L’Amborella, navire multimission de la Nouvelle-Calédonie, a quitté Nouméa ce mardi 20 mai pour une mission inaugurale vers l’île Walpole. Cette opération marque le début d’un ambitieux programme de restauration écologique, piloté par le service du parc naturel de la mer de Corail et de la pêche (SPNMCP) et l’Institut de recherche pour le développement (IRD), avec le soutien de l’État, de l’Office français de la biodiversité, et du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Isolée à l’extrême sud-est du parc naturel de la mer de Corail, Walpole est une île inhabitée de 170 hectares, classée réserve naturelle depuis le 1er janvier 2024. Elle abrite une biodiversité remarquable, notamment des reptiles endémiques comme Epibator insularis et au moins neuf espèces d’oiseaux marins nicheurs. Ces habitats sont toutefois menacés par la présence de trois espèces invasives : le rat du Pacifique, la fourmi électrique et le faux mimosa (Leucaena leucocephala).
Une première phase de diagnostic
La mission actuelle lance une phase dite de « préfiguration », qui s’étendra sur deux ans et demi. Elle vise à établir un diagnostic écologique précis de l’île, à tester des protocoles de lutte contre les espèces invasives, et à préparer le terrain pour d’éventuelles interventions de grande ampleur. Les objectifs immédiats comprennent l’actualisation des données sur la dispersion de la fourmi électrique, l’évaluation de l’impact écologique du faux mimosa et la confirmation de la présence d’espèces rares d’oiseaux marins suspectées de nicher à Walpole. L’équipe scientifique sur place regroupe des membres de l’IRD, du SPNMCP et de Bird Conservation NC.
Enjeux logistiques et scientifiques
En raison de son relief abrupt — avec des falaises de 70 à 80 mètres de haut — l’île présente des défis logistiques importants. La mission prévoit la sécurisation de l’accès, l’aménagement de sentiers balisés, et l’évaluation des contraintes pour les opérations futures. Six missions supplémentaires sont programmées entre 2025 et 2026. Elles permettront notamment l’installation d’un camp de base, la cartographie de l’île par drone, et la mise en place d’un suivi écologique par pièges photo et enregistreurs acoustiques.
Des expériences spécifiques seront menées pour observer l’évolution de la faune invasive après certaines interventions, comme l’éradication des rongeurs. D'autres études porteront sur la végétation et la banque de graines dans les zones dominées par le faux mimosa.
Une restauration de long terme
La seconde phase du programme, conditionnée par les résultats du diagnostic initial, consistera en des actions de restauration actives : éradication des espèces invasives, replantation d’espèces végétales natives, et renforcement des populations d’oiseaux marins. Des recherches historiques et paléo-écologiques permettront d’établir un état de référence de l’écosystème, antérieur à l’exploitation du guano, qui s’est déroulée entre 1916 et 1942. Les fouilles archéologiques attestant d’occupations humaines anciennes sur l’île ont conduit à l’intégration des savoirs autochtones dans le projet. Des échanges sont prévus avec les coutumiers, anthropologues et archéologues, qui seront associés au comité de pilotage.
Un projet pilote pour la région
Ce programme pourrait intégrer l’initiative mondiale Island-Ocean Connection Challenge, qui ambitionne de restaurer 40 grandes îles dans le monde. Pour la Nouvelle-Calédonie, Walpole devient un site pilote, combinant recherche scientifique, gestion environnementale et coopération internationale. Enjeu écologique, scientifique et culturel, la restauration de Walpole représente un exemple d’action coordonnée en faveur de la biodiversité insulaire et maritime dans le Pacifique Sud.