L’artiste-peintre Guylaine Conquet a participé à de nombreuses expositions communes, mais c’est en mai 2022, que pour la première fois, une exposition lui est entièrement consacrée, et ce, durant plus d’un mois, au Sunrise Civic Center Art Gallery, en Floride. Celle-ci, intitulée « From embarrassment to pride » (de l’embarras à la Fierté), comprend une trentaine d’œuvres, retraçant son rapport aux cheveux naturels et à travers lui, sa vision de l’acceptation et de l’amour de soi. L’exposition fait son grand retour en 2023 dans le cadre du Black History Month.
Depuis le 11 janvier et jusqu’au 1er mars, les tableaux de l’artiste-peintre guadeloupéenne Guylaine Conquet sont à découvrir ou à redécouvrir au centre culturel de Miramar, ville située dans le sud-est de la Floride. À travers l’exposition « From embarrassment to pride », Guylaine Conquet contribue à sa manière au Black History Month, Le mois de l'Histoire des Noirs, qui commencera le 1er février prochain aux Etats-Unis. Cette commémoration annuelle de l'histoire de la diaspora africaine, lancée pour la première fois aux États-Unis il y a 47 ans, est l’occasion pour la Guadeloupéenne de partager son parcours, son expérience mais aussi ses convictions et ses combats, qu’elle veut porter haut et fort.
2019, l’année du déclic
Cela fait cinq ans que Guylaine Conquet est installée aux États-Unis. « J’avais besoin d’une pause. J’ai choisi Miami pour la météo et la proximité avec la Caraïbe ». Arrivée sur place, elle prend des cours d’anglais et se décide rapidement à créer une structure de séjours linguistique à destination des professionnels en proposant notamment des stages d'immersion pour parfaire leur anglais. Le succès est au rendez-vous et plusieurs antennes voient le jour aux Caraïbes, à Miami, New York, Londres et désormais Atlanta. Mais parallèlement à ce projet, Guylaine Conquet rêve d’arts, de peinture et de tableaux. Elle, qui, issue du monde des médias n’a jamais osé franchir le cap de peur d’être jugée, profite de ce nouveau départ pour se lancer.

« Je me suis dit : ici, tout est possible. Je me suis demandée quelle histoire je voulais raconter à travers ma peinture. Et puis j’ai décidé de parler de mon aventure capillaire : de ma transition des cheveux lisses à mes cheveux naturels, de mon identité à travers ce parcours. Il y a un livre qui a été un déclencheur pour moi, c’est Hair Story d’Ayana et de Lori Tharps. Quand j'ai lu ce livre, j'ai compris mon histoire, mais aussi celle de toutes les femmes noires à travers le monde. C’est vrai que nous n’avons pas la même culture que l’on soit une femme noire africaine, une femme noire américaine, une femme noire antillaise, une femme noire brésilienne… Nous n’avons pas le même langage, mais nous avons ce point commun d'avoir ce que nous considérons souvent comme une galère avec nos cheveux. Ce livre m’a fait prendre conscience de la stigmatisation qui était faite autour de nos cheveux depuis l’esclavage. À quel point pour nous intégrer dans la société, il nous fallait ressembler aux standards européens, quitte à gommer notre identité». Dès lors Guylaine Conquet n’a cessé de peindre les femmes noires avec leurs cheveux naturels.
Aimer et accepter ses cheveux naturels
Mais tout ne s’est pas fait simplement pour Guylaine Conquet. Celle qui a été pendant 22 ans une figure de l’audiovisuel en Guadeloupe le reconnaît : « J'ai toujours porté les cheveux lisses à l'antenne. J’ai toujours eu des tissages, défrisages… J’ai vécu un traumatisme lorsque j’ai eu une grosse chute de cheveux et que j'ai du tout couper et porter malgré moi mes cheveux naturels... Je n'ai pas aimé ce à quoi je ressemblais. Je n'ai pas aimé l'image que j'avais de moi parce que je n'avais jamais été habituée à porter mes cheveux naturels. Je ne suis pas la seule : les gens m'ont dit : « mais qu'est-ce que tu as fait » ou alors j'avais des collègues techniciens qui me disaient : « tu vas te coiffer quand même avant d'aller à l'antenne » ! On ne rend pas compte, mais on a toujours été éduqué avec le bon et le mauvais cheveu. Quand tu as un cheveu lisse, c'est au beau cheveu. Quand il est crépu, c'est un mauvais cheveu… ».

De cette prise de conscience, naîtra cette envie de porter fièrement ses cheveux naturels, de s'accepter et de s'aimer. Raconter cette histoire à travers sa peinture était une évidence pour Guylaine Conquet. Et alors qu’elle continue de développer son activité, elle se lance sérieusement dans cette aventure. De fil en aiguilles, en racontant son aventure capillaire autour d’elle, elle rencontre des personnes réceptives à son histoire et à ses messages. C’est ainsi qu'elle se retrouvera en février 2020, exposée en compagnie d’autres artistes à l’occasion du Black History month au Studio 18 Art Complex, en Floride.
Une identité à affirmer
Pour cette nouvelle exposition de « From embarrassment to pride », c’est la ville de Miramar qui a contacté l’artiste. Celle-ci se tiendra donc pendant presque deux mois au centre culturel de la ville avec une inauguration en grande pompe le 27 janvier prochain. Guylaine Conquet a réalisé quatre tableaux spécialement pour cette exposition dont l’un « Angela » fait référence au fameux test du crayon, une méthode utilisée pour déterminer si une personne était blanche ou noire. Le crayon était glissé dans les cheveux d'une personne évaluée. Si le crayon tombait, vous étiez blanc et s'il restait dedans, vous étiez noir. C'était un outil utilisé pour empêcher notamment les Noirs d'assister à des événements...

De nombreux invités sont attendus au vernissage qui fera l'objet d'un programme riche et varié : d’ateliers workshops sur l’entretien des cheveux naturels en passant par des débats autour de la loi Crown Act (Creating a Respectful and Open World for Natural Hair), visant à lutter contre la discrimination au travail pour les personnes qui ont les cheveux naturels... « Je suis assez contente parce qu'on commence à lancer des débats autour de l'acceptation se soi », se félicite Guylaine Conquet qui souhaiterait par ailleurs que ce débat soit également ouvert en France. Elle a entamé des discussions avec un député de Guadeloupe sur ce point. « Ce ne sont pas nos cheveux le problème, mais bien les standards de beauté qui nous sont imposés ».
Abby Said Adinani
