciens. Depuis, 87 Russes ont quitté la Guyane via deux vols de rapatriement les 28 février et 2 mars. Un départ « rapide, sûr et encadré » d'après le Cnes, l'Agence spatiale française. Mais un départ qui laisse un vide dans les communes guyanaises qui les hébergeaient. 

Trois lancements Soyouz étaient encore prévus en 2022, dont un début avril. A Sinnamary, bourgade située à une cinquantaine de kilomètres de Kourou et qui abrite une partie du Centre spatial guyanais (CSG), le maire Michel-Ange Jérémie (SE) se dit « inquiet » de ce retrait décidé par Moscou. Mais l'heure n'est pas encore à la « crise ». En revanche, « si les Russes se retirent définitivement de Guyane, ce sera plus grave », ajoute l'élu de cette commune de 3 000 habitants.

« Activité totalement arrêtée »

Située à 18 kilomètres du pas de tir de Soyouz, Sinnamary accueillait depuis 2011 la majeure partie du personnel russe. « Jusqu'à 250 personnes lors des lancements », précise Alexandre Karam, le gestionnaire de l'hôtel du Fleuve, le principal hébergeur. Avec le départ des Russes, « 99% du chiffre d'affaires de l'hôtel s'est envolé », estime-t-il. 

« Du fait du Covid, nous ne pouvions pas accueillir et les Russes et du public afin d'éviter tout risque de cluster. Nous nous étions focalisés sur la clientèle russe. Aujourd'hui, notre activité est totalement arrêtée », constate la direction de l'hôtel du Fleuve. Si pour l'instant la quinzaine de salariés n'est pas menacée par la perte de leur emploi, « le budget, les investissements, les travaux qui étaient prévus sont chamboulés », regrette Alexandre Karam.

Ce départ affecte aussi directement « l'attrait économique de la commune », selon Michel-Ange Jérémie, le maire de Sinnamary. Car les Russes « consommaient sinnamarien, allaient au restaurant, participaient à des activités culturelles, louaient des voitures ». « Pour l'instant, nous sommes spectateurs de cette guerre et nous attendons les décisions des politiques à l'échelle nationale ».

Un flou partagé par son homologue de Kourou, François Ringuet (DVD), également président de la Communauté de communes des Savanes, l'intercommunalité qui regroupe les localités de Kourou, Sinnamary, Iracoubo et Saint-Elie. Maire de la ville spatiale depuis 2014, c'est la plus « importante crise » qu'il a à gérer.

10% des emplois Guyanais

« J'ai beaucoup de crainte pour l'avenir », reconnaît François Ringuet. Des « entreprises sous-traitantes du CSG font marche arrière sur les recrutements et nous n'avons aucun retour officiel du Cnes ou de Paris », regrette-t-il. « Il ne s'agit plus d'un retrait temporaire, d'un retard sur un tir comme on pouvait l'imaginer. Aujourd'hui, l'avion Antonov qui transportait les pièces d'Ariane a été détruit, l'usine de Dnipro en Ukraine qui construit des pièces pour la fusée Vega aurait été bombardée donc les impacts sont multiples », ajoute-t-il.

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Dans cette ville de près de 30 000 habitants, selon lui, le spatial représente « 9 000 à 10 000 emplois directs et indirects », donc est incontestablement l'atout économique N.1. La Communauté des Savanes est le seul territoire de Guyane où la ressource fiscale des entreprises est plus forte que celle des ménages, grâce à l'activité spatiale.

A l'échelle de la Guyane - où la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté -, le secteur représente 10% des emplois et 15% de la création de richesse, selon l'Insee. Néanmoins, une baisse d'activité du centre spatial n'aurait pas d'impact sur la fiscalité que le CSG reverse à l'intercommunalité. « La fiscalité est basée sur le bâti », précise le maire de Sinnamary. La taxe d'apprentissage ne devrait pas non plus diminuer.

Avec AFP.