La plus haute juridiction de l'ONU rendra mercredi un avis établissant un cadre juridique mondial pour la lutte contre le changement climatique, qui doit aussi définir les responsabilités des principaux pollueurs envers les pays les plus vulnérables.
La Cour internationale de justice (CIJ) a été chargée par l'ONU de rendre cet avis sur les obligations des Etats en matière de prévention du changement climatique et les conséquences pour les pays pollueurs.
Selon les experts, il s'agit d'une décision d'importance après une série d'affaires récentes sur le changement climatique en droit international, avec des répercussions potentielles majeures pour les États et les entreprises du monde entier.
Les pays vulnérables et les militants espèrent que l'avis de la CIJ aura de grandes conséquences juridiques, en unifiant le droit existant, en façonnant les législations nationales et internationales et en influençant les affaires judiciaires en cours. "Ce sera la boussole dont le monde a besoin pour corriger le cap", a déclaré Vishal Prasad, directeur de l'association Étudiants des îles du Pacifique luttant contre le changement climatique. "Cela donnera un nouvel élan aux litiges climatiques, inspirera des politiques nationales plus ambitieuses et guidera les États vers des décisions qui respectent leurs obligations légales de protéger les populations et la planète", a ajouté M. Prasad.
Mais certains affirment que la décision de la CIJ aura un impact limité car ses avis, consultatifs, ne sont pas contraignants et les gros pollueurs peuvent simplement choisir de les ignorer.
"Actes et omissions"
L'ONU, poussée par le petit État insulaire du Vanuatu, a demandé à la CIJ, qui siège à La Haye, de répondre à deux questions.
Quelles obligations les Etats ont-ils en vertu du droit international pour protéger la Terre contre les émissions de gaz à effet de serre ?
Et quelles sont les conséquences juridiques de ces obligations, lorsque les Etats, "par leurs actes et leurs omissions, ont causé des dommages importants au système climatique"?
La deuxième question est liée aux responsabilités des Etats pour les dommages causés aux petits pays, plus vulnérables, et à leurs populations, en particulier aux pays menacés par l'élévation du niveau des mers et par des conditions météorologiques difficiles dans des régions comme l'océan Pacifique.
"David contre Goliath"
Dans ce qui a été qualifié de bataille de "David contre Goliath", les économies avancées et les pays en développement se sont affrontés à la CIJ lors d'audiences sur l'affaire en décembre.
La cour a entendu plus de 100 plaidoiries, un record. Beaucoup émanaient de petits États qui comparaissaient pour la première fois devant la juridiction."Il s'agit peut-être de l'affaire la plus importante de l'Histoire de l'Humanité", a alors déclaré le représentant du Vanuatu, Ralph Regenvanu.
"L'issue de ces procédures aura des répercussions sur plusieurs générations, déterminant le sort de nations comme la mienne et l'avenir de notre planète", a-t-il déclaré devant le panel de 15 juges.
De gros pollueurs ont fait valoir que l'arsenal juridique existant – la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) – était suffisant et ne devait pas être altéré.
La représentante américaine Margaret Taylor a déclaré que ce cadre constituait "l'expression la plus actuelle du consentement des États à être liés par le droit international en matière de changement climatique".
"La cour devrait éviter de créer des obligations nouvelles ou supplémentaires au-delà de celles déjà existantes", a abondé l'intervenant indien, Luther Rangreji.
Les États-Unis, sous la présidence de Donald Trump, ont depuis retiré leur financement de la CCNUCC et se sont retirés de son pacte historique, l’Accord de Paris sur le climat.
"Tombes aquatiques"
Mais les petits États ont fait valoir que ce cadre était totalement inadéquat pour atténuer les effets dévastateurs du changement climatique. "A un moment où les mers montent plus vite que prévu, ces États doivent s'arrêter. Cette cour ne doit pas leur permettre de condamner nos terres et nos peuples à des tombes aquatiques", a tonné John Silk, des Îles Marshall.
Après d'âpres négociations lors de la COP29, les pays riches ont convenu de dégager au moins 300 milliards de dollars par an d'ici 2035 pour financer la lutte contre le changement climatique.
Les nations vulnérables ont estimé que cela était insuffisant et ont exhorté la CIJ à faire davantage. "C'est une crise de survie. C'est aussi une crise d'équité", a déclaré le représentant des îles Fidji, Luke Daunivalu. "Notre peuple (...) paie injustement et à tort la facture d'une crise qu'il n'a pas créée. Il attend de cette Cour de justice, clarté et esprit de décision", a ajouté M. Daunivalu.
Avec AFP