"Pionnières noires de l'aviation" : La Martiniquaise Marie-Claude Valide et les premières femmes noires pilotes racontées par le journaliste et écrivain André Berthon

Marie-Claude Valide ©DR

"Pionnières noires de l'aviation" : La Martiniquaise Marie-Claude Valide et les premières femmes noires pilotes racontées par le journaliste et écrivain André Berthon

A travers l'histoire de l'Américaine Bessie Coleman, de la Martiniquaise Marie-Claude Valide et de leurs héritières, le journaliste et écrivain André Berthon dans son ouvrage "Pionnières noires de l'aviation" paru chez l'Harmattan raconte la folle épopée et le destin hors du commun de ces premières femmes noires pilotes d'avion. Un parcours de combattantes qui a ouvert la voie à un lent mais incontournable accès du métier de pilote à des membres de la diversité. Détails.

Après nous avoir conduits dans les coulisses de RCI Radio Caraïbes - radio dans laquelle il a officié pendant plusieurs années - dans son essai "RCI Radio Caraïbes, Carnets secrets", après être passé par la case roman dans "Carême de sang aux Antilles" et "Meurtres à Télé Caraïbes", tous deux parus chez Caraïbéditions, André Berthon, journaliste et écrivain amoureux des Antilles et passionné d'aviation nous raconte l'épopée et le destin hors du commun des "Pionnières de l'aviation". Un ouvrage paru aux éditions l'Harmattan.

A travers l'histoire notamment de l'Américaine Bessie Coleman, fille de fermiers noirs illettrés qui, bousculant les codes et les préjugés racistes et à force de ténacité, deviendra la première femme pilote noire de l'histoire de l'aviation. Suivant en cela les traces de l'Américaine, plus près de nous, la Martiniquaise Marie-Claude Valide elle aussi parviendra à briser le plafond de verre qui rendait difficile voire impossible l'accès des femmes qui plus est noires aux écoles d'aviation et donc à la profession de pilote.

Bessie Coleman 

Si Bessie Coleman a du s'expatrier en France pour poursuivre sa formation de pilote, ironie du sort, c'est aux Etats-Unis et au Canada que la Martiniquaise, barrée en France, passera l'essentiel de ses diplômes de pilote. Toutes les deux ont su très tôt qu'elles voulaient devenir pilote et qu'elles devraient se battre pieds et poings liés pour réaliser leur rêve. Pour Marie-Claude Valide en effet, en dépit de sa détermination, de son don inné pour le pilotage et de la bénédiction de ses parents, sa vocation s'en trouvera être un vrai parcours de combattante. Elle devra s'exiler d'abord aux Etats-Unis, puis au Canada pour parvenir à ses fins.

"Pirate des Caraïbes"

Son diplôme en poche, elle deviendra après moults péripéties, la première femme noire pilote d'une compagnie africaine. Mais son engagement dans ce domaine ne s'arrêtera pas au pilotage d'appareils puisqu'elle sera à l'initiative de la première compagnie privée sur la ligne transatlantique avec "Validair", contournant le monopole de la compagnie nationale Air France alors toute puisssante. Nous sommes au début des années 70 et cette initiative sera considérée comme un véritable pied de nez non seulement à Air France, mais surtout aux autorités politiques qui voyaient d'un mauvais oeil cette "émancipation économique" susceptible d'éveiller quelques velléités d'autonomie dans d'autres domaines.

Bessie Coleman

Dès lors, celle qui a été surnommée la "pirate des Caraïbes" par la presse locale de l'époque sera la femme à abattre et subira les foudres de la compagnie nationale et ce d'autant que son initiative s'apparente à une success-story. Peaux de banane et obstacles s'accumulant en plus d'une politique tarifaire revue à la baisse de la part d'Air France vont avoir raison de "Validair" qui, malgré l'effet d'attraction indubitable, finira par jeter l'éponge, au bord de la faillite.

Des parcours inspirants

Un échec commercial, mais une victoire politique, culturelle et même économique puisque cette tentative aura permis d'ébrécher le monopole d'Air France et d'entrevoir les prémisses d'une libéralisation du ciel et de la chasse-gardée d'Air France qui plus tard sera amenée à faire face à la concurrence. Marie-Claude Valide, quant à elle, ne restera sur cet échec puisqu'elle contribuera à créer une nouvelle compagnie, la SATT (Société antillaise de transport touristique) qui, comme son nom l'indique sera spécialisée dans le charter vers les destinations de Guadeloupe et de Martinique. Mais là encore, cette compagnie ne fera pas long feu et devra s'arrêter.

Un destin qui fait dire plusieurs années plus tard à Gisèle Bourquin, présidente de l'association "Femmes au-delà des Mers" à propos de Marie-Claude Valide "on ne peut manquer de reconnaître l'extraordinaire aventure de cette femme et regretter qu'elle ait manqué de soutiens...". 

Marie-Claude Valide

Reste que ces deux épopées sont emblématiques du parcours de combattantes qu'ont du traverser Bessie Coleman et Marie-Claude Valide à des périodes différentes. Mais leurs sacrifices n'auront pas été vains et leurs parcours inspirants puisqu'ils auront permis d'ouvrir la voie à ceux qui sont devenues leurs dignes héritières à l'instar de la Martiniquaise Valérie de Lépine, aujourd'hui pilote à Air France, de la Guadeloupéenne Aurélie Otvas, pilote à Air Caraïbes ou encore de la Kényane Irène Koki Mutungi, première femme pilote de la compagnie Kenyan Airways, l'une des plus importantes du continent. Toutes ces femmes à la suite de leurs ainées portent haut la flamme de cette émancipation et de cette évolution naturelle.

E.B.

"Pionnières noires de l'aviation"

André Berthon

Editions l'Harmattan

102 pages