Guyane : Retrait des Kali’nas du Grand Conseil Coutumier, une rupture historique

Guyane : Retrait des Kali’nas du Grand Conseil Coutumier, une rupture historique

Le peuple Kali’na a officiellement annoncé son retrait du Grand Conseil Coutumier de Guyane. Cette décision a été prise à l’unanimité, hier soir, au village Prospérité, par les 14 yopotos (chefs coutumiers) représentant la communauté. Le choix des Kali’nas fait suite à l’élection controversée de Sylvio Van Der Pijl à la tête du Grand Conseil, le samedi précédent à Cayenne, une nomination obtenue grâce au soutien des Bushinengués. Explications avec les interviews réalisées par nos partenaires de Radio Péyi.

Cette élection est perçue comme une trahison par les Kali’nas, qui dénoncent une ingérence des capitaines Alukus, une branche des peuples Bushinengués, dans les affaires du Grand Conseil Coutumier. En effet, selon les Kali’nas, Eric Louis, yopoto du village Kuwano, aurait dû succéder à Bruno Apouyou à la présidence, conformément aux accords du dernier congrès autochtone d’avril.

Bénédicte Fjéké, chef coutumière de Terre Rouge, a pris la parole au nom de son peuple pour expliquer les raisons de ce retrait. Elle a rappelé son scepticisme de longue date à l’idée d’une collaboration entre Bushinengués et autochtones : « Moi je n'ai jamais cru, justement, de mettre les Bushinengués et les autochtones ensemble. Je n'ai jamais cru. Et je l'ai toujours dit. […] Nous sommes capables de se gérer nous-mêmes. […] Nous ne sommes pas là pour faire la guerre aux Bushinengués, mais aujourd'hui, nous avons pris une décision après ce qui s'est passé. Ce n'est pas sur un coup de tête […]. La parole a été trahie. Et donc, nous, les autorités coutumières, on ne peut plus continuer. »

Pour Bénédicte Fjéké, l’intervention des capitaines Alukus a gravement perturbé les relations coutumières, rompant un équilibre historique : « Cette décision a été gravement bafouée par l'ingérence des capitaines Aloukou, prétendant représenter à lui seul l'ensemble des six peuples Bushinengués du territoire. Cet acte d'intervention unilatérale constitue une rupture historique dans nos relations coutumières. […] La parole donnée, cette parole qui servait de lien sacré entre nos peuples et les représentants du peuple Aloukou a été trahie. »

Le retrait des Kali’nas marque une séparation nette du Grand Conseil, avec la volonté de reprendre en main la gestion de leurs propres affaires, sans l’ingérence d’autres groupes. Bénédicte Fjéké a ainsi annoncé que toutes les questions relatives aux Kali’nas seraient désormais gérées directement par leur peuple, sans passer par le Grand Conseil Coutumier. « À partir de ce jour, toute discussion et décision concernant nos zones de droits d'usage collectifs, nos concessions, […] nos sessions ne relèveront plus de la compétence du Grand Conseil Coutumier de Guyane. Ces questions seront désormais traitées exclusivement par et pour le peuple calinien. »

Le peuple Kali’na revendique la gestion autonome de ses terres, de ses ressources et de son développement, qu’il s’agisse de questions politiques, économiques, foncières, ou même éducatives. Pour eux, cette décision marque un tournant décisif dans la manière dont ils entendent protéger leur souveraineté et leur patrimoine. 

Damien Chaillot