Cette année marquera le centenaire de TotalEnergies. Acteur majeur du pétrole puis du gaz, le groupe veut accélèrer sa transition et tendre de plus en plus vers l’électricité et les énergies renouvelables. Dans les Outre-mer, ce sont des projets d’importance qui ont été initiés pour accompagner ce changement. Patrick Cazaban, Directeur Régional Outre-mer TotalEnergies interviendra qui interviendra le 1er février lors de l’événement du Point : les Outre-mer aux avant-postes revient pour Outremers360 sur les grands chantiers à venir.
Outremers360 : En quoi les Outre-mer sont-ils aux avant-postes ?
Patrick Cazaban : Dans leur majorité, les territoires sont en avance sur leur pourcentage d'énergies renouvelables dans leur mix énergétique. La Réunion fonctionne à partir de biomasses solides et liquides mais aussi l’Energie hydraulique et l’éolien… Il y a aussi du photovoltaïque. Le mix énergétique est quasiment décarboné. Déjà pour la production d'électricité, pour la consommation. 80 % de l'énergie en Guyane est décarbonée aujourd'hui. Il faut continuer et aller plus loin notamment sur les questions de transports et développer les technologies de voiture, de camion ou de matériels agricoles électriques, mais les Outre-mer ont tout ce qu'il faut pour développer les énergies renouvelables : du vent et du soleil. Chaque territoire a sa spécificité, bien sûr. En Guyane où il n’y a pas d’alizées, donc on va développer plutôt du photovoltaïque. Il faut s'adapter. Les Outre-mer nous permettent aussi de mettre en route de gros projets nationaux. La Guyane accueillera en 2026 la plus grande usine électrique photovoltaïque avec batterie de France. En Nouvelle-Calédonie, les parcs que nous avons construits et ceux à venir seront parmi les plus gros parcs photovoltaïques de France.
Lire aussi : La troisième édition des «Outre-mer aux avant-postes» de retour le 1er février à Paris
Outremers360 : Pourquoi ce choix d’aller résolument vers ce secteur de l’électricité ?
Patrick Cazaban : Nous avons mis 100 ans pour devenir un acteur à majeur du pétrole et du gaz sur la planète. Nous voulons mettre beaucoup moins longtemps pour devenir un électricien majeur. Nous sommes en train de faire notre transition et de nous transformer complètement. D'ici 2050, nous serons majoritairement électriciens. Cela ne veut pas dire que nous ne serons plus pétroliers ou gaziers, mais le monde de demain sera plus électrique. Cette transformation, nous le voyons dans l’Hexagone, mais également dans les Outre-mer.
Outremers360 : Comment votre présence se traduit dans les Outre-mer en tant qu’acteur de ce secteur ?
Patrick Cazaban : Nous sommes un acteur majeur à travers l’éolien et le photovoltaïque. D’ailleurs avec 37 % de parts de marché, nous sommes le leader dans les Outre-mer de la production d'électricité décarbonée. Nous avons mis en service plusieurs parcs éoliens ces dernières années : 10 MW en Guadeloupe, 7 MW à La Désirade, 5 MW à Marie-Galante. Nous sommes dans une lancée de développement en Guadeloupe. En Martinique, nous avons des projets solaires significatifs. En Guyane, nous exploitons aujourd’hui 9 MWc sur deux centrales solaires. Un autre chantier va débuter cette année : nous devons poser la première pierre d’ombrières, à l'aéroport Felix Eboué de Cayenne. Il y a évidemment aussi le projet Maya, dont nous avons déjà parlé, qui va assurer 15 % de l'énergie électrique annuelle consommé en moyenne en Guyane. Nous sommes en cours d’obtention des autorisations, mais c’est prévu pour 2026. En Nouvelle-Calédonie, nous sommes à l’origine du développement de 90 % de l’éolien du territoire. Nous sommes le leader du solaire avec 44 % des capacités autorisées. Nous allons construire 110 MWc de centrale solaire et 20 MW d’éolien d’ici 5 ans. À La Réunion, nous sommes le premier producteur éolien et le troisième producteur solaire. Nous avons construit aujourd'hui une centrale solaire de 8 MWc avec 12 MWh de stockage de batterie, à l’aéroport de Pierrefonds. Nous la produisons, mais nous la stockons aussi pour la mettre à disposition sur le réseau, à la demande. À Sainte-Suzanne, nous venons de mettre en place un parc éolien de 20 MW. Il s’agit ici des premières éoliennes, nouvelle génération sur l'île. Cela permet de diminuer le nombre d'éoliennes tout en augmentant leur capacité de production électrique.
Outremers360 : Quelle stratégie mettez-vous en place sur le long terme ?
Patrick Cazaban : Ce qu’on cherche à mettre en place, c’est l’acceptabilité des projets. C’est en parler à toutes parties prenantes en amont, des riverains aux politiques. Ensuite, nous aimerions que les démarches administratives soient simplifiées au niveau de l’État, pour pouvoir développer plus vite des centrales photovoltaïques ou éolienne. Il faut savoir qu’avec les mêmes règles qu’en Allemagne, nous mettons 2 à 3 fois plus de temps en France pour créer un parc éolien. Or, ce qui n’est pas mis en œuvre aujourd'hui ne pourra se faire qu’après 2030, tellement les délais sont longs.
Outremers360 : Et le foncier, ce n’est plus un problème dans les territoires ultramarins ?
Patrick Cazaban : Pour essayer de pallier aux problèmes de fonciers, nous avons fait le choix de nous lancer dans l’agrivoltaïsme, l’agri PV, qui permet d’allier la production d’électricité à l’agriculture. Un projet agrivoltaïque pour nous, consiste à intégrer la notion de réversibilité de l'installation photovoltaïque. Et l'autre priorité, c'est de maintenir significativement l'activité agricole et le potentiel agronomique de la parcelle. La valeur, c'est la terre, le métier de base de l'agriculteur. À aucun moment, nous ne venons nous substituer à l'activité première de l'activité agricole. C’est un concept que nous faisons dans l’Hexagone et dans les années qui arrivent, nous allons développer des pilotes en Guadeloupe et à La Réunion. Ce qui est important, c'est que tout projet doit être décidé conjointement avec les représentants du monde agricole : les représentants locaux et les exploitants de sites. Comme vous le voyez, de manière globale, on tend vers l'électricité, les énergies renouvelables. Et il faut que chaque territoire prenne en main sa destinée et décide avec l'État et les politiques locaux de sa trajectoire de décarbonation. Nous, investisseur, devons avoir de la visibilité pour pouvoir planifier. Aujourd’hui, cela n’est encore le cas même si les choses commencent à évoluer dans le bon sens.
Par Abby Said Adinani