En engageant la responsabilité de son gouvernement, ce lundi, le Premier ministre s’est exposé à une motion de censure qui, pour la première fois depuis 1962, pourrait être votée par le Nouveau Front Populaire et le Rassemblement national, et ainsi faire chuter l’exécutif. Contacté par Outremers360, le ministre des Outre-mer François-Noël Buffet a détaillé les « conséquences graves » pour les territoires ultramarins, que ce soit en Nouvelle-Calédonie, la Martinique, la Polynésie ou encore la Guyane et Mayotte.
Nommé début septembre à Matignon, Michel Barnier savait la tâche délicate et la longévité de son gouvernement soumise à une assemblée de trois blocs sans majorité. En choisissant le 49-3 pour faire adopter le projet de loi de Finances de la Sécurité sociale (PLFSS) ce lundi, le Premier ministre a engagé la responsabilité du gouvernement, le mettant sous le feu de deux motions de censure, l’une déposée par le NFP qui pourrait être votée avec les voix du RN, la seconde par le RN.
Sauf miracle, le gouvernement pourrait tomber donc mercredi en fin d’après-midi et avec lui, les nombreux véhicules législatifs adoptés aux projets de loi de Finances et de Finances de la Sécurité sociale. Parmi eux, des mesures visant directement ou indirectement les Outre-mer, singulièrement la situation économique calédonienne et la lutte contre la vie chère, qui a pris une tournure contestataire en Martinique ces dernières semaines.
Aides à la Nouvelle-Calédonie, indemnisation des victimes des essais nucléaires en Polynésie, vie chère
« On est dans une situation extrêmement difficile », admet François-Noël Buffet qui salue toutefois l’avancement à ce mercredi matin du vote du budget de fin de gestion, qui comprend le financement des aides accordées à la Nouvelle-Calédonie en 2024 (garantie de prêt supplémentaire, fonds nécessaires en construction des bâtiments publics et des écoles, chômage partiel, …). « Le gouvernement avait pris des engagements au moment de ma visite en Nouvelle-Calédonie et il fallait bien les traduire concrètement dans le budget de l'année 2024 ».
Concernant le PLF et le PLFSS de 2025, François-Noël Buffet a listé l’ensemble des amendements qui tomberont en même temps que le gouvernement. D’abord pour la Nouvelle-Calédonie : la garantie de prêt à hauteur d'1 milliard d’euros pour la Nouvelle-Calédonie ; le report du recensement prévu en 2025, « nécessaire » pour à la fois éviter aux communes d’être sur plusieurs fronts et stabiliser leurs dotations ; et « la défiscalisation renforcée des investissements » sur l’archipel.
En Martinique, alors que le protocole signé en octobre dernier devait permettre une baisse des prix de 20% au 1er janvier, l’amendement « qui modulait la TVA sur les produits de premières nécessités, à la fois en Martinique mais aussi en Guadeloupe et à La Réunion » serait caduque. « On ne sera jamais avec nos moins 20% au 1ᵉʳ janvier, pour une raison très simple, c'est que nous avons besoin d'éléments de calculs et de décisions qui étaient prévues dans le PLF mais qui vont disparaître. Ce sera reporté, probablement, mais au 1ᵉʳ janvier, l'engagement de -20% tombe », s’agace le ministre.
En Polynésie, la chute de l’exécutif entraînerait l’abandon de « la prolongation du délai de dépôt des dossiers des victimes des essais nucléaires ». « Le délai s'arrête à la fin de l'année 2024. Ils ont tous demandé qu'on puisse se prolonger d'une année. Ça, c'est dans les textes ». En Guyane, l’amendement du sénateur Georges Patient sur le transfert de 20 000 ha de foncier de l'État vers la Safer tomberai également, tout comme l'aide fiscale au Bail solidaire en réalisation (BRS) dans les DROM, défendu par Solange Nadille et Georges Patient.
« Vous avez aussi un autre sujet pour les Outre-mer qui était important, c'est l’adaptation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour les Outre-mer », portée par la sénatrice Michelin Jacques qui avait « avait réussi à déposer un amendement qui est relatif aux dépenses qui sont consacrées aux infrastructures de traitement des déchets, qui était accepté par le gouvernement ».
L’avenir institutionnel calédonien une nouvelle fois dans l’incertitude
Au-delà, la chute du gouvernement jette désormais l’incertitude sur la suite du dossier calédonien, dont le fil du dialogue venait d’être repris. Si le départ de Michel Barnier ne remet pas en cause la mission de Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, les rendez-vous prévus à Paris entre le chef de l’État, le chef de l’exécutif et les partenaires politiques calédoniens sont, de fait, annulés.
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Si la classe politique calédonienne espère une continuité avec la méthode Barnier, la chute du gouvernement retarde un éventuel accord sur l’avenir institutionnel, alors que les provinciales sont prévues en novembre 2025. D’autres rendez-vous prévus au calendrier du ministre François-Noël Buffet tombent à l’eau : un Oudinot de la vie chère, le plan stratégique Outre-mer, le CIOM, le projet de loi Mayotte… « Nos territoires ultramarins vont démarrer début d'année 2025 en grande difficulté sans savoir exactement qu'est-ce qu'ils auront comme budget ».
Comme Michel Barnier ce mardi après-midi, François-Noël Buffet espère « une prise de conscience », à la fois « de ceux qui se prétendent appartenir à des partis de gouvernement », et à la fois des « députés ultramarins qui doivent se rendre compte des conséquences ». « Il y a un minimum de responsabilités à avoir », martèle le ministre qui entrevoit « une chance qu'un certain nombre de collègues se rendent compte de la situation. On ne leur demande pas un quitus, on leur demande une stabilité pour le pays. Ce n'est quand même pas la même chose ».