INTERVIEW. Bruno Blandin, président de l’UDE-Medef Guadeloupe : « Notre priorité première est, et reste, l'emploi des jeunes »

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INTERVIEW. Bruno Blandin, président de l’UDE-Medef Guadeloupe : « Notre priorité première est, et reste, l'emploi des jeunes »

Le président de l’UDE-Medef Guadeloupe, Bruno Blandin, a accepté d’accorder une interview à Outremers360, afin de faire le point sur son organisation, les perspectives et les enjeux, à la fois de l’économie guadeloupéenne et de l’UDE-Medef Guadeloupe.

Tout d'abord rappelez-nous ce qu'est votre Union d’entreprises ?

L’UDE-MEDEF Guadeloupe est la première association d'entreprises de la Guadeloupe tant : par le nombre d'adhérents, que par le nombre de salariés qu'emploient nos entreprises, dont la grande majorité est constituée de PME et TPE. Plus de 1 100 entreprises adhèrent à notre organisation. Leur nombre est en croissance constante ;

Mais je veux souligner deux éléments fondamentaux qui caractérisent notre organisation : D'abord nous ne sommes pas une organisation isolée, repliée sur son archipel. Nous sommes aussi un MEDEF territorial, membre à part entière du MEDEF national et membre de la FEDOM. Ensuite notre association depuis sa création, il y a plus de 50 ans, est d'abord une association d'entreprises citoyennes.

Pourquoi considérez-vous ces deux caractéristiques comme fondamentales ?

Appartenir à un réseau national est essentiel. Nous ne pouvons vivre isolés sur notre territoire ! D'abord, la Guadeloupe est un département français. Elle est aussi une région ultrapériphérique de l'Union Européenne.  Cela implique qu'elle est soumise, aux adaptations près, aux lois et règlements de l'État et de l'Union Européenne dont elle bénéficie des politiques mises en œuvre.

L'économie guadeloupéenne est partie consubstantielle de l'économie française, qui elle-même doit faire face à une économie mondiale de plus en plus globalisée et soumise aux crises et mutations que nous connaissons et qui n'étaient pas toutes prévisibles (Covid, guerre Ukraine-Russie...)

Ensuite, les Outre-mer sont dans une situation géographique d'ultra-périphéricité et présentent des problématiques communes et des spécificités suffisamment importantes pour justifier un ministère particulier. Dans ce contexte, les acteurs économiques ultramarins doivent être en capacité de faire entendre leur voix.

Union d'entreprises citoyennes : C'est une valeur qui fonde notre pacte associatif. Nous y sommes particulièrement attachés. Nous considérons qu'une entreprise est d'abord une communauté d'hommes et de femmes unis dans la réalisation d'objectifs communs profitables à notre territoire. Nous sommes co-responsables de son développement et du bien-être de chacun pour la part qui nous revient.

Le profit n'est pas une fin en soi. Il est seulement un moyen nécessaire, comme le sang est indispensable à la Vie.

Quels sont les axes d'actions particulières que vous avez définis pour tirer les conséquences de ces deux caractéristiques que vous considérez comme essentielles ?

En ce qui concerne le réseau national, nous avons obtenu l'inclusion dans les statuts du MEDEF national d'un comité des Medef d'Outre-Mer (qui en sont tous membres). Cette instance statutaire est co-présidée par un vice-président du Medef National et un président d'un Medef ultramarin (présidence tournante). Ces deux co-présidents sont membres de droit du conseil exécutif du MEDEF national. Des collaborateurs du MEDEF national sont spécifiquement dédiés au bon fonctionnement de ce comité. Cette réforme a induit une forte implication bénéfique du MEDEF national dans les questions ultramarines.

Nous sommes également membres du bureau et du conseil d'administration de la FEDOM (Fédération des Entreprises des Outre-Mer). Enfin nous entretenons des rapports étroits directs avec le ministère des Outremer. Tout ce réseau nous permet de faire entendre la voix des entreprises ultramarines, afin qu'elles ne soient pas les « oubliées de la République » dans ce moment de doute et de difficultés particulières. C'est ainsi que nous avons pu faire largement remonter nos propositions dans le cadre de la préparation du comité interministériel des Outre-mer.

Pour ce qui est de notre attachement à la valeur « entreprises citoyennes » : nous sommes, bien évidemment, attachés à la qualité du dialogue social qu'il soit interne à nos entreprises ou avec les partenaires sociaux. Notre dialogue est également constant avec l'État, les pouvoirs publics et les collectivités locales. Nous sommes très engagés pour apporter une réponse à la situation économique insatisfaisante qui concerne notre territoire. Pas celles de nos entreprises qui globalement ont su faire face à la crise, mais à celle plus générale de l'insuffisante activité économique pour couvrir les besoins d'emplois.

Nous considérons inacceptable que nos RUP soient en décrochage par rapport aux autres régions européennes et en particulier à celles des RUP Ibériques. Nous sommes convaincus que notre modèle est dépassé. Nous sommes très investis dans la création d'entreprises qui doit être complétée par la venue d'entreprises extérieures. Nous devons, avec nos partenaires institutionnels, lever les freins à notre pleine inclusion dans notre espace géographique immédiat.

Alors quel est votre cap pour l'année 2023 ?

Bien évidemment le cap retenu pour l'année 2023 s'inscrit dans la logique des fondamentaux que je viens de rappeler. Nos actions s'articulent autour de quatre thématiques principales :

- l'emploi des jeunes,

- les délais de paiement des collectivités,

- l'eau et l'assainissement,

- l'animation du réseau et les rencontres avec nos adhérents.

Quelles sont les principales actions menées par l'UDE-MEDEF en faveur de l'emploi des jeunes ?

Notre priorité première est, et reste, l'emploi des jeunes. Le taux de chômage des jeunes est inacceptable. Nos jeunes, notamment les plus talentueux, « s'ex-île(nt) » et ne reviennent pas. Notre population diminue. Une société dont la jeunesse se désespère n'a pas de futur.

Nous avons initié une expérience unique en France avec le « pacte pour l'emploi des jeunes » qui a constitué un succès certain avec la création de plus d’un millier d'emplois. Dans cet esprit nous mettons en place un nouveau pacte pour l’alternance visant à réunir autour d'une convention tous les acteurs du secteur. Nous voulons créer une plateforme visant à mettre en relation les jeunes en recherche de stage d'alternance avec les entreprises. Et enfin l'organisation d'un forum des métiers prévu le 4 juillet prochain.

En quoi le sujet des délais de paiement est-il important pour les entreprises ? Pourquoi doit-il être abordé ?

Ce sujet n'est pas nouveau. Il perdure depuis trop longtemps et met à mal la santé des entreprises. Ces délais de paiement illégaux parce que très excessifs, concernent essentiellement les collectivités locales et principalement la sphère communale, mais pas que... Actuellement, plus de 300 millions d’euros de factures mandatées restent impayées.

Cette situation conduit les entreprises à être les banquiers des collectivités, ce dont elles n'ont pas la capacité. Cette situation est en outre particulièrement malsaine dans un espace insulaire. Elle procède pour l'essentiel d'un défaut de contrôle de la part de l'État et d'une situation de quasi-faillite d'un grand nombre de communes.

C'est un sujet constant de préoccupation. Suite à nos nombreuses interventions, des missions d'inspection ont été diligentées, certaines mesures de redressement ont été entreprises. Leurs effets se font encore attendre…

Nous demandons avec insistance que soit rendu public l'état de la commande publique impayée et les délais de paiement. Nous devrions obtenir satisfaction sur ce point, car ces informations sont publiques. Sur ce sujet, nous organisons avec l’Association des Maires de Guadeloupe les premières assises des délais de paiement. Cette première édition en territoire ultramarin se tiendra le 23 juin prochain et permettra de trouver ensemble des solutions pérennes à ce mal structurel qui ronge notre économie.

Les conséquences de cette situation sont aggravées par les dysfonctionnements majeurs de la CGSS (Caisse Générale de Sécurité Sociale). Plus de 13 000 moratoires d’entreprises ont été brutalement annulés. Les contacts des entreprises avec la CGSS sont particulièrement difficiles, voire impossibles, à obtenir. Il ne semble être tenu aucun compte des situations particulières induites par les mesures « COVID », le grave conflit social de fin 2021, les conséquences de la longue grève d'EDF pays : 60 jours.

Les médias ont abondamment repris et commenté nos communiqués. Nous avons eu un entretien direct très positif avec Thibault Lanxade, président de l'ACOSS.

Notre objectif est d'œuvrer à l'installation de nos entreprises et particulièrement de nos adhérents dans une nécessaire « compliance » vis-à-vis des organismes sociaux en cherchant : à traiter le passé et l'historique des dettes, à assurer le présent et la bonne gestion des relations entreprises/CGSS-URSSAF, de façon à mieux assurer et maîtriser l'avenir de nos entreprises.

Quels sont les impacts des problèmes d'eau pour les entreprises de Guadeloupe ?

Les Guadeloupéens, et pas seulement les entreprises, vivent en ce domaine une situation indigne et inacceptable. Le problème de l'eau ne concerne pas seulement l'alimentation en eau, et en particulier potable, mais aussi le traitement des eaux usées et pluviales.

La ressource naturelle en eau ne fait pas défaut : La Guadeloupe n'est-elle pas depuis toujours appelée Karukera l'île aux belles eaux ? Les installations requises ont été réalisées en leur temps au niveau de qualité d'une société moderne. Mais par défaut d'entretien elles sont devenues pour nombre d'entre elles hors services : plus de 50% de pertes d’eau, de nombreuses stations d'épuration et de traitement des eaux pluviales hors service.

Dans des communes, de plus en plus nombreuses, les permis de construire ne peuvent plus être délivrés en raison de l'absence de capacité disponible de traitement des eaux usées. C'est scandaleux ! Des collectifs de plus en plus nombreux ont porté plainte au pénal !

Ce sujet relève de la compétence des collectivités locales et en particulier de la sphère communale qui n'a pas entretenu et pour nombre d'entre elles sont en quasi-faillite et ne peuvent faire face aux conséquences financières de ces graves négligences. L'État est intervenu pour modifier l'organisation de la gestion de l'eau. Mais cette modification tarde à être vraiment mise en œuvre faute d'empressement des collectivités majeures.

Cette grave carence sur l'exercice d'un service public majeur, essentiel, illustre parfaitement l'ineptie du mille-feuilles administratif, en particulier dans des espaces insulaires de petites dimensions : services de l'État, Région, Département, communautés d'agglomérations, communes, intercommunalités, syndicats etc... Les entreprises n'ont aucune compétence en ce domaine, mais en supportent les conséquences.

Devant cette situation d'inertie...l'UDE-MEDEF est en train de travailler sur ce sujet. Nous pourrons en dire un peu plus prochainement...

Vous qui présidez une association d'entreprises qui se veulent citoyennes, quels sont les sujets, autres qu'économiques, concernant plus spécifiquement la Guadeloupe, qui vous préoccupent particulièrement ?

Trois sujets non spécifiquement économiques me préoccupent particulièrement : la montée de la délinquance, la contrebande et ses trafics, l'immigration clandestine.

La montée de la délinquance : Comme en métropole on assiste à une forte montée de la délinquance violente aboutissant trop souvent à des meurtres et assassinats. Elle paraît liée aux trafics de drogues, mais pas que...Ce phénomène traduit une perte de civisme, un délitement de notre « vouloir vivre ensemble ». Il doit nous préoccuper. Nous devons tous réagir.

La contrebande et les trafics : Il y a une forte croissance des trafics de drogue. D'armes aussi. Mais de la contrebande également en provenance des différentes iles de la Caraïbe. Cette dernière atteint un niveau d'importance qui constitue une forte concurrence à nos entreprises, notamment les petites. La lutte contre cette contrebande mériterait d'être grandement renforcée.

L'immigration clandestine : Elle semble atteindre des niveaux jamais atteints par le passé. Elle provient pour l'essentiel des îles de la Caraïbe, mais pas seulement. Ces trois phénomènes sont fortement liés à l'évidence. Ils constituent un sujet de préoccupation majeure et doivent faire l'objet de contre-mesures plus affirmées et assurément plus visibles.

Et pour terminer : comment animez-vous au quotidien le réseau des adhérents de l'UDE-MEDEF Guadeloupe ?

Nous animons au quotidien le réseau de nos adhérents au travers de nos outils numériques comme nos réseaux sociaux, notre site Internet ou encore notre appli mobile UDE-MEDEF Guadeloupe. Ce dernier outil est indispensable pour suivre toute l’actualité de l’UDE-MEDEF en temps réel et profiter d’un réseau d’entrepreneurs. Elle offre un accès rapide aux rubriques thématiques et aux différents évènements organisés.

Nous communiquons également en direct auprès de nos adhérents via l’application WhatsApp et ils reçoivent quotidiennement une veille média proposant une sélection d’articles de presse leur permettant de ne pas rater l’actualité économique, sociale et politique locale et nationale.

Nous organisons également de nombreux événements tout au long de l’année tel que le déjeuner de l’entrepreneur. Ce repas convivial autour d’invités d’honneur et/ou d’une thématique d’actualité constitue l’occasion de rencontrer les membres du réseau de l’UDE-MEDEF Guadeloupe, d’échanger et de partager des réflexions avec les différents entrepreneurs présents.

Des avis d'experts sont également proposés aux adhérents. Ce sont des réunions d’information sur un thème spécifique aux entreprises. Face aux réglementations en perpétuelle évolution et de plus en plus complexes, l’UDE-MEDEF Guadeloupe fait appel à un ou plusieurs experts du domaine en question afin d’apporter des réponses précises à toutes les interrogations de ces adhérents. Le dernier avis d’expert était sur le thème de la facturation électronique qui va devenir obligatoire en 2024. Il a réuni 80 participants.

Autre événement important à venir, la semaine du numérique qui se déroulera du 05 au 09/06 prochain. L’objectif de cette manifestation est de valoriser le secteur du numérique en Guadeloupe en proposant des évènements permettant de mettre en lumière toutes les initiatives des acteurs privés et publics et ainsi contribuer à renforcer l’attractivité du secteur auprès des entreprises, porteurs de projets, etc...

S’en suivra notre présence au salon Boost’up expérience, le salon des entrepreneurs engagés de Guadeloupe, les 09 et 10/06 ainsi que notre présence au salon des maires, des élus locaux et des décideurs publics les 22 et 23/06. Nos adhérents participeront par ailleurs à nos côtés à cet événement.

Nous avons à cœur d’offrir à nos adhérents des services de qualité et des outils performants. Nous cherchons à nous réinventer constamment et à faire vivre notre réseau. C’est pourquoi, nous proposons aussi un outil spécifique, dédié aux entrepreneurs, dirigeants de société, cadres et responsables décisionnaires. Il s’agit d’ALIZE, l’annuaire des professionnels de la Guadeloupe. Il permet d’avoir accès aux coordonnées des dirigeants inscrits et de développer sa visibilité en ligne. La base de données est fiable et mise à jour (www.alize.gp).