PORTRAIT. Maylys Bellot, mannequin martiniquaise pour de nombreuses grandes marques comme Fendi, Kenzo, Jitrois..: de Fort-de-France aux podiums internationaux, retour sur une ascension fulgurante

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PORTRAIT. Maylys Bellot, mannequin martiniquaise pour de nombreuses grandes marques comme Fendi, Kenzo, Jitrois..: de Fort-de-France aux podiums internationaux, retour sur une ascension fulgurante

En quelques années, Maylys Bellot a su s’imposer sur les podiums internationaux par son talent, sa beauté et sa détermination. Elle a participé aux campagnes des marques Tudor et Jitrois, a défilé pour Fendi, Kenzo, Vivienne Westwood, et collaboré avec de grandes marques telles que Lancôme, L’Oréal, Salomon, Revlon, YSL Beauté, Mac Cosmetics ou encore Givenchy Beauty. Aujourd’hui, elle entame une nouvelle carrière au sein de l’agence Next, où elle repère et accompagne de jeunes mannequins. Pour Outremers 360, elle revient sur son parcours, les défis qu’elle a su surmonter et partage ses conseils aux jeunes qui rêvent de percer dans le mannequinat.

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Chaque mannequin a un parcours unique, souvent inattendu. Pour Maylys, l’idée de poser devant un objectif a émergé progressivement, aux détours de rencontres et d’opportunités.

« Depuis toute petite, ma grande taille et ma timidité m’ont valu des critiques, surtout à l’école. J’ai grandi entre deux mondes : en France, dans le Sud-Ouest, où est né mon père, et en Martinique, entre Fort-de-France et Le Robert, la ville de ma mère. Dans l’hexagone, je faisais face au racisme et aux remarques sur mon physique, alors qu’en Martinique, je me sentais libre d’être moi-même. Au lycée Frantz Fanon, une élève qui avait remporté le concours Elite partait régulièrement à Londres et New York pour des shootings. Tout le monde me disait : « Tu devrais essayer aussi ! » Alors, un jour, je me suis dit : Pourquoi pas ? »

Un an plus tard, à 16 ans, alors qu’elle se rend au lycée à Agen, une styliste remarque son potentiel et lui propose de poser pour des photos. Intriguée, elle accepte, d’abord par curiosité, avant de se prendre au jeu. À 18 ans, portée par cette première expérience, elle décide de tenter sa chance à Paris où elle collabore avec le photographe Vincent de Marly. Vogue Espagne publie les clichés. Et là tout s’accélère : en quelques jours, Maylys multiplie les shootings en France et à l’étranger et signe un contrat avec une agence de mannequinat allemande.

Ce qui n’était qu’un simple hasard devient finalement son destin.

Premier shooting à Paris avec Vincent de Marly ©Vincent de Marly

Les ombres du passé

Elle décide alors de se consacrer entièrement au mannequinat et met de côté ses études de design d’intérieur. Mais rapidement, les obstacles surgissent, notamment le poids du racisme dans l’industrie de la mode. Si chaque shooting à Londres, Milan, Paris, lui apporte des rencontres, des défis et l’excitation du voyage, elle réalise aussi que son parcours sera plus difficile : « À cette époque, la diversité ethnique est quasi inexistante dans la mode : seuls 9 % des mannequins ne sont pas de type caucasien, dont à peine 4 % sont noirs ou métis » précise Maylys.

Dans un milieu où les opportunités sont rares pour les mannequins racisées, elle doit redoubler d’efforts et multiplier les voyages pour décrocher des contrats. Ce qui semblait être une faiblesse devient pourtant un atout : elle se fait un nom plus rapidement et s’impose comme mannequin international. New York devient la ville la plus ouverte à la diversité, bien avant l’Europe. Tel un catalyseur, le mouvement Black Lives Matter accélère le changement.

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Le mannequinat à l’ère du digital : entre nouvelles opportunités et concurrence accrue

Un autre phénomène va profondément transformer le monde du mannequinat : l’essor des réseaux sociaux et la digitalisation des castings. Autrefois, les mannequins étaient repérés par des agences qui géraient leur carrière de A à Z, dans un milieu très fermé. Aujourd’hui, les réseaux sociaux offrent une vitrine immense offrant davantage d’autonomie aux mannequins et permettant à de nombreux talents d’émerger grâce à leur personnalité. Un simple compte Instagram bien alimenté peut suffire à attirer l’attention des marques et des photographes. Cette ouverture a transformé le secteur, en donnant leur chance à des profils plus variés : mannequins grande taille, visages atypiques, modèles plus petits… autant de critères qui, auparavant, auraient été des freins. Revers de la médaille, cette démocratisation a aussi intensifié la concurrence.

L’autre grande révolution, c’est l’arrivée des castings en ligne, surtout depuis la pandémie. Avant, seuls les mannequins présents physiquement dans une ville pouvaient postuler. Aujourd’hui, un simple enregistrement vidéo permet de participer à un casting depuis n’importe où dans le monde. Si cela ouvre des opportunités, cela signifie aussi une concurrence décuplée : un mannequin ne rivalise plus seulement avec les talents locaux, mais avec des milliers d’autres candidats à l’échelle mondiale. Les modèles doivent eux-mêmes renouveler leur portfolio, contacter les photographes, et gérer leur image en ligne. Une mutation qui a bouleversé le métier, le rendant plus accessible, mais aussi plus exigeant.

Une collaboration éthique et humaine avec des maisons d’exception

Aujourd’hui forte de son expérience, Maylys entretient une relation privilégiée avec les marques avec lesquelles elle collabore, car elles partagent des valeurs communes. Travailler régulièrement avec Tudor, la marque sport et jeune de Rolex, et la maison de couture Jitrois lui permet d’évoluer dans des environnements où l’humain et l’authenticité sont au cœur du processus créatif.

Avec Jitrois, cette connexion s’est faite naturellement : dès son tout premier shooting à Paris avec Vincent de Marly, Maylys portait déjà leurs créations. Des années plus tard, elle renoue avec la maison de couture dont elle partage les valeurs. Depuis 2021, elle participe à toutes leurs collections et réalise plusieurs campagnes, appréciant particulièrement la synergie entre les équipes et leur engagement auprès d’artistes qu’elle admire.

Pour Maylys, évoluer dans un cadre où elle se sent considérée fait toute la différence : « Incarner la vision du directeur artistique et des créateurs est au cœur du métier de mannequin. Mais au-delà de cet aspect, travailler avec des personnes qui considèrent réellement les mannequins, qui les respectent et leur accordent une vraie place dans le processus créatif, est un vrai bonheur. Cela permet d’évoluer dans un environnement de confiance, de mieux comprendre les attentes des designers et de répondre naturellement à leur vision. C’est une chance précieuse. »

 Campagne Tudor et Jitrois ©DR
 Campagne Tudor et Jitrois ©DR
 Campagne Tudor et Jitrois ©DR
 Campagne Tudor et Jitrois ©DR

Une nouvelle carrière : repérer et guider la prochaine génération

En parallèle de sa carrière de mannequin, elle amorce une transition vers un nouveau rôle tout aussi passionnant : celui de scout, recruteur de nouveaux talents, l’agence Next Canada, aux côtés de Thierry Tally, lui aussi originaire de Martinique. Depuis l’été dernier, elle repère et recrute de futurs mannequins, partageant avec eux son expérience et les préparant aux défis du métier.

Ce rôle de conseil, Maylis y est très attachée, car elle n’a pas eu la chance d’être accompagnée à ses débuts. Elle aurait aimé être mieux préparée aux réalités du métier et veut aujourd’hui offrir aux nouveaux mannequins le soutien qui lui a manqué :  « À l’international, notamment en Italie, la concurrence est intense, avec des mannequins du monde entier en quête des mêmes opportunités. Cette pression permanente peut engendrer des doutes, une perte de confiance, voire des troubles alimentaires, l’industrie imposant souvent des critères stricts où la minceur est valorisée à l’excès. Pour surmonter ces défis, il est essentiel de développer une grande force mentale et de savoir préserver son équilibre. »

Croire en soi et persévére

L’image du mannequinat véhiculée par les réseaux sociaux et les magazines est bien différente de la réalité. Derrière chaque shooting, il y a énormément de travail et de solitude. Le mannequinat est une succession de hauts et de bas : « On peut décrocher un contrat un jour et enchaîner dix refus le lendemain. C’est un métier où l’on passe son temps à être jugé, à vivre des fluctuations émotionnelles intenses, et où il faut apprendre à gérer le rejet quotidien. En moyenne, nous passons entre trois et dix castings par jour, et nous sommes refusés dans 90 à 95 % des cas. Malgré tout, la persévérance finit toujours par payer. C’est un marathon, pas un sprint, et ceux qui réussissent sont ceux qui n’abandonnent jamais. » souligne Maylys.

 

EG