La mission d'information de l’Assemblée nationale sur l’aménagement et le développement durables du territoire en Guyane rend un rapport ambitieux

Vue de Cayenne en Guyane ©DR

La mission d'information de l’Assemblée nationale sur l’aménagement et le développement durables du territoire en Guyane rend un rapport ambitieux

Réalisé par les députés Jean-Marc Zulesi (Renaissance), président de la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, avec pour co-rapporteurs Jean-Victor Castor (Gauche démocrate et républicaine), Clémence Guetté (La France insoumise) et Gérard Leseul (Socialistes et apparentés), le rapport de la mission d'information de l’Assemblée nationale sur l’aménagement et le développement durables du territoire en Guyane a été présenté fin novembre. Il mesure les atouts et les handicaps structurels de la collectivité et avance de fortes recommandations.

 

Le rapport fait suite au déplacement au mois de septembre 2023 en Guyane des quatre députés, dont celui de la première circonscription de Guyane Jean-Victor Castor, pour étudier les questions complexes de l’aménagement et de l’enclavement de certaines parties du territoire. « La Guyane est en réalité dans une situation unique en France, s’agissant d’un département non insulaire. Aucune collectivité n’est couverte à 97 % par une forêt. Plusieurs points de son territoire sont enclavés physiquement, et lorsqu’une liaison aérienne existe, elle n’est pas financièrement accessible à chaque habitant, une grande partie des Guyanais vivant sous le seuil de pauvreté », relève le document. 

Sentiments d’isolement et d’enfermement pour certains habitants, fracture territoriale due à l’absence de transports adéquats, sans compter le gouffre existant entre les performances scientifiques du territoire et la réalité locale. « Les Guyanais notent avec un humour grinçant qu’ils n’ont pas toujours l’électricité et qu’internet ne passe pas sur une partie de leur territoire, alors que le centre spatial de Kourou abrite les technologies les plus sophistiquées du monde. Ils en retirent l’impression qu’ils ne bénéficient pas, loin s’en faut, de la présence d’un des atouts de la puissance économique française ».

 

 

Le sous-équipement de la Guyane est d’autant plus inquiétant que sa croissance démographique est six fois plus importante en moyenne que le reste de la France. D’après certaines projections, « de 280.000 à 300.000 habitants actuellement, le département pourrait en compter 600.000 en 2040 », écrivent les rapporteurs. Couverte majoritairement par la forêt, dont l’Etat est largement propriétaire, la collectivité aurait besoin de réserves foncières en propre, malgré un processus récent de cession de terres, pour assurer son développement en infrastructures, logements ou entreprises. Malheureusement, déplore le rapport, les cessions peuvent durer de plusieurs mois à plusieurs années.

Ces questions des infrastructures et de l’aménagement du territoire sont ici essentielles. « Des pistes tracées à travers la forêt par les orpailleurs clandestins en passant par l’habitat informel bâti par ceux qui gagnent les villes, nombreux sont les exemples d’une utilisation de l’espace par l’homme, qui n’a été ni planifiée, ni concertée, ou n’a pas fait l’objet d’une stratégie publique », constate le rapport. D’où la nécessité d’instaurer des schémas de cohérence territoriale, des documents de planification à long terme visant à développer la collectivité de manière équilibrée en tenant compte des besoins en logements, équipements publics ou de transports.

  Un aspect intéressant du document est qu’il souligne la nécessité de l’intégration de la Guyane dans son environnement régional, à l’exemple de La Réunion dans la Commission de l’océan Indien, d’autant que le territoire partage des problématiques communes avec ses voisins (Suriname, Brésil, Guyana) : lutte contre le trafic de drogue, dérèglement climatique, pêche, etc. « La Martinique et la Guadeloupe sont entrées en déclin démographique et le centre de gravité de la France dans l’Atlantique-Sud pourrait devenir la Guyane plutôt que les Antilles », ajoutent les rapporteurs. Ils suggèrent par exemple que la Guyane devienne membre associé de la Communauté caribéenne (Caricom) et adhère à l’Organisation du traité de coopération amazonienne.   

En conclusion, le rapport formule des « priorités absolues » pour un aménagement équilibré de la Guyane, et notamment : « accélérer la restitution du foncier ; désenclaver le territoire par un réseau routier équipé d’ouvrages d’art ; à très court terme, rétablir et améliorer les liaisons aériennes intérieures ; garantir l’accès de la population à l’ensemble des services publics de base (eau potable, électricité, éducation, santé, sécurité) ; valoriser une exploitation raisonnée de la forêt : filière bois, biodiversité, etc ; renforcer les mesures d’éradication de l’extraction illégale et accompagner la relance de l’extraction légale de l’or et des autres filières minières à la condition que les projets emportent l’adhésion des populations et des institutions locales et respectent la législation environnementale ; et inscrire à l’ordre du jour une loi de programmation sur la Guyane. »

 

Lire le rapport en intégralité

 

PM