« Ensoleillement, vent, énergie marine... Les Outre-mer sont-ils précurseurs en matière de transition énergétique ? » C’est la question qui était posée ce jeudi 30 janvier à Patrick Cazaban, Directeur Régional Outre-Mer de TotalEnergies, lors de la 4ème édition de la conférence « Les Outre-mer aux avant-postes », à l’initiative du Point. L’événement, dédié à toutes les grandes problématiques actuelles pour lesquelles les Outre-mer se trouvent en première ligne, s’est tenu cette année encore à Paris, à la Maison de l’Océan. L’occasion pour le Directeur Régional Outre-Mer de TotalEnergies, Patrick Cazaban, de faire le point sur les chantiers en cours.
« Les Outre-mer sont-ils précurseurs en matière de transition énergétique ? » demandait ce jeudi 30 janvier le journaliste Romain Gonzalez à Patrick Cazaban, Directeur Régional Outre-Mer de TotalEnergies. « On ne peut pas parler des Outre-mer comme d’un seul bloc » rappelait celui-ci. « Chaque territoire a ses spécificités et ses propres défis. En Nouvelle-Calédonie, par exemple, où la disponibilité foncière est plus grande, les avancées sont notables. Nous avons 90 MW de capacités électriques renouvelables en exploitation, avec 100 % du parc éolien et 50 % du marché du photovoltaïque sous gestion de TotalEnergies ».
Une situation à nuancer au vu de l’actualité du territoire néanmoins. « La situation politique récente a malheureusement mis en pause plusieurs projets majeurs. Pourtant, le potentiel est énorme, notamment avec le projet de 180 MW de photovoltaïque couplé à des batteries, l’un des plus ambitieux de France ».
À La Réunion, la transition est bien engagée, mais le défi de l’indépendance énergétique reste entier. « Aujourd’hui, encore 70 % de l’électricité est produite grâce aux hydrocarbures", rappelle le Directeur Régional Outre-Mer de TotalEnergies. "Mais ce territoire montre la voie, car il a une dynamique d’innovation très forte. Les appels d’offres réguliers permettent d’avancer, et la biomasse est une piste prometteuse. »
Aux Antilles, la situation est plus contrastée, poursuit Patrick Cazaban. « La Guadeloupe est en avance par rapport à la Martinique. Elle lance des appels d’offres réguliers et investit dans l’éolien et le solaire. En revanche, en Martinique, on attend encore des solutions technologiques plus matures avant d’investir massivement », explique-t-il. « Mais il faut voir la transition énergétique comme un chemin progressif. Il faut penser à 2030 avant de penser à 2050 ».
Les Outre-mer avancent donc à des rythmes différents, confrontés à des contraintes spécifiques. « Le grand défi, c'est de réussir cette transition tout en tenant compte des réalités économiques et foncières de chaque territoire. »
Des dynamiques contrastées
La question de la transition énergétique est aussi vaste qu’il y a de territoires ultramarins, et les difficultés sont nombreuses, à l’instar du foncier en Polynésie française. « C'est le territoire le plus en retard en matière de transition énergétique, non par manque de volonté politique, mais parce que l'accès au foncier est extrêmement limité », explique le Directeur Régional Outre-Mer de TotalEnergies. « Les îles de Polynésie sont d’anciens volcans, et il est extrêmement compliqué d’y installer des infrastructures énergétiques. »
Autre difficulté : le coût. « L’énergie renouvelable, c’est bien, mais encore faut-il qu’elle soit abordable. Aujourd’hui, produire de l’électricité en Polynésie via des sources renouvelables coûte bien plus cher que d’importer du pétrole ou du gaz ».
Dans d'autres territoires comme la Guyane, la problématique est différente. « C'est un vaste territoire, il y a du foncier, mais la distribution de l’énergie est un défi. La Guyane repose sur un axe énergétique est-ouest avec peu d’infrastructures pour acheminer l’électricité vers les zones reculées ».
D’autres alternatives
Dans ces Outre-mer, des solutions alternatives doivent être envisagées. « Mayotte, par exemple, dépend à 100 % des hydrocarbures, en raison d’un foncier extrêmement limité. Nous travaillons sur des solutions comme la biomasse liquide, qui consiste à transformer des huiles de friture ou des graisses animales en carburants moins polluants », explique Patrick Cazaban. « Ce n’est pas encore une solution parfaite, mais c’est un premier pas pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles ».
En Guyane, le barrage hydroélectrique aurait permis d’atteindre un mix électrique composé à 70 % d’énergies renouvelables, selon Patrick Cazaban. « Mais pour aller plus loin, il faut pouvoir stocker cette énergie. Aujourd’hui, les infrastructures thermiques sont encore indispensables pour compenser les variations de production ».
Lors de la 4ème édition de la conférence ‘Les Outre-mer aux avant-postes’, le Directeur Régional Outre-Mer de TotalEnergies a également évoqué le développement de solutions hybrides : « En combinant solaire et biomasse, nous pouvons créer un équilibre énergétique plus stable. Il n’y a pas de solution unique. L’important est de trouver ce qui fonctionne localement et de l’adapter aux besoins des habitants ».
Au-delà des disparités territoriales, la question de l’espace reste centrale pour l’avenir énergétique des Outre-mer. « Certains territoires comme la Guyane ont encore du potentiel foncier, mais pour d’autres, il faudra innover en s’ouvrant à la mer », indique Patrick Cazaban. « Les Outre-mer doivent inventer leur propre transition énergétique », poursuit-il.
L’un des axes de recherche les plus prometteurs concerne l’installation de panneaux photovoltaïques flottants. « On a déjà des projets pilotes en cours en Polynésie et en Guadeloupe, où le manque de foncier limite le déploiement des énergies renouvelables. Ce chemin est long, mais il est réalisable. Les solutions existent, encore faut-il les adapter intelligemment à nos réalités ».
Abby Said Adinani