Cette semaine, Outremers360 a rencontré Vanessa Bousardo, vice-bâtonnière du Barreau de Paris et présidente de l’École de Formation du Barreau (EFB), figure emblématique de l’engagement pour l’égalité, la diversité et l’inclusion. Avocate en droit pénal, mère de deux jeunes enfants et profondément attachée à ses racines guadeloupéennes, elle conjugue avec brio ses multiples responsabilités.
Animée par la volonté de faire bouger les lignes, elle reste fidèle à son mantra : « il ne faut jamais rien s’interdire ». Son parcours audacieux, jalonné d’une riche expérience en cabinet et d’une aventure entrepreneuriale en solo, témoigne d’une ténacité exemplaire et d’une vision résolument moderne de la profession d’avocat. Elle nous en dit plus sur son parcours, ses engagements, son actualité et son prochain rendez-vous avec les Outre-mer.
De la curiosité à la conviction : les étapes d’une vocation
Civiliste de formation, à Nanterre puis à Panthéon-Assas, rien ne prédisposait Vanessa Bousardo à une carrière de pénaliste sauf peut-être quelques rencontres décisives et une attirance pour la solennité des audiences : « À cette époque, je m’intéressais beaucoup aux procès, notamment aux grands procès, et j’éprouvais une véritable soif d’apprendre dans ce domaine. Ne connaissant alors personne dans mon entourage issu du milieu juridique, et encore moins parmi les avocats, mon regard sur cet univers était animé par une profonde curiosité. J'étais fascinée par l’audience et sa solennité, ce qui m’a poussée à m’orienter dans cette voie en me disant : Je vais au moins commencer par un stage. » Ce stage de six mois chez le bâtonnier Pierre-Olivier Sur, pénaliste, se transforme en une collaboration de dix ans, confirmant son choix de carrière.
Un autre moment phare pour Vanessa Bousardo est, sans aucun doute, celui de la Conférence du barreau de Paris, prestigieux concours d’éloquence destiné aux jeunes avocats et appelé autrefois la Conférence du stage, qu’elle intègre en 2010, après quatre années d’exercice. Chaque année, 12 Secrétaires de la Conférence sont sélectionnés et, pendant une année, ils bénéficient d’une forme de monopole sur les affaires criminelles, notamment les comparutions immédiates : « Pour moi, cela représentait à la fois un objectif ambitieux et un rêve à réaliser. »
Les Bâtonnières du Monde unies pour faire avancer l’égalité et la diversité
Le rêve était effectivement ambitieux, car il y a une vingtaine d’années, les femmes pénalistes étaient nettement moins visibles dans la profession. Si certaines grandes figures, comme Jacqueline Laffont, existaient, la majorité des femmes avocates occupaient des postes de collaboratrices, et les modèles féminins dans le droit pénal étaient rares. Aujourd’hui, la situation a évolué avec une reconnaissance accrue des femmes. Mais pour autant, les inégalités persistent.
Grâce à son expérience au Conseil de l’Ordre (2019-2021) et son mandat de vice-bâtonnière aux côtés de Pierre Hoffmann, Vanessa Bousardo fait de la place des femmes dans la profession l’une des priorités de son mandat. Elle s’attaque aux disparités salariales, aux difficultés d’accès au statut d’associée et au plafond de verre encore bien présent. Dans cette optique, elle a récemment créé un collectif international : « Le mois dernier, j’ai lancé le collectif international « Bâtonnières du monde » qui regroupe une quinzaine de bâtonnières et d’anciennes bâtonnières. L’objectif principal est de créer un espace d’échange sur les bonnes pratiques entre ces femmes qui dirigent ou ont dirigé des barreaux à travers le monde. Cela permet d’aborder ensemble les problématiques spécifiques auxquelles nous sommes toutes confrontées, quelle que soit la juridiction où nous exerçons. Au-delà du partage d’expériences, ce collectif vise aussi à bâtir une véritable communauté, à réfléchir à la gouvernance portée par les femmes. Est-ce que les femmes à la tête d’un barreau gouvernent mieux ? Je ne saurais l’affirmer, mais elles apportent indéniablement un regard différent. Explorer cette approche distincte est essentiel pour enrichir les perspectives et renforcer la diversité et l’égalité dans la profession. »
Crèches, salon d’allaitement, ligne d’alerte : défendre et soutenir l’inclusivité
Pour Vanessa Bousardo l’égalité se traduit également par des mesures concrètes pour améliorer les conditions des avocates au barreau de Paris. Elle a ainsi œuvré à la création d’un salon d’allaitement à la Maison des avocats, une première en France : « L'objectif n'est pas symbolique, c'est vraiment de répondre à une attente. Les femmes sont aujourd'hui majoritaires dans la profession. (ndlr : En France, 57 % des avocats sont des femmes.) Il est normal qu’à l'issue d'un congé maternité, elles puissent tout simplement avoir des dispositifs qui permettent de faciliter leur activité. » Récemment, le Conseil de l’Ordre a voté un projet de création de crèche mais aussi la mise en place d’un pool d’avocats rémunérés par l’Ordre pour assurer les demandes de renvoi pour les avocats empêchés, notamment lors des congés maternité ou en cas de grossesse, réduisant ainsi les contraintes pesant sur les avocates dans ces situations.
En parallèle, Vanessa Bousardo a favorisé la mise en place d’une ligne d'alerte éthique externalisée, permettant aux avocats victimes de harcèlement ou de discrimination de signaler anonymement leurs problèmes à un professionnel extérieur au barreau. Cette démarche vise à libérer la parole, en offrant un espace sécurisé pour ceux qui hésitent à s’adresser directement à l'ordre par crainte d'être identifiés ou stigmatisés. La ligne permet de traiter les signalements de manière confidentielle et de les transmettre ensuite à l'ordre, garantissant ainsi une prise en charge adéquate tout en préservant l'autonomie de l'ordre dans la gestion disciplinaire.
« Ces initiatives sont une réponse aux difficultés souvent rencontrées par les femmes dans la profession, notamment l'impact de la maternité, qui reste perçu comme un frein à la carrière. En effet, un constat majeur est que les femmes sont les premières à quitter la profession dans les dix premières années de leur carrière, souvent en raison d’un déséquilibre entre leur vie professionnelle et personnelle. Les dispositifs mis en place visent à réduire cet écart et à offrir davantage de soutien aux avocates, en particulier pendant les périodes sensibles liées à la parentalité. », précise Vanessa Bousardo.
Transmettre un héritage de valeurs
La formation et la transmission sont des piliers essentiels pour Vanessa Bousardo, qui accorde une importance majeure à leur rôle dans la profession d’avocat. En tant que présidente de l'École de Formation du Barreau (EFB), qui accueille chaque année entre 1 500 et 2 000 élèves avocats, elle met un point d’honneur à favoriser le mentorat. Le programme Avo’Mentor, par exemple, connecte des avocats expérimentés avec de jeunes confrères et consœurs pour éviter leur éventuel isolement.
Elle insiste également sur la nécessité de créer des liens intergénérationnels, en particulier pour les jeunes avocats qui s’installent directement sans passer par une collaboration. À titre personnel, elle accueille régulièrement des stagiaires, qu’ils soient étudiants en master ou, de manière exceptionnelle, des élèves plus jeunes. Elle évoque avec enthousiasme avoir reçu une stagiaire de seconde, une initiative qui lui tient à cœur. Cette expérience vise à permettre à des jeunes sans lien avec le monde juridique de découvrir l’univers des avocats et d’imaginer leur place dans cette profession.
À leur intention, elle délivre un message inspirant : « Il ne faut pas se limiter dans ses ambitions, ni renoncer à ses rêves. Peu importe notre origine ou notre milieu, aussi éloigné du domaine juridique soit-il, il y a toujours une place pour nous si nous le souhaitons et si nous nous en donnons les moyens. L'important est d'écouter ses aspirations profondes et de se concentrer sur ce qui nous passionne réellement. L'ambition est essentielle, mais il faut aussi savoir ce pour quoi on est fait et ce que l'on veut vraiment accomplir. »
Le Campus outre-mer en Guadeloupe en mars 2025, un rendez-vous inédit
En mars 2025, la Guadeloupe accueillera le Campus outre-mer qui vise à renforcer les liens entre les avocats parisiens et de l’Outre-mer, et à mettre en valeur les richesses et les initiatives locales. Cet événement inédit s’inscrit dans une série d’événements internationaux. Après Casablanca il y a deux semaines et en amont du rendez-vous prévu en Côte d’Ivoire en novembre 2025, il offre une perspective élargie, puisque le campus outre-mer accueillera également des avocats d’autres territoires ultramarins.
Pour Vanessa Bousardo, ce rendez-vous ultramarin est fondamental pour aborder les problématiques juridiques et sociales propres aux territoires d’outre-mer : « En début d’année, le ministère de la Justice a organisé la toute première journée dédiée à la justice en outre-mer. J’y ai participé, car cet événement représentait, à mon sens, un moment fort et symbolique. De manière totalement indépendante, nous organisons également un Campus outre-mer, car les enjeux liés à la justice dans ces territoires sont cruciaux. L’accès aux juges, à la justice, et plus globalement les conditions pour les justiciables dans les territoires ultramarins, sont bien plus difficiles que dans l’Hexagone. De nombreux rapports ont été publiés sur le sujet, et leurs conclusions sont alarmantes. L’état de la justice y est préoccupant, et il est nécessaire de réfléchir à des problématiques spécifiques pour proposer des solutions adaptées. Le ministère de la Justice prend des initiatives en ce sens, comme l’a montré l’organisation de cette journée. À notre niveau, celui du barreau de Paris et de l’Ordre, il nous semble tout aussi essentiel d’agir. En renforçant les liens entre nos barreaux et en mettant en lumière ces enjeux, nous manifestons notre engagement et notre volonté de contribuer à cette réflexion collective. Car, je le répète, cela me semble absolument essentiel. »
EG